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Les radars météorologiques : principe de fonc-tionnement
Le principe de fonctionnement d’un radar, dont l’acronyme signifie RAdio Detec-tion And Ranging, est d’émettre des ondes électromagnétiques dans une direction donnée par son antenne, puis de réceptionner les échos qui ont lieu si le signal est réfléchi par des objets appelés cibles. L’essentiel de la puissance émise est concentrée dans un angle solide d’environ un degré, qui constitue l’ouverture du faisceau (Fi-gure 1.1). Lorsque le rayonnement électromagnétique atteint une cible (par exemple un hydrométéore), une partie du signal est absorbée, une autre est rétrodiffusée dans la direction du radar, une autre est transmise dans la direction initiale (et donc atténuée), et le reste est diffusé dans les autres directions.
Les radars ne peuvent détecter que les hydrométéores de taille suffisante par rapport à leur longueur d’onde. Les radars météorologiques opérationnels au sol fonctionnent en bande S (longueurs d’ondes entre 7,5 et 15 cm), en bande C (lon-gueurs d’ondes entre 3,75 et 7,5 cm) ou en bande X (longueurs d’ondes entre 2,4 et 3,75 cm). Ainsi, ces types de radar détectent les gouttes de pluie, les flocons de neige, les cristaux de glace, les particules de graupel (aussi appelé grésil en français) et la grêle, mais ne détectent pas les gouttelettes d’eau nuageuse.
Très souvent, les radars météorologiques sondent l’atmosphère sous forme volu-mique : l’antenne radar balaye l’atmosphère à différents angles d’élévation, ce qui permet d’obtenir plusieurs coupes appelées PPI (Plan Position Indicator), comme illustré sur la Figure 1.2. Ce mode d’exploration leur permet de restituer une ob-servation en 3 dimensions de l’atmosphère permettant de fournir une description détaillée des systèmes précipitants.
Pour pouvoir être utilisable par des applications météorologiques, l’intensité du signal rétrodiffusé par les hydrométéores doit être convertie en une quantité météo-rologique, telle que le taux de précipitations.
La puissance moyenne du signal rétrodiffusé à une certaine distance r du radar P (r) peut être interprétée de manière quantitative si l’on suppose les cibles sont des gouttes de d’eau, et que l’on est dans les conditions de la théorie de Rayleigh : les cibles sont considérées comme sphériques, et petites devant la longueur d’onde du radar. Pour ces cibles, on peut définir le facteur de réflectivité radar z par la formule suivante : z = Z 0∞ N(D)D6dD (1.1) où N(D) est le nombre d’hydrométéores de diamètre D par unité de volume. z est exprimée en mm6 m−3, mais comme cette variable prend des valeurs sur plusieurs ordres de grandeur, on l’exprime en général en dBZ :
Z = 10 log10(z) (1.2)
Le Tableau 1.1 donne les valeurs de réflectivité Z classiquement observées en fonction des cibles.
Outre la mesure de l’intensité des précipitations, les radars Doppler, permettent de mesurer la différence de phase entre le signal émis et le signal reçu en retour, ce qui permet d’en déduire la vitesse de déplacement de la cible dans la direction de visée (vitesse moyenne des particules dans le volume de résolution) appelée vi-tesse radiale. Comme la mesure de vitesse radiale n’est pas simple à interpréter, celle-ci est souvent utilisée dans des méthodes de restitution de champs de vents tridimensionnels, par exemple en combinant les informations de plusieurs radars (Scialom and Lemaître, 1990; Bousquet and Tabary, 2013). Elle est également uti-lisée par exemple pour détecter les mésocyclones au sein des supercellules (Wapler et al., 2016), ou pour élaborer des cartes composites de cisaillement horizontal du vent en basses couches, telles que la mosaïque de cisaillement que j’ai conçue, et qui couvre la France métropolitaine (Augros et al., 2013) 1. Ce produit, maintenant opérationnel à Météo-France permet d’indiquer les zones de risques de fortes rafales associées aux orages. D’autres travaux auxquels j’ai participé, ont cependant montré que dans certains cas, les zones de fort cisaillement sur cette mosaïque étaient liées à des erreurs de mesure de la vitesse radiale (Fabry et al., 2013) 2. Outre les produits d’observation, une autre application importante des données de vitesse radiale est leur assimilation dans les modèles de prévision à échelle convective, qui a un impact positif significatif sur les prévisions de vent et de précipitations à courte échéance (Montmerle and Faccani, 2009; Simonin et al., 2014).
