Présentation des membres de la famille
Bowen Présentons maintenant de manière succincte les principaux acteurs de cette histoire familiale. Ils sont nombreux, le patriarche ayant eu huit garçons et huit filles (voir figure 1) qui ont pour la plupart eu eux-mêmes une descendance (voir figure 8 à figure 15, annexe 1). Pour les deux premières générations, on compte une cinquantaine d’ individus. De plus, on remarque que les enfants d’Edward Bowen se sont, pour la plupart, dirigés dans des emplois dans la justice ou dans l’ administration. En effet, ce clan, dont les membres sont reconnus dans leur temps, rend possible l’analyse du parcours d’une famille de l’ élite politico-judiciaire du xrxe siècle, groupe rarement étudié de façon approfondie, si ce n’est dans l’ouvrage de Brian Young sur les Taschereau et les McCord68 • Cette famille nombreuse occupe plusieurs postes dans la justice et l’administration du xrxe siècle. Le patriarche, Edward Bowen, bien qu’ il occupe dans l’ administration un poste d’importance, celui de juge de la Cour du banc du roi, doit faire face au défi d’établir sa nombreuse descendance. Des huit fils du juge Edward Bowen, trois sont présentés ici : George Frederick, Noel Hill et George Mountain. Ils ont été choisis pour deux raisons, premièrement à cause de leur présence dans les sources.
De fait ils ont laissé leur trace dans beaucoup de documents écrits qu’il est possible de consulter et d’étudier. Deuxièmement, parce qu’ils tiennent souvent un rôle important dans les affaires familiales en lien avec le patriarche de la famille. En ce qui concerne les autres fils du juge, trois d’entre eux sont décédés avant l’âge adulte soit William Hamilton, Charles Marshall et Charles William. Edward Henry, le fils ai né, décède en 1849 à l’âge de 40 ans. Francis Nathaniel Burton, médecin en Angleterre est également disparu dans la fleur de l’âge, en 1868. Ils n’ont pas, de ce fait, laissé beaucoup de traces de leur passage dans les archives familiales. En ce qui concerne les huit filles de la famille, une seule d’entre elles, Eliza Cecilia, est présenté de façon plus exhaustive ici, à cause de l’importance qu’a son époux, Edward Hale. Il a pris part aux affaires familiales, notamment dans le secteur foncier, a mis en oeuvre son expertise juridique ou a participé à des entreprises avec certains membres du clan. Cela n’exclut toutefois de la présente recherche les sept autres filles du juge. Elles sont évoquées dans certaines parties, en regard des sources dans lesquelles elles apparaissent.
Edward Bowen
Le patriarche de la famille, Edward Bowen (voir figure 2, annexe 1)69, est originaire de Kinsale en Irlande. Il arrive au Québec le 12 octobre 1797, grâce à sa grandtante, l’épouse du receveur-général Henry Caldwell. Il fait son apprentissage du droit, selon les différentes sources, aux études de Jonathan SewelI et de John CaldwelI et il est admis à la pratique le 15 juillet 18037°. Quatre ans plus tard, en 1807, il épouse Eliza Davidson, la filIe de James Davidson, un médecin des Royal Canadian Volunteers, dont on connaît peu de chose, les informations le concernant étant rares. Il est cependant représenté au mariage de sa filIe par Henry CaldwelI et John Caldwell, le père et le fils, seigneurs et hommes d’affaires et politiques influents dans la société d’alors. Edward Bowen et sa femme ont eu seize enfants soit huit garçons et huit filles. La carrière d’Edward Bowen, grâce à ses relations, prospère rapidement et en 1808, à la demande du gouverneur James Henry Craig, il accède au poste de procureur général du Bas-Canada. C’est toutefois de courte durée et il doit démissionner au profit de Uniacke. Il est cependant vite consolé en devenant, en 1809, le premier à obtenir le poste de conseil du roi. Le 3 mai 1812, grâce à l’aide de Sir George Prévost, Bowen accède, à l’âge de 39 ans, au poste de juge de la Cour du banc du roi de Québec.
