LES RACHITISMES DE L’ENFANT

LES RACHITISMES DE L’ENFANT

Profil épidémiologique 

 Prévalence 

Nous avons colligé 13 dossiers d’enfants présentant des rachitismes, sur une période de 8 ans (2012 à 2019), dans 2 hôpitaux de Dakar, HALD et CNHEAR. Les rachitismes représentaient 3,1% des endocrinopathies et 0,35‰ des hospitalisations. En 1994, Dione et al. avaient recensé 57 cas de rachitisme avec une prévalence hospitalière de 0,3% [8]. Cette différence de prévalence pourrait s’expliquer par l’augmentation des capacités d’hospitalisation des différentes structures concernées. Les enfants recensés dans l’étude, étaient âgés, au diagnostic, entre 1 an et 15 ans, la tranche d’âge ]0 ; 2 ans] était la plus représentative Dans une étude antérieure faite à Dakar, la tranche la plus touchée était celle de 4 à 7 ans [8]. Or, depuis l’antiquité, les rachitismes avaient toujours prévalu chez les nourrissons de 6 à 30 mois. L’âge au diagnostic des rachitismes varie en fonction du type, de la tranche d’âge considérée et de la géographie [20]. 1.2. Provenance Les enfants de notre étude qui présentaient un rachitisme carentiel (n=6) provenaient essentiellement de la région de Dakar où l’ensoleillement est présent toute l’année ; ils étaient de teint noir. L’ensoleillement suffisant, n’a pas empêché le rachitisme chez ces enfants. Cela peut s’expliquer par le fait que la peau épaisse et pigmentée s’oppose à une bonne synthèse de vitamine D 

 Profil diagnostic et évolutif 

 Anamnèse 

En moyenne, nous avons relevé un retard diagnostique de 2 ans, toutes causes de rachitismes confondues. Il était de 27 mois pour le rachitisme carentiel, de 9 mois pour le rachitisme pseudo-carentiel et de 60 mois pour la cystinose. Ce même retard a été constaté par Dione et al. [8]. Cela s’explique par le retard à la consultation et l’errance diagnostique, au vu des principaux motifs qui étaient les déformations osseuses des membres inférieurs et le retard à la marche [2]. 

Signes cliniques 

La symptomatologie des rachitismes était marquée principalement par la présence de bourrelets épiphysaires au niveau des poignets et des chevilles (69,2%), de chapelet costal (54,8%) et de déformations des membres inférieurs à type de genu varum et valgum (38,4%) et d’incurvation des membres inférieurs (38,4%). Ces déformations étaient relevées respectivement à 100%, 70% et 8% par Dione et al. Cependant, des anomalies thoraciques (23%) et dentaires (22%) étaient retrouvées dans cette même étude [8]. Ces déformations se retrouvent effectivement dans tous les types de rachitismes [2] et ont été utilisées comme principaux critères de diagnostic [20, 25]. 

Signes radiologiques 

Dans notre étude, 6 patients avaient bénéficié de radiographie osseuse (46,1%), ce qui constitue un biais de sélection dans la mesure où cette radiographie fait partie des éléments diagnostiques du rachitisme [2]. Les signes radiologiques retrouvés étaient à type de déminéralisation osseuse chez tous les malades (n=6), un élargissement des métaphyses en cupule floue et dentelée (n=4), un retard d’apparition des points d’ossification épiphysaires (n=4) et des stigmates d’un poumon rachitique (n=2). 25 Ces signes sus-décrits sont communément notés dans les rachitismes [2]. La radiographie du poignet retrouvant une atteinte métaphysaire, un amincissement cortical, des stries de LooserMilkman et une déminéralisation osseuse globale, est reconnue comme suffisante pour poser le diagnostic [2]. Par contre, des auteurs ont montré que l’utilisation de la radiologie à but diagnostique sous estimait la prévalence du rachitisme. En Chine, le diagnostic de rachitisme est passé de 41,6%, en utilisant les signes cliniques à 3,7% sur la base des signes radiologiques [23 ; 25], en Gambie il est passé de 1,5% à 0,05% 

 Biologie 

Les analyses biologiques ont mis en exergue une hypocalcémie (72,7%), une hypophosphorémie (90,1%) et des phosphatases alcalines augmentées (100%). Tous les enfants avaient un taux bas de 25-OH vitamine D3 (100%). En effet, la vitamine D permet d’augmenter la calcémie et la phosphorémie via ses actions métaboliques au niveau rénal, intestinal et osseux. Sa carence expliquerait l’hypocalcémie, l’hypophosphorémie et les PAL élevées