Les radars météorologiques permettent également d’obtenir une mesure de l’in-dice de réfraction de l’air (réfractivité), qui dépend entre autres de l’humidité. La réfractivité peut être estimée à partir de la mesure de la variation temporelle de la phase du signal rétrodiffusé par une cible fixe. Initialement introduite par Fabry et al. (1997) pour les radars en bande S, et adaptée par Parent du Chatelet et al. (2012) pour les radars en bande C, cette mesure représente un potentiel intéressant pour les modèles atmosphériques (Caumont et al., 2013; Nicol et al., 2014).
Si les données radar sont très utiles pour de nombreuses applications, elles peuvent néanmoins être contaminées par différentes sources d’erreurs, qui doivent être prises en compte. Par exemple, la réflectivité radar peut être affectée par :
• des erreurs de calibrage : un radar est un instrument de mesure complexe et sensible. Afin d’obtenir une mesure de réflectivité fiable, il est nécessaire bien la calibrer. Différentes techniques de calibrage peuvent être utilisées (Atlas, 2002), telles que l’étalonnage électronique, les comparaisons radar-radar, ou les comparaisons de long terme avec les pluviomètres.
• les échos fixes : liés à l’interception par le faisceau radar de cibles non météo-rologiques fixes, de nature topographique (montagnes) ou anthropique (pylône électrique par exemple). Ces échos peuvent être identifié à l’aide de la vitesse radiale (nulle dans le cas d’échos fixes) ou de la variation d’un tir à l’autre de la réflectivité radar σZ (Figueras i Ventura and Tabary, 2013).
• les échos non météorologiques : avions, oiseaux, insectes, ou échos de mer par exemple. Les variables polarimétriques et en particulier le coefficient de corrélation sont très utiles pour identifier ces variables (cf. sous-section 1.2.4)
• les masques : lorsque que le faisceau radar intercepte une montagne ou un immeuble, une partie de l’énergie transmise est arrêtée par l’obstacle et en-gendre une sous-estimation de la réflectivité radar derrière cet obstacle. Dif-férentes méthodes de détermination des zones de masques ont été proposées.
Elle utilisent des cumuls d’images radar sur de longues périodes ou des modèles numériques de terrain précis (Delrieu et al., 1995).
• l’atténuation par les précipitations : l’atténuation par les fortes pluies dépend de la longueur de l’onde du radar. Plus la longueur d’onde est petite, plus le signal est atténué. L’atténuation peut prendre des valeurs très importantes en bande C et plus particulièrement en bande X. L’atténuation peut être estimée avec un radar polarimétrique, grâce à la variable φdp, comme nous le verrons dans la section suivante.
Les variables polarimétriques
La spécificité du radar polarimétrique par rapport à un radar conventionnel, est d’émettre deux ondes, l’une en polarisation horizontale, l’autre en polarisation verti-cale. Dans la plupart des réseaux de radars opérationnels, et en particulier avec celui de Météo-France, les ondes polarisées horizontalement et verticalement sont émises simultanément (fonctionnement dit STAR pour Simultaneous Transmission And Re-ception). La comparaison des signaux reçus avec les deux polarisations permet d’ob-tenir des informations sur la taille, la forme et l’orientation des cibles présentes dans le volume de résolution du radar, ce qui conduit à de nouvelles variables, dites « polarimétriques ». Les différentes variables polarimétriques, ainsi que leurs appli-cations sont décrites en détail notamment par Illingworth (2004), Kumjian (2013a,b) et Fabry (2015). Nous en donnons les caractéristiques principales ci-dessous.
