LES RESISTANCES LIEES A LA NATURE JUDICIAIRE DU MANDAT D’ARRET EUROPEEN
La nécessaire coopération entre les juges nationaux et juge de l’Union
L’intégration dans les ordres juridiques nationaux de l’ordre juridique de l’Union et de son application par la Cour de justice marque le particularisme du droit de l’Union et impose nécessairement un échange entre la Cour et les juridictions internes pour assurer une protection optimale des droits fondamentaux qu’ils soient garantis par 83 les Constitutions ou par le droit de l’Union266.
L’intégration pénale européenne impose alors au juge national de repenser ses échanges avec les juridictions européennes. 111. Les États membres de l’Union doivent se conformer aux exigences supranationales des normes soit directement pour les normes dotées d’effet direct soit à l’issue d’une transposition pour les directives. Ainsi et comme la jurisprudence de la Cour eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises « les règles du droit de l’Union directement applicables qui sont une source immédiate de droits et d’obligations pour tous ceux qu’elles concernent, qu’il s’agisse des États membres ou de particuliers qui sont parties à des rapports juridiques relevant du droit de l’Union, doivent déployer la plénitude de leurs effets, d’une manière uniforme dans tous les États membres, à partir de leur entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur validité » 267. Ainsi, les droits et obligations découlant du droit de l’Union doivent être intégrés et appliqués par les États membres. Toutefois et s’agissant notamment des directives nécessitant l’adoption d’actes de transposition pour être effective en droit interne, la difficulté majeure à l’échelle de l’Union est celle des divergences d’interprétation par les législateurs nationaux conduisant alors à des transpositions et des applications variables.
Si ces différences peuvent s’expliquer par une des traditions juridiques et constitutionnelles propres aux États et caractéristiques de l’Union, elles s’avèrent être un obstacle à l’exercice uniforme du droit dérivé de l’Union. De surcroît, l’exercice de transposition puis l’application des directives européennes et, plus particulièrement, celle instituant le mandat d’arrêt européen, conduit parfois le juge national à saisir la Cour pour obtenir son interprétation de la norme en cause et veiller à se conformer, en interne, aux exigences européennes. Le contentieux du mandat d’arrêt européen met en évidence cette coopération entre juges nationaux et juges de l’Union en plaçant la procédure du renvoi préjudiciel au cœur du système
Le dialogue vertical entre les juges nationaux et la Cour de justice de l’Union européenne
La reconnaissance de l’existence d’un dialogue entre les juges nationaux et européens appartient à Monsieur Bruno Genevois. Il affirmait lors de ses conclusions dans l’affaire Cohn-Bendit en 1978 qu’« à l’échelon de la Communauté européenne, il ne doit y avoir ni gouvernement des juges ni guerre des juges. Il doit y avoir place pour le dialogue des juges » 268. La superposition et la confrontation des ordres juridiques impliquent nécessairement une collaboration ou, au moins, des échanges entre les juges nationaux et européens. Le mécanisme judiciaire de coopération pénale qu’est le mandat d’arrêt européen illustre effectivement la relation collaborative entre les juges nationaux et la Cour qui pourrait aboutir à un équilibre au regard de la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union. Cette coopération est une pratique largement acceptée aujourd’hui par les juridictions nationales et facilitée par le renvoi préjudiciel (A), mais l’analyse des échanges entre ces différents juges, acteurs et interprètes de la protection
Une pratique admise par les États
Le renvoi préjudiciel est une procédure non contentieuse qui a la particularité d’être, tout comme le mandat d’arrêt européen, une procédure de « juge à juge » 269. Grâce à cette procédure incidente, les juridictions internes peuvent saisir le juge de la Cour de justice d’une question portant sur l’interprétation ou l’appréciation de validité d’une norme européenne applicable à un litige national. La Cour de justice l’a d’ailleurs à plusieurs reprises qualifié de « clef de voute du système juridictionnel » de l’Union, y compris dans son avis négatif 2/13 du 18 décembre relatif à l’adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, dans lequel elle précise également que ce renvoi préjudiciel instaure « un dialogue de juge à juge » entre elle et les juridictions nationales.
Créé pour assurer uniformité et cohérence dans l’interprétation et l’application du droit de l’Union au sein de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice, il est la conséquence directe du fonctionnement de l’Union et du fait que les juges nationaux sont les juges de droit commun de cette Union. Pourvues de cultures juridiques diverses et variées, l’objectif du mécanisme est que les juridictions nationales soient guidées dans l’application et la compréhension de la norme européenne. Cet outil a, par ailleurs, le double avantage d’être également un réel instrument de protection des droits des justiciables puisqu’il permet d’assurer aussi un contrôle juridictionnel du respect des droits fondamentaux au sein des États.