Les representations des pouvoirs français et chinois

Devenue aujourd’hui premier fournisseur commercial et grand investisseur minier à Madagascar, la Chine renforce et développe son influence grandissante, bouleversant continuellement l’échiquier géopolitique traditionnellement occupé par la France et les pays occidentaux. La Chinafrique est désormais une réalité dans la Grande Ile et appelle à des restructurations et des transformations tant sur les politiques de coopération que sur les champs économiques, sociaux et culturels dans lesquelles évoluent les populations et les groupements autochtones. Pendant que les grandes entreprises chinoises investissent dans l’extraction minière à travers plusieurs régions du pays, le IIIème arrondissement de la capitale Antananarivo voit la concentration et la propagation des activités des petits commerçants chinois. Parallèlement, on peut y observer depuis plusieurs décennies une présence française matérialisée tant économiquement par ses multinationales (Société Générale, Total, BPCE…) que culturellement par le triomphe de la langue française dans les écoles. Ainsi, se démarquant à partir d’une approche comparative, ce mémoire de MASTER II constitue la suite de nos recherches effectuées dans le cadre du mémoire de maîtrise qui ont porté sur « les Dimensions géopolitiques de la présence chinoise dans le grand Antananarivo ».

Richesse de l’approche géopolitique 

Propre à la géographie, la traduction spatiale apporte des éclaircissements et des significations à des dynamiques et à des phénomènes apparemment éloignés entre eux, mais faisant partie intégrante de la stratégie d’un ou de plusieurs acteurs. Le professeur Jack Dangermond parle de Geoenlightenement à l’heure où certaines universités commençaient à douter de l’utilité de la géographie. En effet, sous le crédo “what happened here has an impact there », ce professeur argumente le rayonnement de la géographie dans l’appréhension d’un monde ou l’hyperconnectivité amène à la multiplication des interactions, témoignant de la mise en place d’un maillage universel complexe. La modernisation des systèmes d’informations géographiques permet la lecture de données spatiales et d’en déduire des interprétations pouvant être empiriquement fondées dans un délai plus court.

Ainsi, la mise en relation entre les ambitions géopolitiques dans l’Océan Indien et la production de Pouvoir dans le IIIème arrondissement n’est permis qu’à travers un regard géographique. Pourtant, les interactions peuvent conduire à l’apparition d’antagonisme et d’intérêts divergents qui vont se manifester par la production d’actions dans le réel et de représentations. La géopolitique, en tant que « la géographie des pouvoirs» prend son essence dans les rivalités, leurs conséquences et leurs enjeux. Elle établit les relations entre les pouvoirs et les territoires, ce qui naturellement fait appel à la pluridisciplinarité mais aussi à des nuances d’approche au sein même de la géopolitique. La présente recherche se base sur les principes de l’école géopolitique américaine et l’école lacostienne. Dans une logique militaire, l’école de géopolitique Américaine insiste sur la priorité du contrôle maritime dans la projection de puissance des acteurs géostratégiques. Cette école nous a permis d’aborder les enjeux géopolitiques dans l’océan Indien avec clarté et de saisir les comportements des grandes puissances et des puissances émergentes ambitieuses de concurrencer ces dernières.

Yves Lacoste pour sa part, veut dépasser une vision centrée uniquement sur les facteurs géographiques et propose l’insertion d’autres concepts dans l’analyse géopolitique. Il y ajoute les concepts de territorialité et de représentations. Etant le point focal de ce travail, les représentations ont piloté l’observation de l’exercice des pouvoirs exogènes dans le IIIème arrondissement car elles constituent des « structures de sentiments individuelles et collectives»reflétant les imaginaires et les perceptions.

Hormis l’influence du fondateur de la revue Hérodote, les orientations d’autres chercheurs géographes ont également contribué à la construction intellectuelle de ce mémoire. P.Claval (2011) a éclairé et démontré les défis futurs qui attendent le monde de la recherche dans le contexte mondial actuel , en insistant sur le caractère incontournable de la dimension identitaire. Il affirme que « la globalisation conduit a des réactions souvent violentes d’affirmation identitaire. Celles-ci sont d’autant plus fortes que les contacts se multiplient. Avec des voyages plus rapides, plus faciles et meilleurs marché, les migrations internationales s’intensifient. De nouvelles zones de tensions apparaissent au sein des grandes agglomérations, où les minorités sont plus nombreuses ; des diasporas s’y organisent. Les géographes d’hier ne marquaient aucun intérêt pour les questions identitaires. C’est aujourd’hui une de leurs préoccupations essentielles » C’est pourquoi les fragmentations par nationalité entre Chinois, Français et Malgache ont été appuyées au cours de cette recherche. Par ailleurs, on ne peut oublier l’apport que C.Raffestin a transmis à travers la jonction de la science géographique avec les théories du Pouvoir d’obédience Foucaldienne et Deleuzienne. Outre l’intuition nécessaire à la posture du chercheur, la lecture des ouvrages de ces nombreux auteurs ont grandement participé à l’élaboration des hypothèses de recherche tant essentielles à la démarche déductive.

Le pouvoir, une réalité au-delà de l’influence

Le pouvoir n’existe que dans une relation et dans des structures

Dans son ouvrage intitulé « De la géopolitique aux paysages », Yves Lacoste précise qu’il y a plusieurs formes de pouvoir et qu’ils ne trouvent leurs significations que dans leurs exercices sur des territoires. En effet, plusieurs chercheurs s’accordent à dire qu’au-delà des « analyses politiques classiques… le pouvoir n’est pas assimilable à un bien… il s’exerce, et n’existe qu’en acte ». Par conséquent, en rapport aux chapitres V et VI de ce mémoire, l’objectif est de comprendre les mécanismes de Pouvoir qui s’exercent à travers certaines particularités de la présence française (banques, écoles et stations-services) et chinoise (Commerce, produits manufactures, exploitations minières), ainsi que les impacts de leurs représentations sur les acteurs économiques locaux, ou les individus qui y sont liés peu ou prou.

Table des matières

INTRODUCTION
Première partie : Une démarche déductive, point commun de la géographie, des sciences politiques et des sciences sociales
Chapitre I Du global au local : une spécialité de la géographie
Chapitre II Mobilisation des concepts : Pouvoir, Territoire, représentations
Chapitre III Les travaux de terrain et les limites de la recherche
Deuxième partie : La mondialisation libérale, source des enjeux géopolitiques français et chinois à deux échelles : l’océan indien et le IIIème arrondissement de la CUA
Chapitre IV Les enjeux géopolitiques dans l’Océan Indien : une clé de lecture des dynamiques locales
Chapitre V La dépendance des acteurs économique locaux vis-à-vis des représentations chinoises et françaises
Chapitre VI Le triomphalisme culturel francais, un défi pour le soft power chinois
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
REFERENCES FILMOGRAPHIQUES
ANNEXES

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