La réflectivité différentielle Zdr
C’est le rapport (exprimé en logarithme) entre les réflectivités en polarisations horizontale H et verticale V. C’est une mesure du rapport d’axes moyen (pondéré par la réflectivité), des cibles présentes dans le volume de résolution. Pour des cibles sphériques, la puissance du signal rétrodiffusé est la même sur les voies horizontales et verticales, Zdr vaut alors 0 dB. Pour des cibles aplaties, Zdr est positif, et pour des cibles étirées sur la verticale, Zdr est négatif. Comme dans la pluie, les gouttes sont d’autant plus aplaties qu’elles sont grosses (Pruppacher and Beard, 1970; Brandes et al., 2002), Zdr est un indicateur, au premier ordre, de la taille moyenne des gouttes dans le volume de résolution. Comme Zdr est le rapport des puissances rétrodiffusées sur les voies H et V, elle est indépendante de la concentration des gouttes dans le volume de résolution, contrairement à la réflectivité qui augmente avec la concentration. Zdr dépend aussi de la composition physique des particules. Pour une taille et une forme données d’une particule, Zdr augmente avec la constante diélectrique. Par exemple, pour une goutte d’eau aplatie, Zdr est plus importante que pour un flocon de neige sèche, dont la constante diélectrique est bien plus faible que celle de l’eau liquide. Dans la zone de transition entre pluie et neige, parfois appelée bande brillante en raison des fortes valeurs de réflectivité qui y sont observées, liées à l’augmentation de constante diélectrique lorsque les flocons de neige fondent, les valeurs de Zdr peuvent aussi être élevées.
Zdr peut être utilisé pour des estimations quantitatives de lames d’eau (Seliga and Bringi, 1976; Illingworth and Caylor, 1989; Gorgucci et al., 1994), mais nécessite pour cela une précision d’environ 0.1 à 0.2 dB, ce qui correspond à une précision d’en-viron 25% sur le taux de précipitations (Illingworth, 2004). Les biais doivent donc être corrigés avant toute utilisation quantitative de Zdr. Des biais sur Zdr peuvent être introduits soit au niveau de l’étalonnage des composants internes au radar, soit à cause d’inhomogénéités sur le radome, mais aussi à cause d’obstacles masquant partiellement le faisceau radar (appelés masques partiels), comme par exemple un pylône électrique, qui masque plus la composante verticale que la composante hori-zontale de la réflectivité, et entraîne par conséquent un biais positif de Zdr. Zdr est par ailleurs affectée par l’atténuation du signal, qui doit être corrigée avant une uti-lisation quantitative de cette variable. Comme la correction des différentes sources d’erreur qui affectent Zdr est délicate, cette variable n’est en général pas utilisée pour des applications opérationnelles quantitatives, telle que l’estimation de l’inten-sité de précipitations. C’est le cas à Météo France, où on a fait le choix d’utiliser la variable Kdp (cf. sections suivantes).
La phase différentielle φdp
La phase différentielle φdp correspond à la différence de rotation de phase sur la totalité du trajet aller-retour, des ondes émises sur les voies horizontale et verticale. Cette grandeur est donc en réalité un déphasage différentiel mais par simplicité, elle appelée en général (et dans la suite de ce manuscrit) « phase différentielle ».
La rotation de phase de chacune des ondes est liée à la quantité de matière traversée : lorsque l’onde électromagnétique se propage à travers des précipitations, elle acquiert plus de rotation de phase que lorsqu’elle se propage dans l’air sec. Si les précipitations ne sont pas sphériques, par exemple dans le cas de grosses gouttes d’eau aplaties, le décalage de phase est plus important sur la voie horizontale que sur la voie verticale.
L’application principale de φdp est l’estimation de l’atténuation de l’onde par les précipitations, comme proposé par exemple par Bringi et al. (2001). Si les précipi-tations ne sont constituées que d’eau liquide, l’atténuation intégrée entre le radar et la cible peut être reliée à la phase différentielle. Avec un radar polarimétrique, on va donc pouvoir corriger la réflectivité de l’atténuation, ce qui permet d’amélio-rer l’estimation quantitative des précipitations à partir de la réflectivité (Figueras i Ventura and Tabary, 2013). Cette variable est particulièrement intéressante car elle est insensible à l’atténuation par les précipitations, aux masques partiels, et aux problèmes de calibration du radar.
