Les racines et tubercules tropicaux
INTRODUCTION
Les racines et tubercules tropicaux sont la base de l’alimentation de nombreuses populations dans le monde surtout au niveau des pays pauvres. Après le manioc et la patate douce, l’igname occupe la troisième place au niveau de la production mondiale et le premier pays producteur est le Nigéria (FAOSAT, 2012). Ainsi, 97 pourcent de cette production est consommée à l’état frais en Afrique (AYATA, 2010), alors que la domestication des espèces d’ignames comestibles concerne non seulement l’Afrique, mais également l’Amérique, le sud et Sud-Est de l’Asie et l’Australie (LEBOT, 2009) Dans les pays tropicaux, plus particulièrement en Afrique, l’igname est un des produits alimentaires les plus considérés. Elle constitue aussi un aliment de base pour les pays de certaines régions comme les Caraïbes, l’Océanie, et l’Afrique de l’Ouest (ATTAIE et al. 1998). Elle fournit un tubercule riche en protéine et en amidon (DBFA et DBEV, 2005) et est également la source de plusieurs vitamines et minéraux (SANTE CANADA, 2010). A part son utilisation en alimentation, l’igname présente également un intérêt médical ou pharmaceutique suivant l’espèce considérée. En effet, en médecine traditionnelle, elle est utilisée pour soigner certaines maladies comme l’ulcère, les hémorroïdes, les morsures de serpent, les mycoses cutanées et l’impuissance sexuelle (AKE ASSI, 1998). Certaines espèces possèdent un principe actif anti-asthmatique (RAKOTOBE, 1993). Sur le plan pharmaceutique, la diosgénine, précurseur des hormones contraceptives, ou encore de substances rajeunissantes comme la DHEA ou Déshydroépiandrostérone (BINDROO, 1988) sont également exploitées. L’igname, en Afrique, dans les îles du Pacifique ou en Asie du Sud-Est occupe une place importante dans les aspects socio-culturels, économiques et religieux de la vie des populations. Sa production et sa consommation sont accompagnées d’un rituel particulier et chaque année les pays organisent une journée spéciale pour la célébration de la fête de l’igname. Le tubercule d’igname est également servi aux invités lors de la célébration de cérémonies traditionnelles comme le mariage ou la naissance. Il est aussi utilisé comme offrande lors des évènements spirituels (ONU, 1990). L’igname, présente une grande diversité au niveau mondial puisqu’elle comprend Introduction 2 environ 600 espèces (KNUTH, 1924 ; http://dioscoreaceae.e-monocot.org (le 5 Mars 2015)) parmi lesquelles une dizaine est cultivée. Rien qu’à Madagascar, on dénombre dans la Flore des Dioscoreaceae (BURKILL et PERRIER DE LA BATHIE, 1950) 33 espèces dont 27 sont endémiques. Suite à des études récentes, des nouvelles espèces endémiques ont été découvertes (WILKIN et al., 2000, 2002, 2005 et 2008b, HAIGH et al., 2005, WEBER et al., 2005, RAJAONAH, 2004, ANDRIANANTENAINA, 2005) et actuellement les espèces d’ignames à Madagascar comptent au moins 40 espèces dont trois sont classées comme étant cultivées. Les ignames sauvages malgaches ont déjà fait et font toujours l’objet de nombreuses recherches tant botaniques que biochimiques à Madagascar (RAZANAMPARANY et al., 2003; HLADIK et al., 2004; RAHANTAMAMONJY et al., 2003; JEANNODA et al., 2003a-b, 2004, 2007; RAJAONAH, 2004; ANDRIANANTENAINA, 2005). En revanche, peu ou pas de travaux ont été effectuées sur les ignames cultivées.
