Les représentations du patrimoine des enseignantes et des enseignants interrogés

Le concept de culture

Qu’ elle soit classique, utilitaire ou populaire, la culture contribue à façonner l’ identité de l’ individu et à l’ inclure dans la communauté à laquelle il se rattache. Elle lui donne des repères et l’aide à décoder le fonctionnement de son univers de vie. Grâce à sa culture, l’ individu se sentira enchâssé dans un monde qu’il pourra comprendre et, à son tour, enrichir. Qu’ on soit partisan d’ une forme ou d’ une autre de la culture, c’ est, entre autres, par la propagation du patrimoine auquel elle est rattachée qu’ on permettra sa survie et son dynamisme puisque toutes les formes culturelles demeurent inextricablement liées au patrimoine qui les génère. La culture est aussi issue du passé et elle représente l’héritage des sociétés qui la communiquent sans cesse aux nouvelles générations. Le concept de culture est un concept polysémique qui soulève une quantité illimitée de réflexions, d’analyses et de prises de position. Laroui (2007) parle d’un flou sémantique entourant le concept de culture dont le statut est toujours objet de débats.

Communément, on accepte de définir la culture par l’ensemble des structures sociales et des manifestations intellectuelles, artistiques, religieuses, institutionnelles et matérielles qui délimite une civilisation, une société par rapport à une autre (Legendre, 2005). Selon cette acception socioanthropologique de la culture, l’être humain cultivé se définit par sa participation à la culture dans laquelle il a été socialisé et éduqué, qui oriente ses actions et ses relations avec les autres et lui-même (Tardif et Mujawamariya, 2002). Dumont (1968) identifie cette forme de culture comme la culture première, c’est-àdire la culture issue d’un milieu donné qui sert à interpréter le monde selon ce qu’on porte en soi (les conduites familiales, la langue maternelle, les habitudes de vie, etc.) Toutefois, Dumont (1968) désigne un deuxième niveau de culture qui est la culture seconde. Elle peut être considérée comme un objet qui permet de poser un regard sur le monde et d’expliquer ce qui entoure en introduisant une distance critique (Laroui, 2007). Cette culture seconde est réfléchie, symbolique et souvent incarnée dans des oeuvres et des pratiques dynamiques au contenu réflexif. Laroui (2007) et Simard, Falardeau, Émery-Bruneau et Côté (2007) reprenant Dumont (1968) insistent sur l’importance de considérer cette culture comme un processus dynamique qui permet à l’ individu d’entrer en relation avec lui-même et les autres.

De son côté, Forquin (1989), identifie cmq acceptions possibles du concept de 1 culture. D’abord, il parle de la culture traditionnelle qui est individuelle et normative. C’est la culture bonne en soi et perfective qui caractérise « l’esprit cultivé » où l’individu possède une large palette de connaissances à laquelle s’ajoutent « des compétences cognitives générales, une capacité d’évaluation intelligente et de jugement personnel en matière intellectuelle et artistique» (p. 9). On retrouve ensuite une vision de la culture dite descriptive et objective. Cette acception fait référence à une culture sociologique ou ethnologique qui regroupe le mode de vie et les caractéristiques associées à un groupe ou à une société. La troisième acception du mot culture concerne la culture patrimoniale, aussi nommée par Forquin (1989) de culture différentialiste ou identitaire, qui regroupe « un patrimoine de connaissances, d’institutions, de valeurs et de symboles constitué au fil des générations et caractéristique d’une communauté humaine particulièrement définie de manière plus ou moins large et plus ou moins exclusive» (p. 10). Cette culture est de nature dynamique puisqu’elle se construit grâce à la mémoire, mais aussi par un « processus perpétuel de sélection et de décantation» de ce qui doit être conservé comme bien collectif. La culture universaliste et unitaire est, en quatrième lieu, considérée par Forquin (1989) comme étant la culture de l’humain, dépassant les frontières et les particularismes identitaires. Finalement, la dernière acception concerne la culture au sens philosophique, différenciant l’humain de son état d’animal pour en faire un être civilisé.

Définir le patrimoine Pour arriver à connaître les représentations du patrimoine chez des enseignantes et des enseignants d’univers social du secondaire, il est essentiel de circonscrire ce qui est entendu par le concept de patrimoine. La définition qui est retenue sert de repère pour l’élaboration de l’entrevue et l’analyse des données. Elle aide aussi à comprendre la représentation que le programme expose de ce même concept. De plus, comme nous l’avons mentionné, la culture est tributaire du patrimoine. En émettant une définition idéale du patrimoine, il est donné, par le fait même, une orientation au concept de culture qui en découle et qui lui est naturellement lié. Le concept de patrimoine a évolué à travers le temps et selon les différents sens que lui ont donnés les sociétés. La notion moderne de patrimoine, qui implique la conservation des biens identifiés, apparaît au XIXe siècle (Choay, 1999; Drouin, 2005). Jusqu’alors, le terme patrimoine concernait uniquement les sphères privées et juridiques selon lesquelles il désignait les biens de la famille et l’ héritage matériel (Desvallées, 2003). Encore aujourd’hui, le concept de patrimoine peut être appliqué à cette seule définition. Des textes de loi y font appel.