Cependant, l’estimation de φdp peut dans certains cas être biaisée par des effets de rétrodiffusion. En réalité, lorsqu’on mesure la différence de phase entre les voies horizontale et verticale, on accède au terme Φdp : Φdp = φdp + δhv (1.6) φdp est la phase différentielle de propagation et δhv est la phase différentielle de rétrodiffusion. δhv est souvent négligée en pratique, lorsque l’on considère que l’on est dans les conditions de Rayleigh (les cibles sont sphériques et petites devant la longueur d’onde), mais ce terme peut prendre des valeurs importantes notamment en bande C et X, en particulier dans la zone de fonte des hydrométéores glacés (bande brillante), comme l’ont montré Trömel et al. (2013); Trömel et al. (2014). La variable φdp doit donc être utilisée avec précaution, dès lors qu’on se situe dans la bande brillante.
La phase différentielle spécifique Kdp
La phase différentielle spécifique Kdp est la dérivée radiale de φdp, habituellement donnée en degrés par kilomètre. Comme pour φdp, la phase correspond ici à un déphasage (entre l’onde émise et reçue), mais par simplicité, Kdp est en général (et dans la suite de manuscrit) appelée phase différentielle spécifique. Pour l’estimer, on applique d’abord un filtrage à la phase différentielle, ce qui permet de réduire le bruit de mesure, puis on calcule sa dérivée. Différentes techniques de filtrage de φdp, plus ou moins sophistiquées existent. Elles permettent de filtrer le bruit tout en essayant d’estimer au mieux les valeurs maximales de Kdp (Wang and Chandrasekar, 2009; Otto and Russchenberg, 2011; Grazioli et al., 2014).
Comme Zhh, Kdp augmente avec l’intensité des précipitations, mais elle n’est sensible quasiment qu’aux précipitations sous forme liquide, contrairement à la ré-flectivité, qui est sensible aussi aux hydrométéores glacés. Par ailleurs, Kdp est peu sensible aux faibles précipitations, en particulier pour les radars en bande S, moins affectés par des variations de phase au travers des précipitations que les radars bande C ou X : pour une intensité de précipitations donnée, la valeur de Kdp augmente lorsque la longueur d’onde diminue (on observe des valeurs de Kdp plus fortes en bande X qu’en bande C, et en bande C qu’en bande S).
Comme φdp, Kdp présente l’avantage de ne pas être affectée par les erreurs de calibration ou les masques partiels. De nombreux algorithmes utilisant cette variable, ont été proposés pour l’estimation quantitative de la pluie (Sachidananda and Zrnic, 1987; Beard and Chuang, 1987; Testud et al., 2000; Brandes et al., 2002).
Cependant, comme pour φdp, l’estimation de Kdp peut être biaisée lorsque le terme δhv n’est pas pris en compte. Kdp peut être largement surestimée dans la bande brillante, et avoir au contraire des valeurs négatives juste au-dessus (Trömel et al., 2014). Comme pour φdp, Kdp doit être utilisée avec précaution, dès lors qu’on se situe dans la bande brillante. Par ailleurs, les valeurs de Kdp peuvent être très fortes dans les cœurs convectifs des orages en présence de très grosse grêle (Ryzhkov et al., 2013). Dans ces cas, l’estimation quantitative de l’intensité de pluie à partir de Kdp est surestimée.
Le coefficient de corrélation ρhv
Le coefficient de corrélation ρhv correspond à la corrélation entre les signaux reçus sur les voies horizontale et verticale. Il est proche de 1 si la réponse du milieu est comparable dans les deux directions de polarisation, donc si le milieu est homogène. Le coefficient de corrélation diminue lorsque différents types, différentes formes et/ou différentes orientations de particules sont présents dans le volume de résolution du radar. ρhv n’est pas affecté par la présence de différentes tailles de particules, si la forme des particules ne varie pas avec la taille.
Une première application importante du coefficient de corrélation, est de per-mettre la discrimination des échos non météorologiques, comme les oiseaux ou les insectes. En effet, comme leurs formes sont complexes, les composantes horizontales et verticales du signal radar se comportent différemment ce qui conduit à des valeurs très faibles de ρhv (<0.9).
