Les propositions vers l’abolition du système pénal
« Si rien ne change, (l’avenir) sera fait de construction de prisons, de perfectionnement des systèmes d’évaluation de la dangerosité, de classification des prisonniers et de diversification des niveaux de sécurité des prisons » Jean Bérard, Les prisons valent-elles la peine ?416 Contrairement à ce que Thomas Mathiesen préconisait en 1974417, l’abolition ne se réalisera pas d’ici une quinzaine d’années. Il est actuellement illusoire, voire utopique, de croire qu’une telle mutation verra le jour. Les incriminations deviennent des outils de réponse sociale. Sont pénalisés tous les faits dont l’opinion publique se saisit, sans se soucier des risques de doublons ou de la capacité de traitement du système pénal.
Le recours à l’incarcération est de plus en plus massif. De nouvelles prisons vont être construites pour accueillir le flot de détenus. Plus qu’un adoucissement du système pénal, c’est à son accélération qu’il faut se confronter. De surcroît, s’il existait un moyen de supprimer du jour au lendemain le système pénal, il faudrait sans doute se garder d’y recourir. En effet, la société est actuellement trop imprégnée de sentiments rétributifs pour accepter cette disparition. La prévention des actes nuisibles n’est pas assez efficace. Trop peu de citoyens imaginent une société sans système pénal. Il serait parfaitement anti-démocratique d’imposer ainsi l’abolition. Celle-ci nécessite donc un recul progressif du droit pénal qui permettrait aux individus de réaliser qu’ils n’ont pas besoin du système pénal (Section 1). Plus que tout, il n’est pas possible de libérer d’un coup tous les détenus actuels car leurs situations devraient être intégralement revues pour permettre le règlement du conflit leur ayant valu condamnation. La réduction du droit pénal doit donc s’accompagner de la réduction du parc carcéral (Section 2).
La réduction du champ d’application du droit pénal
Le « rétrécissement » du système pénal pourrait se réaliser par l’amputation de certains de ses domaines d’application (§2). En outre, il s’agirait aussi de mettre en place de véritables critères de criminalisation, plutôt que de laisser perdurer un flou savamment entretenu par les parlementaires (§1). §1 : Le renouveau des critères de criminalisation L’édiction de la loi ne répond actuellement à aucun critère, il lui suffit d’être conforme à la Constitution et aux droits fondamentaux. Il serait temps d’élaborer une véritable méthode législative pour prévenir l’inflation législative. 42. L’absence d’un principe de nécessité des incriminations : Le principe de nécessité des incriminations découle des thèses contractualistes. Les individus confient leur liberté à l’État en échange de sa protection. Cependant, il ne s’agit que d’une part de leur liberté. Hobbes parle du silence de la loi (Chapitre 21 du Léviathan423), tout ce qui n’est pas interdit est autorisé.
La loi ne doit intervenir qu’en dernier recours pour prohiber les comportements nuisibles à la société. Conformément aux articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen424, la loi pénale doit être l’ultima ratio. Le principe existe donc théoriquement, néanmoins il n’a jamais été consacré en pratique que ce soit par le Conseil Constitutionnel ou par le législateur. Ainsi, celui-ci est libre de criminaliser à sa guise tant qu’il respecte les libertés fondamentales et constitutionnelles. Les valeurs sociales à protéger ne sont pas définies, ou listées. Comme dit précédemment, il n’existe pas de dénominateur commun entre les infractions. Yves Mayaud425 estime que les valeurs protégées correspondent à tout ce qui anime le législateur dans sa volonté répressive, tout ce qui le détermine à élever au rang d’infraction un comportement. La légalité n’obéit plus à une valeur, mais à des contingences de toutes sortes ; politiques, économiques, sociales et même administratives.