Les projets d’enseignement possibles Une étude comparative des manuels
Méthodologie d’analyse des manuels
Encore objet d’une littérature scientifique abondante plus de deux cents ans après son entrée massive dans les écoles (Priouret, 1977 ; Métoudi et Duchauffour, 2001 ; Priolet et Mounier, 2018), le manuel scolaire est présent en nombre suffisant pour chaque élève dans 75% des classes du cycle 3 pour l’apprentissage des mathématiques (Priolet, 2001, MEN, 2006). À l’instar de Mounier et Priolet (2015), nous entendons par manuel « tout support pédagogique (livres ou fiches) qui doit être acquis par l’élève (lycée) ou qui est mis à sa disposition par l’établissement (école primaire et collège) ».
En outre, chaque manuel est souvent complété par des « moyens d’enseignement140 » pour faciliter son utilisation : un guide pédagogique141, du matériel pédagogique et des ressources en ligne mises à disposition de l’enseignant. Sachant que le manuel conditionne les mathématiques enseignées (Chevallard, Bosch et Gascon,2002) et peut donc influencer les pratiques (Butlen, 2004), nous ne pouvions faire l’impasse sur cet « élément incontournable de l’environnement professionnel de l’enseignant » (Margolinas et Wozniak, 2009). D’autant plus que son choix reste la plupart du temps,dans 66% des cas, une démarche individuelle (Mounier et Priolet, 2015).
En effet, comme le soulignent Briand et Peltier (2008), sa conception et son écriture occupe une place importante dans la transposition des savoirs mathématiques et « le nécessaire travail de vulgarisation de la recherche en didactique » (Briand et Peltier, 2008). C’est pourquoi, l’examen des propositions figurant dans les manuels scolaires, en neutralisant au maximum les contraintes institutionnelles, peut nous offrir une palette des enseignements possibles pour une notion précise. En clair, il s’agit ici de caractériser les savoirs à enseigner et la manière de les transmettre proposée dans les manuels du CP dans le cadre de l’apprentissage de l’addition mentale avec franchissement de la dizaine.
Dans cette optique, nous étudions les projets d’enseignement de cette notion figurant dans les manuels du cours préparatoire pour comprendre quelle transposition ont réalisé les auteurs, identifier les éléments didactiques et pédagogiques qu’ils prennent en considération pour élaborer leur scénario et recueillir les suggestions de mises en œuvre faites aux professeurs des écoles. Pour ce faire, nous procédons à une étude comparative de cinq manuels du cours préparatoire en nous limitant à cinq critères, à savoir, la progression, les séances, les activités proposées, la mise en commun et l’institutionnalisation.
Notre outil d’analyse des manuels
Grille 1 – Caractéristiques des manuels. Grille 2 – Progression proposée dans les manuels pour l’enseignement du calcul mental de sommes comprises entre 10 et 20 avec franchissement de la dizaine – (voir annexe II) : Dans le cadre de notre analyse de manuels de CP, la notion clé que nous avons choisi d’étudier est l’addition mentale avec franchissement de la dizaine. D’après les repères donnés aux équipes pédagogiques par les programmes 2008142 dans le but d’organiser la progressivité des apprentissages, cette notion s’inscrit directement dans la compétence « calculer mentalement des sommes et des différences » mais se construit dialectiquement avec le développement d’autres connaissances et compétences telles que : « connaître les nombres entiers naturels inférieurs à 100 », « produire et reconnaître les décompositions additives des nombres inférieurs à vingt (« table d’addition ») ou encore « connaître les doubles inférieurs à 10 et les moitiés des nombres pairs inférieurs à 20 ».
Par conséquent, s’il veut enseigner cette notion, le professeur peut définir différentes étapes dans un ordre chronologique précis qu’il va programmer sur un ensemble de séances (la séquence) afin d’amener progressivement les élèves à construire des procédures de calcul réfléchi de sommes en utilisant par paliers successifs les différents points d’appui mis en place : les faits numériques mémorisés, les décompositions des nombres, les propriétés des opérations et les relations entre les nombres. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés, en premier lieu, à la progression spécifique à cet apprentissage proposée par les manuels.
Elle est appréhendée à travers quatre indicateurs : les objectifs intermédiaires anticipés et éléments constitutifs de la compétence à acquérir au cours du cycle, (sont-ils indiqués pour chaque séance ? sont-ils formulés de manière précise ? leur libellé estil explicite ? fournissent-ils de vrais repères aux enseignants ?), le champ mathématique de la séquence et l’itinéraire d’apprentissage (les contenus et leur organisation), le type de dispositif prescrit à partir de la catégorisation de Grapin et Mounier143 (2018) puis la gestion de l’hétérogénéité (est-elle abordée ? comment la différenciation est-elle construite ?).