Dans la pluie, on observe des coefficients de corrélation très proches de 1 (en général supérieurs à 0.98). Les précipitations intenses sont associées à un ρhv lé-gèrement moins élevé que les pluies faibles, parce qu’on observe une plus grande variabilité de la taille des gouttes, avec plus de grosses gouttes aplaties. La neige sèche et les cristaux de glace produisent un général des valeurs très élevées de ρhv (>0.97). C’est parce que ces hydrométéores ont une très faible densité (et donc une très faible constante diélectrique), qui compense l’irrégularité de leurs formes et de leurs orientations. La fonte des flocons de neige produit, en revanche, une diminution importante du coefficient de corrélation, qui peut atteindre des valeurs de l’ordre de 0,9 à 0,93. Ces faibles valeurs de ρhv sont liées à la grande variabilité des formes et orientations dans la zone de fonte, combinée à une forte constante diélectrique due à la présence d’eau à la surface des particules. La grêle issue d’une croissance sèche peut produire des coefficients de corrélation très élevés, similaires à ceux qu’on observe dans la pluie. À l’inverse, la grêle issue d’une croissance humide est associée
à de faibles valeurs de ρhv (<0.95), ce qui est utile pour distinguer les zones de pluie des zones avec pluie et grêle. Les particules de graupel sec produisent en général des coefficients de corrélation élevés. Mais la présence de particules de graupel humide entraîne, comme pour la grêle, des valeurs de ρhv plus faibles.
Par ailleurs, le coefficient de corrélation est un très bon indicateur de la qualité des autres variables polarimétriques. Les observations de Kdp et Zdr, peuvent être biaisées lorsque la répartition des hydrométéores n’est pas homogène au sein du faisceau radar (Non uniform Beam Filling : Ryzhkov, 2007). Or, cet effet se traduit aussi par une diminution de ρhv. L’élimination des données avec de faibles valeurs de ρhv permet de s’affranchir de ces erreurs.
Classification en types d’hydrométéores
Nous avons vu précédemment que chaque type d’hydrométéore a sa propre gamme de valeurs, pour chacune des variables polarimétriques mesurées. Les al-gorithme de classification en types d’hydrométéores s’appuient sur ce constat pour estimer, au niveau de chaque point de mesure du radar, le type d’hydrométéore dominant. Des informations provenant de sources externes telles que l’altitude de l’isotherme 0°C estimé à partir d’un modèle, sont souvent également utilisées.
Comme les propriétés de rétrodiffusion des particules varient avec la longueur d’onde du radar, les algorithmes de classification en types d’hydrométéores sont en général adaptés aux différentes longueurs d’onde. Les algorithmes de Straka (2000) et Park et al. (2009), par exemple, ont été conçus pour la bande S, tandis que les algorithmes de Marzano et al. (2006),Dolan et al. (2013) et Evaristo et al. (2010) ont été proposés pour les radars en bande C, et celui de Marzano et al. (2010) pour les radars en bande X. Al-Sakka et al. (2013) ont utilisé la même formulation pour les trois bandes de fréquence S, C et X, mais avec des paramètres adaptés pour chacune d’entre elles.
La majorité des algorithmes de classification utilise le principe de la logique floue (Zadeh, 1965, « fuzzy logic »). La « probabilité » qu’un type d’hydrométéore soit pré-sent sachant une certaine gamme de valeurs observées pour chacune des variables polarimétriques est donnée par des « fonctions d’appartenance » (membership func-tions en anglais), qui sont en général calculées à partir de simulations à l’aide de la méthode de la matrice T par exemple (Mishchenko and Travis, 1994), ou également à partir de distributions statistiques des observations radar pour un type donné (Al-Sakka et al., 2013). En combinant les fonctions d’appartenance des différentes variables polarimétriques, ainsi que des paramètres extérieurs tels que le profil verti-cal de température, l’algorithme détermine le type d’hydrométéore le plus probable.
