LES RESPONSABILITÉS DE DROIT COMMUN
Outre le régime légal, la responsabilité des constructeurs dans le domaine des travaux sur existants, repose sur le régime de droit commun. Ce régime de droit commun est aussi mobilisable dans le cadre d’une relation contractuelle, plus précisément, lorsque des dommages surviennent à l’occasion de l’exécution de travaux décris dans un contrat, liant constructeur et maître d’ouvrage. Toutefois, son application demeure résiduelle. La responsabilité contractuelle de droit commun s’impose en l’absence de règles spécifiques. En d’autres termes, elle ne s’applique que lorsque les articles 1792 et suivants du Code civil, sont inopérants au regard de l’opération projetée. Au surplus, comme cela a été utilement évoqué plus haut, et nous en aurons confirmation, les effets du régime de droit commun ne sont pas liés au prononcé de l’acte de réception. Par conséquent, que l’on soit avant ou après réception, il existe toujours une possibilité pour le maître d’ouvrage de se prévaloir des dispositions de droit commun. C’est en vertu de l’existence de cette possibilité en amont et en aval de l’acte de réception, que nous avons fait le choix d’envisager la responsabilité de droit commun sous deux formes : La seconde responsabilité de droit commun applicable après la réception, qui n’intervient que pour les désordres matériels extérieurs au domaine d’application des garanties spécifiques. C’est d’ailleurs en ce sens, que cette seconde forme de responsabilité de droit commun, constitue une exception au principe d’application des responsabilités spéciales des constructeurs, aux dommages postérieurs à la réception (Section II).
De tout temps, il a été question de considérer que les dispositions 1792 et 2270965 du Code civil, étaient sans application avant la réception de l’ouvrage. D’ailleurs, cette solution n’a à proprement parler, jamais été mise en doute, ni en jurisprudence, ni en doctrine. L’unique certitude, c’est que le juge judiciaire confère au maître d’ouvrage, la possibilité de poursuivre par le truchement des outils de droit commun, les auteurs de dommages causés à l’ouvrage, avant sa réception. Cependant, peut-on relever qu’à l’exception des hypothèses d’abandon de chantier par l’entrepreneur ou de refus du maître d’ouvrage de réceptionner l’ouvrage966, il est assez rare au fond, que le donneur d’ordres intente une action pour un désordre de construction ou de rénovation, apparu avant la réception967. De manière générale, le maître qui constate un défaut lors d’une visite de chantier, le signale au constructeur, qui le corrige dans la perspective de la réception. Par ailleurs, mis à part le maître d’ouvrage qui a commandé les travaux, il a été reconnu dans un arrêt du 9 juillet 2014968, que le bénéfice de l’action de droit commun basé sur un fondement contractuel, pouvait également être transmis aux acquéreurs de l’ouvrage immobilier. Dans cette espèce, une société avait acheté des lots de terrains en cours de construction et une société intermédiaire avait dans l’intervalle, conclu des contrats avec un certain nombre d’entrepreneurs. Suite aux désordres constatés sur les constructions, l’acquéreur avait engagé des actions en responsabilité contre les diverses sociétés et leurs assureurs. Les sociétés mises en cause dans le litige soutenaient que l’acquéreur n’avait pas la qualité pour agir, eu égard à l’absence de qualité de « partie » aux contrats de construction. La Cour d’appel avait accueilli favorablement cet argument. Rien de tel pour la Magistrature suprême saisie de l’affaire, qui avait partiellement censuré les juges du fond, considérant que : « l’acquéreur d’un immeuble dispose de la de travaux de construction, ne paraît pas incompatible au contexte des travaux sur existants.
Ainsi, aussi bien le maître d’ouvrage qui a commandé les travaux que l’acquéreur de l’ouvrage sur lequel ils ont été réalisés, peuvent se prévaloir de la responsabilité de droit commun des constructeurs avant la réception. Les principaux débiteurs de cette première forme de garantie, sont les entrepreneurs qui ont réellement effectué les travaux (Paragraphe 1) et les éventuels maîtres d’œuvre qui ont participé à cette fin (Paragraphe 2). Toute obligation au sens technique du terme, en référence notamment à l’idée de dette, suppose un objet concrètement déterminé et déterminable969. C’est au débiteur de cette obligation, qu’incombe l’atteinte « coûte que coûte » de ce résultat promis970. Le simple fait pour lui de n’avoir pas obtenu le résultat escompté, suffit à démontrer l’inexécution de l’obligation : en d’autres termes, la faute du débiteur est établie, ce qui légitime d’emblée l’engagement de sa responsabilité contractuelle971. L’exemple classique de l’obligation de sécurité en matière de transport de personnes par chemin de fer, illustre parfaitement le sens de l’obligation de résultat. En pareil cas, une telle obligation s’impose « à partir du moment où le voyageur commence à monter dans le véhicule et jusqu’au moment où il achève d’en descendre »972.