 Etiologies 

Les étiologies de rachitismes relevées dans notre étude étaient le rachitisme carentiel (n=6), le rachitisme vitamino-résistant type 2 (n=5) et le rachitisme secondaire (n=2) à une cystinose infantile (n=1) et à une insuffisance rénale chronique (IRC) (n=1). En Arabie Saoudite, les causes de rachitismes retrouvées étaient le rachitisme carentiel (61,6%), le RVR2 (6,2%), 3 cas de rachitisme hypophosphatémique (3,7%) et 1 cas de rachitisme secondaire à une insuffisance rénale (1,2%) [1]. Au Sénégal, Dione et al. avaient recensé 2 étiologies, le rachitisme carentiel (85%) et RVR2 (15%) [8]. En A. Saoudite, en 2009, Al Jurayyan NAM et al. ont relevés 71,6% de cas rachitisme carentiel, 6,2% de RVR2, 1,2% de cause secondaire et 3,7% de cas de rachitisme hypophosphatémique familial [1]. Comparés à notre étude, on note donc une augmentation des autres causes de rachitisme, génétiques et secondaires. Une 26 diminution des cas de rachitisme carentiel s’expliquerait par de meilleures conditions hygièno-diététiques dans nos contrées. De nombreuses études, dans les 10 dernières années, avaient retrouvé un pic d’âge de survenue du rachitisme carentiel chez les moins de 12 mois [21]. En Asie, l’âge moyen était de 7,5 mois [15]. Cette tranche d’âge correspond à la période où la majorité des nourrissons ont un allaitement au sein prolongé et sans supplémentation en vitamine D. En effet, les besoins journaliers en vitamine D du nourrisson sont de 400 UI, alors que le lait maternel ne contient que 20 à 60 UI/L. Une carence en vitamine D chez la mère est donc un facteur aggravant. Le manque d’exposition au soleil a également été incriminé [19] ; alors que les habitudes sociales, dans nos contrées, limitent l’exposition des nourrissons au soleil [26]. Le rachitisme vitamino-résistant par mutation du récepteur de la vitamine D est aussi appelé rachitisme pseudo-carentiel de type 2. Il est causé par une mutation inactivatrice du récepteur de la vitamine D, entraînant une résistance partielle ou complète à l’action de la 1,25(OH)D3 sur ses tissus cibles. Il est reconnu par la précocité des signes. Notre population avait moins de 4 ans, un retard de croissance sévère (n=2), une alopécie qui est très caractéristique (n=2) [2]. En effet, l’importance de la valeur étiologique de l’alopécie, survenant dans 80% des RVR2, a été retrouvée dans nombre d’études en Inde et en Tunisie [9, 17, 27] ; elle est décrite comme précoce, diffuse, partielle ou totale. Cependant, il est possible de retrouver des formes sans alopécie [12, 14]. Deux cas de rachitismes secondaires, la cystinose infantile (n=1) et l’IRC (n=1), ont été relevés dans l’étude. L’IRC de notre patient était secondaire à une uropathie malformative compliquée d’infections urinaires à répétition. Il avait 15 ans au diagnostic et présentait un retard de croissance sévère, des signes osseux de rachitisme et une polyurie (observation 11). Une polyurie peut cacher une IRC ; c’est le cas de certaines tubulopathies ou néphropathies 27 interstitielles chroniques. D’où l’intérêt du dépistage de la maladie rénale chronique [11, 23, 30]. Le déficit en vitamine D, en résultant, jouerait un rôle aggravant dans l’évolution de néphropathies chroniques en stimulant différents facteurs de progression de l’IRC tels que production de rénine, inflammation, insulinorésistance et protéinurie, d’où l’intérêt de la supplémentation en vitamine D [6].

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 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

