Hypothèses sur les relations entre l’acte d’évaluation et l’autonomisation dans le domaine de l’apprentissage et exposé de la problématique de recherche
Le cadre théorique de cette recherche a indiqué comment le contexte éducatif japonais pouvait être représentatif du phénomène selon lequel de pratiques pédagogiques découle un modèle dominant d’évaluation et comment l’évolution de ces pratiques ne pouvait aller sans une adaptation de ces modèles à ces évolutions. De manière plus générale, la recherche en didactique fait un lien entre l’activité évaluative et les pratiques d’enseignement. Comme Sylvia Sommer il est possible de parler de l’effet rétroactif de l’évaluation. Elle précise à ce propos que : […] Le phénomène est défini comme l’effet direct ou indirect d’un outil d’évaluation sur la pédagogie, lequel produit un effet sur les attitudes et le comportement de tous les acteurs de l’apprentissage, les enseignants et les apprenants, et sur les supports choisis. (Sommer, 2001, p.2) Il est à peu près entendu aujourd’hui que la réforme du système éducatif se fera par l’évaluation ou qu’elle ne se fera pas. Située au carrefour des recherches en psychologie cognitive et didactique, l’évaluation sous toute ses formes provoque en effet cette transformation des modèles de référence sans laquelle il n’est point de véritable changement dans les pratiques pédagogiques (Nunziati, 1990, p.47).
Si cette réciprocité peut exister, que pourraient être les caractéristiques et les modalités de fonctionnement de ces « effets » (Sommer) et de cette « transformation » (Nunziati) réciproques entre l’évaluation et les pratiques d’enseignement/apprentissage lorsque celles-ci se font au service d’une conception autonomisante de l’apprentissage ? Cette interrogation posée en milieu japonophone porte sur deux niveaux : conceptuel et contextuel. Conceptuel, d’abord. Nous savons que l’évaluation fait partie du processus d’enseignement, comme le rappelle Jean Berbaum : « Il n’y a apprentissage que si les essais qui aboutissent à des réussites ou à des échecs, font l’objet d’une analyse – évaluation – qui permet de tenir compte de ces résultats pour une amélioration de l’action » (Berbaum, 1991, p.47). Ou Jean-Pierre Cuq : Avec l’approche communicative et les travaux menés dans le domaine de l’évaluation, l’évaluation fait partie intégrante de l’espace de la formation et s’inscrit dans une pédagogie de la réussite. Dans cette perspective, il ne s’agit plus de se borner à la préparation et à la correction d’épreuves ponctuelles, mais de proposer une évaluation progressive et continue qui engage la responsabilité de l’apprenant et favorise son autonomie.
L’élève qui rature, qui doute de ses actes, qui déchire et recommence tout, mais aussi la ménagère qui surveille le degré de blondeur de ses oignons avant de poursuivre son mode de préparation, évaluent des états intermédiaires de façon certes implicite, on pourrait presque dire inconsciente, et plient le déroulement de leurs activités à ce mini-bilans de parcours. (Nunziati, 1999, p.51) Ainsi pour elle, l’évaluation que l’on délègue à l’apprenant se caractérise par deux composantes : l’ « autocontrôle » (un regard critique sur l’action en cours) et l’ « autobilan » qui porte sur le jugement du produit final par rapport à ce qui était attendu et le cas échéant le processus d’apprentissage lui-même. Ces deux actions faites par l’apprenant semblent faire de l’auto-évaluation une pratique propice à des comportements autonomes dans l’apprentissage. C’est aussi ce que pensent beaucoup de didacticiens intéressés par les pratiques centrées sur l’apprenant et ses besoins et pour qui l’auto-évaluation est vue comme une voie vers l’autonomie. La réflexion de Michel Vial, qui reprend la notion d’autocontrôle de Nunziati va dans ce sens : « l’autocontrôle, ce désir de conformité nécessaire à la constitution de l’individu, ce jeu entre individualisation et socialisation, structurant le sujet, nécessaire processus pour l’autonomisation » (Vial, 1997, p.145)
Développer chez l’apprenant une véritable compétence auto-évaluative en actes, au service d’un apprentissage signifiant, c’est oser affirmer son identité sans occulter l’altérité. Se risquer à laisser le formé prendre des initiatives doit permettre son cheminement vers l’autonomie. (Pillonel et partir d’activités concrètes qu’il faut faire s’approprier par les élèves le comment chercher et où trouver les références utiles. A mon sens, c’est cela l’autonomie à l’école et la démarche d’autoévaluation contribue au développement de cette capacité. (Wegmuller, 2002, p. 10) Selon ces didacticiens, s’auto-évaluer, c’est donc aussi se former à apprendre et l’on comprend alors, au travers des pratiques d’auto-évaluation, toute la valeur formatrice de l’évaluation pour l’apprenant que remarque Georgette Nunziati..