TAXONOMIE ET CLASSIFICATION
Le genre Dioscorea fait partie de la famille Dioscoreaceae de l’ordre de Dioscoreales et de la classe des Monocotylédones ou Liliidae. La famille des Dioscoreaceae compte cinq genres (Dioscorea, Avetra, Rajania, Tamus et Stenomeris) suivant la classification d’AYENSU (1972). La composition de la famille a été revue par CADDICK (2002a-b) et ne comporte plus actuellement que quatre genres (Dioscorea, Tacca, Stenomeris et Trichopus). La classification complète de Dioscorea est la suivante : Règne : Plantae Division : Magnoliophyta Classe : Liliopsida Sous-classe : Liliidae Ordre : Dioscoreales Famille : Dioscoreaceae Genre : Dioscorea L. Le genre est constitué de plusieurs sections dont le nombre varie suivant les auteurs considérés : 51 sections pour ULINE (1898), 59 pour KNUTH (1924), 17 pour MATUDA (1954), 23 pour BURKILL(1960), 32 pour AYENSU(1972) et 42 pour DEGRAS (1986). Parmi toutes les sections définies par BURKILL, 12 existent à Madagascar (BURKILL et al., 1950) à savoir Campanuliflorae, Combilium, Enantiophyllum, Lasiophyton, Macroura, Opsophyton, Brachyandra, Cardiocapsa, Pachycapsa, Madagascarienses, Seriflorae, Xylinocapsa dont 6 les six dernières sont endémiques. La section la plus importante en nombre d’espèces est la section Enantiophyllum avec 67 espèces (MALAPA, 2005). Le genre Dioscorea est composé de moins de 200 espèces selon AYENSU (1972), environ 400 espèces selon COURSEY (1967a), plus de 500 espèces selon MIEGE (1952), plus de 450 espèces pour WILKIN et al., (2005) et plus de 600 selon KNUTH (1924), DEGRAS (1986) et, http://dioscoreaceae.e-monocot.org (5 Mars 2015). Une quarantaine d’espèce se rencontre à Madagascar (WILKIN et al., 2008b), c’est-à-dire environ le un dixième des espèces de Dioscorea dans le monde, faisant de l’île le pays présentant la plus grande diversité en igname dans les pays situés au sud de l’équateur (MALAPA, 2005). Plusieurs travaux ont montré dernièrement l’existence de nouvelles espèces dans le monde et surtout dans la grande île (HAIGH et al., 2005; WILKIN et al., 2008a, 2008b, 2009a, 2009b, RAJAONAH, 2004; ANDRIANANTENAINA, 2005).
IGNAMES CULTIVÉES
Dans le monde, il existe 10 espèces cultivées : D. alata, D. cayenensis et D. rotundata sont appelées les ignames majeures car elles sont les plus cultivées; les autres espèces sont considérées comme étant des ignames mineures (D. esculenta, D. bulbifera, D. nummularia, D. polystachya (ou D. opposita-japonica), D. pentaphylla, D. trifida, D. transversa) (LEBOT, 2009). Parmi les 10 espèces d’ignames cultivées, D. cayenensis-rotundata connu sous le nom de « igname blanche » ou « white yam » ou « yam belt » ou également « igname cultivée de Guinée » est la plus cultivée dans le monde surtout en Afrique de l’ouest tandisque D. alata est la plus répandue. A Madagascar, il existe trois espèces d’ignames cultivées (BURKILL et PERRIER DE LA BATHIE, 1950). Il s’agit de D. alata L. et D. esculenta (Lour.) Burkill qui ont été introduites ainsi que et D. bulbifera L. qui est native de l’Afrique et de la grande île. Les ignames cultivées de Madagascar appartiennent à trois sections différentes : Enantiophyllum pour D. alata, Combilium pour D. esculenta et Opsophyton pour D. bulbifera (BURKILL(1960). Ces trois espèces ont au niveau mondial une variabilité morphologique élevée, plus particulièrement D. alata qui possède une centaine de morphotypes (LEBOT, 2009). D. alata et D. esculenta sont originaire d’Asie du sud-Est et de Mélanésie tandis que D. bulbifera vient d’Afrique, d’Asie du sud-Est et de Mélanésie (HAHN, 1995; DUMONT et al., 1997; ARNAU et al. , 2010).