Plus récemment, des méthodes de classification fondées sur l’analyse des données radar en « cluster » ont été proposées (Grazioli et al., 2015; Wen et al., 2015). Ces méthodes ont l’avantage de ne pas dépendre d’hypothèses sur les propriétés de rétrodiffusion des hydrométéores, qui sont particulièrement incertaines pour les hydrométéores de types glacés. D’autre part Ribaud et al. (2015) ont proposé une méthode originale pour restituer des champs 3D d’hydrométéores en combinant les informations de plusieurs radars polarimétriques, ce qui leur permet de fournir une description détaillée de la structure microphysique au sein d’un système convectif.
Illustration des variables polarimétriques et de l’iden-tification du type d’hydrométéore
Les variables polarimétriques présentées précédemment et l’identification du type d’hydrométéore sont illustrées sur la Figure 1.3, pour un cas de MCS (Mesoscale Convective System), observé lors de la campagne HyMeX, par le radar de Collo-brières, le 26 octobre 2012 à 15 UTC. On observe de fortes valeurs de Zdr (> 1 dB) et de Kdp (> 1.5° km−1), là où les réflectivités radar sont les plus fortes (> 50 dBZ), ce qui témoigne de la présence de grosses gouttes d’eau. Derrière la zone de fortes précipitations, au nord-est du radar, de fortes valeurs de φdp (Figure 1.3, d) sont présentes. Elles traduisent l’atténuation importante de l’onde radar, au travers du système convectif.
On observe également une zone en arc de cercle au nord-est du radar, entre 50 et 70 km, avec des valeurs assez fortes de réflectivité (> 30 dBZ), de Zdr (> 1 dBZ), associées à des valeurs plus faibles de ρhv (<0.96). Cette zone correspond à la zone de transition entre hydrométéores liquides et glacés, la « bande brillante ». L’algorithme de logique floue de Al-Sakka et al. (2013), qui permet d’estimer le type d’hydrométéore en combinant les informations provenant des différentes variables polarimétriques, et d’une température modèle, a été appliqué sur cette situation (Figure 1.3, f). La zone de fonte, visible sur les images de Zhh, Zdr et ρhv est bien restituée par cet algorithme, avec la catégorie « Neige Fondante » (jaune pâle) à 15 UTC, à l’élévation 2.2°. (a) Zhh en dBZ, (b) Zdr en dB (corrigés de l’atténua-tion), (c) Kdp en ° km−1, (d) φdp en °, (e) ρhv, (f) type d’hydrométéore. Les cercles indiquent des distances de 50 et 100 km du radar.
État de l’art des opérateurs d’observation ra-dar polarimétriques
Nous avons vu dans la section précédente que les variables polarimétriques sont très utiles pour caractériser les propriétés microphysiques des hydrométéores. La simulation des variables polarimétriques à partir des modèles atmosphériques a éga-lement de nombreux intérêts :
• permettre d’évaluer la microphysique des modèles atmosphériques
• permettre l’étude des relations entre les signatures radar et les processus mi-crophysiques au sein des nuages
• permettre l’assimilation des données polarimétriques
Tout comme la réflectivité radar, les variables polarimétriques ne sont pas des variables pronostiques des modèles atmosphériques qui résolvent la convection de manière explicite. Ces modèles décrivent les propriétés microphysiques des nuages à partir de variables telles que les rapports de mélange en hydrométéores (qui cor-respondent à la masse d’hydrométéore par kilogramme d’air sec), la température et l’humidité. Pour pouvoir comparer les variables polarimétriques à leurs équiva-lents modèle, il est donc nécessaire de les simuler à partir des variables du modèle. On utilise pour cela un simulateur radar polarimétrique, aussi appelé « opérateur d’observation ».
