Les répercussions de l’hospitalisation sur les comportements de l’enfant
Dans le passé, les parents prenaient en charge la santé de leurs enfants à la maison. Au cours de la Première Guerre mondiale, les premiers hôpitaux pédiatriques ne permettaient pas de droit de visite aux parents (Jolley, 2007). Ces normes de pratique étaient à l’époque justifiées; elles visaient à mieux comprendre les maladies infantiles (Mougel, 2012). Elles s’inscrivaient en réponse aux difficultés à contrôler les épidémies infectieuses ou l’application de règles d’hygiène très strictes et à l’adhésion d’une vision de la santé à la fois plus scientifique et paternaliste. Les séjours hospitaliers relativement longs ont alors pu mettre en évidence de graves conséquences psychologiques, notamment affectives, dont souffraient les enfants séparés de leurs parents (JoUey, 2007; Jolley & Shields, 2009). Le psychiatre britannique Harry Edelston (1943) a été le premier à démontrer une corrélation entre l’hospitalisation des enfants et leurs problèmes d’anxiété (Davies, 2010). Mais c’est le pédiatre anglais Armstrong qui a dénoncé pour la première fois, en 1777, la détresse du nourrisson séparé de sa mère (Mougel, 2012). Après la Seconde Guerre mondiale, les travaux sur l’attachement de Bowlby notamment sur l’anxiété de séparation et sur le syndrome d’hospitalisme de Spitz ont contribué à faire valoir la nécessité de la présence maternelle au chevet de l’ enfant (Bowlby, 1953; JoUey, 2007; Jolley & Shields, 2009; Robertson, 1958; Spitz, 1945, 1946).
Ainsi, jusqu’à maintenant, nous connaissons qu’une simple hospitalisation comporte des conséquences à long terme sur le plan comportemental et émotionnel jusqu’à plusieurs mois après un séjour hospitalier (Rennick, 2001). Les hospitalisations fréquentes constituent le second élément le plus stressant, après avoir reçu un diagnostic chez l’enfant (Burke, Costello, & Handley-Derry, 1989). L’ étude de Vernon, Shulman et Foley (1966) a démontré les relations entre les symptômes recensés chez les enfants hospitalisés et leurs réactions comportementales après le séjour hospitalier. Les résultats de leur analyse factorielle ont identifié six manifestations : anxiété générale, comportement de régression; anxiété lors de la routine du coucher; perturbation alimentaire, comportement agressifvisà-vis l’autorité et attitude de retrait et d’apathie. Ces réactions ont depuis été désignées dans quelques études, notamment pour expliquer le rapport avec le contexte des soins intensifs pédiatriques.
Plusieurs études ont par ailleurs été réalisées au cours des années 1970 à 2000. Une recension des écrits de Shields (2001) fait valoir plusieurs études qui porte sur les effets de l’hospitalisation des enfants et des parents dans les pays développés. Les études ont plutôt examiné l’anxiété des parents en relation avec l’inventaire d’anxiété de Spielberger (STAI) dans les années 1970. Les résultats montraient bien que les enfants étaient anxieux lorsque leurs parents l’étaient, mais sans expliquer pourquoi. Lorsque les parents s’adaptaient à la situation, l’enfant s’ adaptait également. Lorsque les professionnels de la santé laissaient les parents décider ce qui était le mieux pour leur enfant, les parents se sentaient plus confiants et leurs enfants avaient moins besoin d’analgésie lors des interventions (Kristensson Hallstrom & Elander, 1997), on remarquait, donc moins d’effets sur leur comportement.
D’autres études réalisées au début des années 2000 ont été rapportées par Rennick et Rashotte (2009) dans leur revue systématique sur les réactions psychologiques des enfants, plus spécifiquement après un séjour aux soins intensifs pédiatriques. La synthèse des résultats conclut que les enfants peuvent développer des réactions psychologiques après un séjour aux soins intensifs jusqu’à un an après le séjour et qu’ elles s’expliquent par l’influence des caractéristiques individuelles de l’ enfant et l’interprétation de sa propre expérience. Quatre thèmes généraux permettent de catégoriser les études recensées : les perceptions et souvenirs des enfants, les réactions psychologiques au sens large, l’ état de santé général et la qualité de vie. Selon les auteurs, un petit nombre d’études identifient quelques prédicteurs de ces réactions psychologiques, mais d’autres études restent à faire afin de mieux comprendre le phénomène. Les enfants plus jeunes sévèrement malades et exposés à de nombreuses procédures invasives sont à haut risque de symptômes de stress post-traumatique après un séjour aux soins intensifs (Rennick, 2001). Les enfants séparés de leurs parents et, ceux dont la mobilité est réduite ressentent également une grande source de stress (Melnyk, 2000). Le modèle de Moos et Schaefer (1984) sur les crises liées à une maladie physique a fourni à l’époque un cadre pour expliquer les réactions de l’enfant. Les dimensions de ce modèle sont les facteurs personnels, et ceux liés à la maladie, de même que l’ environnement physique et social. Le modèle de stress-coping de Lazarus et Folkman (1984) est aussi utilisé pour comprendre les stratégies d’adaptation de l’enfant lors de l’hospitalisation (Board, 2005). Cependant, pour expliquer les traumatismes chez l’enfant, le modèle de Stuber, Kazak, Meeske et Barakat (1998) se veut mieux adapté. En effet, il explique les traumatismes de l’enfant par un manque de contrôle sur la situation et une forme d’impuissance. Les chercheurs semblent d’ avis que la technologie et les soins invasifs, tels qu’on les retrouve aux soins intensifs, contribuent aux séquelles psychologiques.
Enfin, quelques études ont répertorié certaines manifestations intemalisées et extemalisées comme les conséquences d’un séjour hospitalier. Small et Melnyk (2006) ont établi certains prédicteurs, comme l’anxiété de la mère et le jeune âge de l’enfant, pour prédire ces comportements intemalisés et extemalisés après un séjour aux soins intensifs pédiatriques. Ces comportements semblent persister également jusqu’à six mois après le séjour. Par ailleurs, Fredriksen, Diseth et Thaulow (2009) ont démontré que les jeunes enfants atteints d’un problème cardiaque ne manifestaient pas plus de problèmes intemalisés ou extemalisés que ceux de la population en générale. Les conclusions soulèvent l’idée que ces enfants auraient reçu davantage d’attention de la part de leurs parents en raison de leur état de santé. Selon une étude chinoise, des manifestations intemalisées et extemalisées d’ enfants chinois hospitalisés avaient lieu lorsque l’implication affective des parents était plus faible (Kennedy et al., 2004). Une autre étude sur les bébés prématurés a démontré que le fait d’assumer précocement son rôle de parent auprès de l’enfant diminuerait le développement de problèmes de comportement chez ces enfants à 72 mois (Poehlmann, Bumson, & Weymouth, 2014). Néanmoins, le lien entre la détresse des mères, le soutien des professionnels de la santé et les réactions psychologiques des enfants après des séjours hospitaliers semble important (Burke, Kauffmann, Costello, & Dillon, 1991).
Introduction |