Toutefois, à la suite de la Révolution française, l’ idée de sauvegarder des biens d’ un passé voué à la destruction engendre une prise de conscience qui occasionne une nouvelle application du mot patrimoine, dorénavant associé à la préservation d’ un héritage collectif (Drouin, 2005). Progressivement, l’industrialisation, l’urbanisation rapide et l’idée de progrès conscientisent la communauté mondiale qui sent le besoin de protéger certaines créations humaines issues du passé et menacées de destruction à court ou à long terme. Seulement, à cette époque et jusque dans la deuxième partie du XXe siècle, même si le vocable patrimoine existe, les spécialistes persistent à utiliser les expressions « monument » et « monument historique». Ces deux expressions, bien que semblables, ne réfèrent pas exactement aux mêmes structures. Le monument est une construction intentionnelle réalisée pour se souvenir de quelque chose. On considère le monument comme un « artefact édifié par une communauté d’ individus pour se remémorer ou faire remémorer à d’autres générations des personnes, des événements, des sacrifices, des rites ou des croyances » (Choay, 1999, p.14). Le monument historique se différencie du monument intentionnel puisqu’ il n’est pas spécifiquement construit pour se remémorer. Les sociétés choisissent de donner le statut de monument historique à toute construction de caractère monumental qui lui semble porteuse de souvenirs. Cependant, bien qu’éminemment patrimoniaux, les monuments et les monuments historiques ne sont qu’une part d’ un héritage qui s’ accroît continuellement grâce à l’annexion incessante de nouveaux types de biens qui sont chronologiquement et géographiquement beaucoup plus variés (Ibid, p. 10). L ‘ utilisation des expressions « monument » et « monument historique » est donc restrictive et insuffisante pour caractériser l’ ensemble du patrimoine d’une collectivité.

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Représentations sociales et discours

On peut atteindre les représentations sociales de façon relativement simple. On pourrait identifier des représentations par l’analyse des images médiatiques, la compilation des messages écrits entre les membres d’un groupe ou l’observation des conduites ou des agencements matériels d’un lieu. lodelet (1989) et Moliner et coll. (2002) affirment que la représentation peut être portée de diverses manières, mais que la plus accessible pour étudier la représentation chez les individus demeure le discours. Par la nature de l’objet qui nous intéresse, le patrimoine, il sera possible d’ identifier les représentations de quelques membres d’ un groupe par l’entremise de leur expression orale dans le cadre de discussions orientées. De même, le Programme de formation de l’ école québécoise, par ses façons d’ identifier les contenus et de décrire ses attentes, offre par son discours ses représentations de certaines réalités, dont le patrimoine.

Le discours est un concept qu’on peut définir comme « une unité linguistique constituée d’une succession de phrases » (Charaudeau et Maingueneau, 2002, p. 185). Cette unité linguistique est organisée selon plusieurs règles qui caractérisent les genres et elle est régie par des normes établies par le comportement social. Charaudeau et Maingueneau (2002) précisent qu’ il ne doit pas exister de confusion entre le discours, qui est interactif, et l’interaction orale: « toute énonciation, même produite sans la présence d’un destinataire, est en fait prise dans une interactivité constitutive, elle est un échange, explicite ou implicite, avec d’autres locuteurs, virtuels ou réels, elle suppose toujours la présence d’ une autre instance d’énonciation à laquelle s’adresse le locuteur et par rapport à laquelle il construit son propre discours» (p. 188). Par conséquent, il est possible d’affirmer que le programme d’études, même s’il est écrit sous forme de communication gouvernementale, est un discours. Il sous-entend une interaction entre les instances ministérielles qui énoncent leurs exigences, leurs objectifs et leurs intentions aux différents acteurs du milieu de l’éducation, particulièrement aux enseignants.

Table des matières

AVANT-PROPOS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LE CADRE CONCEPTUEL
1.1 Le concept de culture
1.2 Définir le patrimoine
1.3 Les représentations sociales
1.4 Représentations sociales et discours
1.5 Le programme d’ études
1.6 Le domaine de l’univers social
CHAPITRE 2 LA PROBLÉMATIQUE
2. 1 Enseigner dans une perspective culturelle
2.2 L’enseignant, passeur culturel
2.3 Types de rapport à la culture et au patrimoine
2.4 Objectifs de recherche
CHAPITRE 3 LA MÉTHODOLOGIE.
3.1 Les données qui conditionnent la méthodologie
3.2 L’échantillon
3.3 L’entrevue
3.3. 1 Le guide d’ entrevue
3.4 L’analyse thématique
3.4.1 La validation de l’ analyse thématique
3.4.2 La sensibilité théorique
3.5 Portrait des enseignantes et des enseignants
3.6 Les parties du PFÉQ analysées
3.7 Le respect de l’ éthique
CHAPITRE 4 L’ANALYSE DES DONNÉES
4.1 Thèmes et rubriques
4.2 Entre identité et passé historique
4.3 La notion de passé liée au patrimoine
4.4 Les différentes fonctions du patrimoine
4.5 Des exemples de patrimoine
4.6 Conditions pour être patrimonial
4.7 Les différentes échelles du patrimoine
4.8 Transmission du patrimoine
CHAPITRE 5 LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
5.1 Les représentations du patrimoine des enseignantes et des enseignants interrogés
5.2 Les représentations du patrimoine dans le
CHAPITRE 6 LA DISCUSSION DES RÉSULTATS
6.1 La fonction identitaire du patrimoine
6.2 Deux types de rapport à la culture prédominants
6.3 Proximité entre représentations du patrimoine des enseignantes et des enseignants interrogés et le PFÉQ
CONCLUSION
APPENDICE A
APPENDICE B
BIBLIOGRAPHIE

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