Un opérateur d’observation radar simule la propagation du faisceau radar et sa rétrodiffusion par les hydrométéores. Plusieurs méthodes de calcul de la diffu-sion plus ou moins complexes peuvent être utilisées. Les diffusions de type Rayleigh ou Mie permettent d’estimer la réflectivité. Elles supposent cependant que les hy-drométéores sont des sphères, et ne permettent donc pas d’estimer les variables polarimétriques qui sont fonction de la forme des hydrométéores. La théorie de Rayleigh a été étendue aux sphéroïdes, par la prise en compte d’une fonction di-électrique non-isotrope (Bringi et al., 2001). Cette extension n’est par contre valable que sous l’approximation de Rayleigh, c’est-à-dire lorsque la taille des hydrométéores est très petite devant la longueur d’onde radar. La Discrete Dipole Approximation (DDA) permet de calculer de manière explicite le champ diffracté par une particule à forme géométrique complexe (Draine and Flatau, 1994). C’est une méthode cou-ramment utilisée quand il s’agit de prendre en compte la forme des cristaux. Elle est notamment utilisée dans le SDSU (Satellite Data Simulator Unit) de la NASA (Masunaga et al., 2010). Cependant, cette méthode est très coûteuse d’un point de vue numérique. Par ailleurs, elle suppose qu’on définisse de manière précise les hydrométéores, alors que les modèles atmosphériques regroupent dans une même catégorie d’hydrométéore une multitude de formes existant dans la nature (comme par exemple pour les cristaux de glace). La méthode de la matrice T (Bringi et al., 1986; Mishchenko and Travis, 1994), est la plus utilisée pour simuler les variables polarimétriques à partir de modèles atmosphériques. Elle a l’avantage de permettre la simulation d’hydrométéores aplatis ou étirés sur la verticale, mais avec des formes simples (sphéroïdes), plus représentatives de ce que les modèles atmosphériques sont capables de représenter. Ces dernières années, plusieurs opérateurs d’observation po-larimétriques utilisant la méthode de calcul de la diffusion de la matrice T ont été développés (Pfeifer et al., 2008; Jung et al., 2008b, 2010; Ryzhkov et al., 2011). Ils simulent la réflectivité horizontale Zhh, la réflectivité différentielle Zdr, et pour cer-tains le coefficient de dépolarisation linéaire LDR, la phase différentielle spécifique Kdp, et le coefficient de corrélation ρhv.
Ces opérateurs d’observation sont couplés à des modèles atmosphériques associés à des schémas microphysiques ayant différents niveaux de raffinement. L’opérateur d’observation de Pfeifer et al. (2008) est implémenté dans le modèle COSMO-DE qui comporte un schéma microphysique à 1 moment, ce qui signifie que la distri-bution de tailles des particules (Particle Size Distribution : PSD) de chaque espèce d’hydrométéore est déterminée uniquement par le rapport de mélange de cette es-pèce. Ces schémas microphysiques représentent de manière simplifiée la PSD mais sont beaucoup moins complexes et moins coûteux numériquement que les schémas à deux moments ou plus, et sont donc utilisés en général dans les modèles de prévi-sion à échelle convective opérationnels, tel que les modèles COSMO-DE et AROME. L’opérateur d’observation de Jung et al. (2010), implémenté dans le modèle ARPS, a été adapté pour des schémas microphysiques à 1 et 2 moments. Dans un schéma microphysique à 2 moments, la PSD dépend des rapports de mélange en hydromé-téores mais aussi du nombre d’hydrométéores par unité de volume (concentration), ce qui permet de faire varier la taille moyenne des hydrométéores dans le volume de résolution indépendamment du rapport de mélange. En comparant les variables po-larimétriques simulées à partir de ces deux types de schémas, Jung et al. (2010) ont ainsi pu montrer que les signatures des variables polarimétriques étaient beaucoup plus réalistes avec le schéma microphysique à 2 moments, sur un cas de super-cellule simulée. L’opérateur d’observation polarimétrique de Ryzhkov et al. (2011) est en-core plus raffiné, puisqu’il est couplé à un modèle atmosphérique avec microphysique spectrale, dont l’avantage est de pouvoir reproduire la distribution de particules (PSD) de manière beaucoup plus réaliste qu’avec des schémas à 1 ou 2 moments. En particulier, il permet de reproduire la PSD en présence de phénomènes de « size sorting », c’est-à-dire lorsque seules quelques grosses gouttes de pluie sont présentes, par exemple au sein de courants ascendants (Kumjian and Ryzhkov, 2012). Dans ces cas, la distribution de gouttes est très éloignée de celle qu’on définit générale-ment à partir de lois exponentielles ou gamma avec un schéma microphysique à 1 ou 2 moments. L’intérêt de ce type d’opérateur d’observation polarimétrique, est de permettre d’étudier finement les processus microphysiques au sein des nuages. Il a par exemple été utilisé par Kumjian et al. (2014), pour étudier la formation et le cycle de vie des colonnes de Zdr dans les orages intenses, qui indiquent les zones de gouttes d’eau surfondues, transportées par les courants ascendants.