On lui connaît également plusieurs autres fonctions qu’il exerce en paralIèle de ses activités de juge, notamment traducteur français du Conseil exécutif, secrétaire français de la province et président de la Cour d’appel. En 1849, il est promu juge en chefde la Cour supérieure. Sur le plan politique, Edward Bowen représente le comté William Henry (Sorel) de 1809 à 1812, dans les rangs du parti britannique. En 1822-1823, il prend part à la rédaction et à la présentation de la pétition de Québec s’opposant au projet d’union des deux Canadas. Un an plus tard, en 1824, il entre au Conseil législatif et il en a été le président, pro tempare, en 1834. On le retrouve également dans la milice, il y occupe le poste de lieutenant, puis celui de capitaine. Le juge Bowen s’implique en outre dans diverses associations dont l’Incorporated Church Society de laquelIe il est vice-président, la Société du feu de Québec, la Quebec Emigrant Society et la Ladies Compassionate Society. Edward Bowen décède à Québec le Il avril 1866. Voilà donc, sans contredit, un membre de l’élite coloniale de la première moitié du XIXe siècle: postes prestigieux dans l’administration, cumul de postes politiques, implications associatives, etc. Si on ne doit pas lire la mécanique de reproduction sociale de manière trop rigide, on sait que les familles de l’élite du temps craignent le déclassement, même relatif. L’importance du mariage auprès d’un statut équivalent ou supérieur, afin de ne pas déclasser, est bien démontré dans l’article de François Guérard sur les notables tritluviens71
• De ce fait, le statut atteint par Edward Bowen a certainement dû jouer dans ce que l’on estime devoir être la réussite de ses fils et de ses filles ou un bon établissement de chacun chacune. Voici maintenant la présentation de quelques-uns des descendants d’Edward Bowen qui occupent une place importante dans ce mémoire. Il s’agit de trois de ses fils, soit George Frederick Bowen, George Mountain Bowen et Noel Hill Bowen, qui ont pris une part active dans les affaires familiales, travaillant fréquemment de concert entre eux ou avec leur père. En ce qui concerne les autres fils d’Edward Bowen les raisons de leur absence de cette présentation plus détaillée ont été expliquées plus haut. Ils ne sont toutefois pas absents de cette recherche où ils apparaissent selon les renseignements disponibles. En ce qui concerne les filles, c’est par leurs alliances matrimoniales que ces dernières ont eu un impact important sur la reproduction familiale des Bowen et elles sont évoquées dans la troisième partie de cette recherche. George Mountain Bowen Le treizième enfant, et sixième fils, d’Edward Bowen est né le 19 juin 1826 à Québec73
• On le retrouve, à l’âge de 21 ans, dans la ville de Liverpool en Angleterre où il épouse, en 1854, sa première femme, Sarita Manning. De cette union sont nés sept enfants, deux garçons et cinq filles. À la suite du décès de son épouse en 1863, George Mountain (voir figure 4, annexe 1) se remarie en 1866 à Sarah Ann Jones, avec qui il a deux autres filles. Les informations concernant les activités professionnelles de George Mountain Bowen sont très rares. Il est écuyer, ce qui voulait dire « gentilhomme» à cette époque, un terme abondamment utilisé. Cependant une lettre qu’il écrit, en 1882, à Sir John A. Macdonald nous apporte certains indices sur ses activités professionnelles. Il mentionne avoir résidé durant vingt ans en Angleterre, où il a été principalement engagé dans des activités mercantiles, notamment l’expédition, dans les banques et les assurances74
• Ce document permet aussi de se faire une petite idée de son parcours. Il mentionne qu’il a quitté l’Angleterre en 1874 et qu’il a ensuite résidé, entre cette date et mai 1882, en Amérique du Sud, en Californie et en Oregon. Un journal, tenu par sa seconde épouse Sarah-Ann Jones, entre 1874 et 1906, permet de préciser cette portion de la vie professionnelle de George Mountain75 • Elle y mentionne qu’en janvier 1876, George Mountain a débuté un emploi comme directeur de la « banco national de Bolivia » à La paz en Bolivie76
• Trois ans plus tard, en 1879, il est à Barranquilla en Colombie et est directeur de la «Atlas S. S. Company77 ». En 1882, la famille de George Mountain demeure désormais dans la ville de Montréal où ils ont une maison78
• On peut aussi voir, dans sa correspondance, qu’il doit quitter cette même ville, pour des raisons financières, en 188579
• Le journal de son épouse confirme ces informations, elle y mentionne que le 10 avril 1885 ils vendent leurs biens et ils quittent Montréal pour New York où, le 7 mai suivant, ils s’embarquent pour la Suisse8o
• Ensuite les seules informations certaines dont on dispose sont celles du journal de Sarah Ann ‘Nita’ Bowen. Elle mentionne qu’en] 889, George Mountain va à la« Bank of Mexico » de Londres, mais elle n’indique pas l’emploi qu’il y exerce81
• Elle rapporte ensuite qu’il devient secrétaire de la « Cayolla Mines» en 189082
• Après cette date, le recensement des îles Anglo-Normandes de 1901 83 où il apparaît et les informations disponibles sur un document officiel de succession, le disent habitant de Jersey, en Angleterre84
• Le journal de son épouse, entre 1891 et 1906, mentionne de nombreux déplacements, cependant, à partir d’octobre 1897, leur résidence principale est à Le Chalet Pontac au Jersey en Angleterre85
• L’empire britannique et l’économie-monde du xrxe siècle permettait aussi, au prix de l’exil, de réussir son établissement.
RÉSUME |