 Le rachitisme est une maladie du squelette de l’enfant en croissance marquée par un défaut de minéralisation du tissu pré-osseux nouvellement formé. Il est secondaire à une perturbation du métabolisme phosphocalcique. La vitamine D a un rôle majeur dans ce métabolisme. Son apport faible dans l’alimentation est compensé par un système photosynthétique de l’organisme. Le métabolisme phosphocalcique, en plus de la vitamine D, implique 2 autres hormones qui sont la parathormone et le binôme Fibroblast growth factor 23(FGF23)/Klotho. Il nécessite également l’intégrité de 3 organes principaux qui sont le rein, l’intestin et l’os, de 3 ions qui sont le calcium, le phosphore et le magnésium. De ce fait ; de nombreux facteurs, notamment génétiques, environnementaux tels que l’ensoleillement, la nutrition ont un impact sur le métabolisme phosphocalcique et donc la constitution du capital osseux. Les formes étiologiques sont multiples. La principale en est le rachitisme carentiel. La majorité des pays en voie de développement ont réduit la prévalence de ce type de rachitisme en mettant en place des directives de supplémentation systématique des nouveaux-nés en vitamine D. La morbidité qui en découle en fait sa gravité. Au Sénégal, rares et anciens sont les écrits sur les rachitismes. Notre étude avait pour but de préciser le profil épidémiologique, les facteurs diagnostiques et pronostiques du rachitisme au Sénégal. Ainsi, une étude bicentrique, rétrospective et descriptive, de janvier 2012 à Mars 2019 au Centre hospitalier national universitaire d’Enfants Albert Royer (HEAR) et au Centre hospitalier national universitaire Aristide Le Dantec (HALD) a été effectuée. Les enfants âgés 29 de moins de 15 ans diagnostiqués rachitiques et ayant un bilan biologique de base ont été inclus. Les données ont été recueillies et analysées avec le logiciel Excel 2013 et R Studio. Au terme de cette évaluation, 11 enfants présentaient des rachitismes. Ils représentaient 3,1% des endocrinopathies et 0,35‰ des hospitalisations. Toutes les tranches d’âge étaient affectées, particulièrement, la tranche d’âge] 0 ; 2 ans]. Un retard de consultation de 2 ans 4 mois en moyenne était noté avec comme principaux motifs de consultations, les déformations osseuses des membres inférieurs et le retard à la marche. La moitié des patients avait un retard de croissance. Ces enfants présentaient, principalement, des bourrelets épiphysaires au niveau des poignets et des chevilles (72,7%), un chapelet costal (54%) et une malformation des membres inférieurs à type de genu varum ou valgum (36%) et d’incurvation des membres inférieurs (36%). Les analyses biologiques ont montré un taux de calcémie en moyenne de 83,5 mg/L, majoritairement basse (10 cas 13) et une hypophosphorémie (12 cas 13) avec une moyenne de 38,5 mg/l. Le dosage des phosphatases alcalines était à 100% supérieure aux normes, la moyenne était de 1399 UI. Tous les enfants avaient un taux de 25-OH vitamine D3 inférieur aux normes (n=13), allant de 3 à 22,5 ng/ml avec une moyenne de13,32 ng/ml. Les étiologies de rachitisme relevées étaient le rachitisme carentiel (n=6), le rachitisme vitaminorésistant type 2 (n=5) et le rachitisme secondaire (n=2) à une cystinose infantile (n=1) et secondaire à une insuffisance rénale chronique (IRC) (n=1). Les patients présentant un rachitisme carentiel (RC) avaient entre 1 an et 12 ans. A noter qu’en moyenne l’âge de début des signes est de 5 ans. 30 Les enfants atteints de rachitisme carentiel ont été traités par une supplémentation journalière en vitamine D, (STEROGYL) associée à un apport en calcium. L’évolution clinicobiologique sous supplémentation en 25(OH)D3, bien conduite a été favorable. Parmi les 4 cas de rachitisme vitamino-résistant de type 2 recensés, l’alopècie caractéristique (n=2) a été retrouvée chez 2 enfants. Les patients ont été supplémentés en 1,25(OH)D3 et en calcium oral. L’évolution sous traitement bien conduit a été favorable. Deux cas de rachitismes secondaires ont été relevés dans l’étude. Les causes étaient l’insuffisance rénale chronique secondaire à une uropathie malformative congénitale et la cystinose. Les taux respectifs de 25(OH)D3 étaient de 17 ng/ml et 14 ng/ml. Ces 2 enfants, en cour de traitement, avaient été supplémentés en 1,25OHD3, en calcium, en phosphore, et une bonne hydratation avait été recommandée associée à leur traitement étiologique.  

Table des matières

I- INTRODUCTION
II- OBJECTIFS
III- PATIENTS ET METHODE
1. Cadre d’étude
2. Méthodologie
2.1. Type d’étude
2.2. Période d’étude
2.3. Population étudiée
2.4. Méthode d’échantillonnage
2.5. Recueil des données et définition des variables opérationnelles
2.6. Analyse des résultats
2.7. Aspects éthiques
IV- RESULTATS
1. Prévalence
2. Paramètres socio- démographiques
2.1. Sexe
2.2. Provenance
2.3. Âge au diagnostic
3. Paramètres anamnestiques
3.1. Âge de début des signes
3.2. Motifs de consultation
3.3. Type d’allaitement
3.4. Comorbidité
4. Paramètres cliniques
4.1. Retard statural et pondéral
4.2. Signes cliniques
5. Paramètres radiologiques
6. Paramètres biologiques
6.1. Calcémie
6.2. Phosphorémie
6.3. Phosphatases alcalines
6.4. Dosage hormonal (tableau V)
7. Etiologies
7.1. Répartition des étiologies
7.2. Caractéristiques anamnestiques par étiologie
7.3. Caractéristiques biologiques par étiologie
V- DISCUSSION
1. Profil épidémiologique
1.1. Prévalence
1.2. Provenance
2. Profil diagnostic et évolutif
2.1. Anamnèse
2.2 Signes cliniques
2.3. Signes radiologiques
2.4. Biologie
2.5. Etiologies
VI- CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
VII- REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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