Table des matières
Introduction
I Opérateur d’observation polarimétrique
1 Les données radar polarimétriques et leur simulation
1.1 Les radars météorologiques : principe de fonctionnement
1.2 Les variables polarimétriques
1.2.1 La réflectivité différentielle Zdr
1.2.2 La phase différentielle dp
1.2.3 La phase différentielle spécifique Kdp
1.2.4 Le coefficient de corrélation hv
1.2.5 Classification en types d’hydrométéores
1.2.6 Illustration
1.3 État de l’art des opérateurs d’observation radar polarimétriques
1.4 Conclusion
2 Données radar, modèle, et cas d’étude
2.1 Données radar
2.1.1 Le réseau radar de Météo France
2.1.2 La chaîne de traitements polarimétriques
2.2 Modèle atmosphérique
2.2.1 La microphysique ICE3
2.2.2 Configuration des simulations
2.3 Cas d’étude
2.3.1 La campagne de mesures HyMeX
2.3.2 IOP 6 : 24 septembre 2012
2.3.3 IOP 16a : 26 octobre 2012
2.4 Conclusion
3 Opérateur d’observation radar polarimétrique
3.1 Résumé de l’article
3.2 Comparisons between polarimetric radar observations and simulations
3.3 Discussion
II Assimilation des observations polarimétriques
4 État de l’art de l’assimilation des données radar
4.1 Approche physique
4.1.1 L’initialisation physique
4.1.2 L’analyse nuageuse
4.1.3 Latent Heat Nudging (LHN)
4.2 L’assimilation variationnelle
4.2.1 Principe
4.2.2 Application aux données radar
4.3 Le filtre de Kalman d’ensemble ou EnKF
4.3.1 Principe
4.3.2 Application aux données radar
4.4 Assimilation des variables polarimétriques
4.5 Synthèse
5 L’assimilation des réflectivités radar dans AROME
5.1 Le modèle AROME
5.2 L’assimilation 3D-Var dans AROME
5.3 Assimilation des réflectivités radar avec la méthode 1D+3D-Var
5.4 La configuration AROME WMed
5.5 Conclusion
6 Restitution 1D de pseudo-observations d’humidité à partir des variables polarimétriques
6.1 Contrôle de qualité des observations radar
6.2 Restitution bayésienne 1D des profils d’humidité
6.3 Évaluation de la restitution bayésienne 1D
6.3.1 Choix des variables à intégrer dans le vecteur d’observation
6.3.2 Sensibilité aux paramètres Zhh et Kdp
6.3.3 Ajustement de l’humidité
6.3.4 Comparaisons statistiques des pseudo-observations de Zhh, Zdr et Kdp aux observations radar avec les méthodes Z, ZNocorr et ZK
6.3.5 Évaluation des pseudo-observations d’humidité à partir de données GPS
6.3.6 Conclusions de l’évaluation de la méthode 1D
7 Expériences d’assimilation des variables polarimétriques dans Arome
7.1 Caractéristiques des expériences d’assimilation
7.2 Évaluation des champs d’analyse du modèle
7.2.1 Impact de l’assimilation des pseudo-observations d’humidité : comparaison REF/Z
7.2.2 Impact de la correction d’atténuation sur les analyses d’humidité : comparaison Z/ZNocorr
7.2.3 Apport de Kdp pour la restitution des pseudo-observations d’humidité : comparaison Z/ZK
7.3 Évaluation des prévisions
7.3.1 IOP6
7.3.2 IOP16
7.4 Conclusion
Conclusions et perspectives
Références