Les procédés discursifs et argumentatifs de la concession en français
L’ambiguïté des rapports dans An Outcast of the Islands
An Outcast of the Islands est un roman inscrit au cœur du cycle malais avec Victory, la série Tales of Unrest13 composée de “Karain : A Memory”, “The Idiots”, “An Outpost of Progress”, “The Return”, de “The Lagoon” et Almayer’s Folly. Pour ce dernier récit, la complicité d’avec An Outcast of the Islands dépasse la simple suite d’une intrigue pour poser le style des doubles comme une question majeure chez Conrad, étant donné que « tout se passe comme si un même acteur avait changé de rôle en passant d’une scène historique à l’autre – comme si la forme d’individualité des deux personnages était identique » (Michaud 600). Entre les personnages principaux d’Almayer et de Willems, l’auteur a pu introduire une divergence d’intérêts malgré une appartenance et une identification à un seul père et icône : le capitaine Tom Lingard, “The Rajah Laut”. La confusion est maintenue à travers ces identités meurtrières que l’on retrouve aussi chez le tandem d’exploitants blancs Kayerts-Carlier. Mais en passant de Almayer’s Folly à An Outcast of the Islands ce point de vue de Conrad connait un tournant relatif au pouvoir et à la gestion de celui-ci. Au-delà de la présence des blancs et de l’influence de Lingard l’absent, les doubles sont compris dans une position de faiblesse atypique. Aussi la dualité entre Almayer et Willems se poursuit-elle au bonheur des arabes. Dans une sorte de mercantilisme sauvage, ces derniers membres des tribus majoritaires présentes à Sambir14 s’approprient les rênes du pouvoir commercial 13 Almayer’s Folly (Wordsworth Editions Limited 1996) est un roman complété avec Tales of Unrest, une collection de récits dont An Outpost of Progress est une partie. Aussi toutes les références à AOP font-elles suite à la pagination de AF qui faisait la singularité de Lingard et, par prolongement, celle d’Almayer. Ceci est entendu au figuré car la nature des activités commerciales est tout autre. En résumé, An Outcast of the Islands suspecte de telles transactions mais formule en lieu et place de celles-ci les relations romantiques entre Aïssa et Willems. En revenant sur les œuvres, nous convoquons les personnages dits rêveurs solitaires pour élucider ces questions : quelles sont les conditions qui préparent et annoncent l’idéal social dans Victory? Sont-elles normales parce que collectives, ou anormales parce que personnelles ? Quel enseignement autocritique Schomberg et ses pairs peuvent-ils tirer des écarts de Heyst ? Comment concevoir du social dans l’isolement, agir dans le rêve, socialiser dans la solitude ou partir de l’idéalisme de Heyst pour dépasser la communauté d’intérêts ? Les réponses à ces questions prennent toute la mesure de l’individualisme chez un être social naturellement marqué par l’image d’un père solitaire. Aussi faudrait-il constater, au passage, que la règle héréditaire, tout en convenant à la psychanalyse de ce héros solitaire, semble défaite par la demande sociale.
Le solitaire et l’Autre : aux sources de la socialisation de l’individu
Les récits à analyser s’articulent tous autour d’une quête aux sources même d’une œuvre conradienne bâtie sur des dualités, en ce sens que : “Human nature remains an enigma, but Conrad succeeds in avoiding the temptation to consider it merely evil or fallen. The human endowment consists (…) of 15 Dans The Language of the Self, plus précisément dans “Lacan and the Discourse of the Other” d’Anthony Wilden, l’Autre (the Other) symbolise un inconscient d’envergure. L’Autre est certes un alter ego, mais il est ici signifié comme une altérité minimale. La mixité, la dualité et l’inimitié constatées à travers le corpus manifestent une telle différence. Et, si on prête sens à l’hypertrophie de Conrad, le détail est aussi recherché qu’il devient cause de toute la différence. Dans la présente étude, l’Autre est représentatif de la conscience d’une différence. Que l’Autre ou la toute-altérité soit racial, professionnel ou individuel, son omniprésence chez les cas sociaux conradiens est suspecte d’un inconscient à l’échelle communautaire. L’Autre, l’anti-héros ou l’anti-sujet, est une notion clef à l’étude de Susan Rubin Suleiman, Le roman à thèse ou l’autorité fictive (Puf, 1983). – 23 – individualism and sociality, love and aggression, restraint and anarchy” (Fleishman 1967: 96). C’est suite à ce constat que le point qui sera abordé dans ce chapitre confronte la société à l’individu même s’il est admis que : “The individual is a product of society; the person being, so to speak, society individualized” (Golding 546). Le sentiment de solitude qui anime le personnage particulier se compense avec une conscience prise par et pour la différence, car “for Conrad…the anchorite is not an agent of anti-bourgeois satire but a figure who, in his retreat, offers a challenge to a ruling principle of order” (Wiley 80-1). C’est avec An Outcast of the Islands et, au travers du personnage miroir, Willems, que l’éloignement et la résistance résument tout un idéal. Les rapprochements qui sont à cet effet tentés par Lingard entrent dans cet ordre de socialisation. Entre Willems et Almayer, la méfiance compromet tout le processus de professionnalisation. Dans la gestion des affaires commerciales de la Station, aucun des deux commis ne voudrait jouer les seconds rôles. Allant de mal en pis, ce qui au départ était un conflit de position recoupe une co-existence impossible. C’est la même situation sociale antagonique des deux blancs qui est retrouvée dans les relations entre Almayer et les arabes d’une part et, d’autre part, entre Willems, Lakamba16, Babalatchi et Aïssa ou le père de celle-ci, Omar el Badavi17 . Ce qui se pose comme problème ici et, plus exactement, à Sambir met en contrepoint les relations entre personnes opposées. Si elle est de prime abord 16 C’est Lakamba, l’un des chefs arabes les plus influents à Sambir, qui prépare, avec la complicité d’Abdullah et des marins hollandais, la démonopolisation du commerce intercommunautaire. Comme ses acolytes, Lakamba développe un inconscient criminel face à la présence d’Almayer. Préalable à la concurrence déloyale entre le blanc et les arabes, l’instinct de préservation est si manifeste chez Lakamba que, sur la scène de l’activisme social dans Almayer’s Folly ou An Outcast of the Islands, c’est Babalatchi qui est souvent substitué à ce narcissique. 17 Pirate de mer par le passé, Omar el Badavi.est, à l’image de Lakamba, exilé à Sambir avec Babalatchi. Non voyant, Omar el Badavi mène une existence des plus misérables, car abandonné par sa fille Aïssa pour l’amour de Willems. Affaibli par le poids de la maladie et, bien entendu, de la solitude, Omar el Badavi n’a que son ex disciple et actuel maître, Babalatchi pour communiquer. En voulant finalement se venger de Willems, qu’il assimile d’ailleurs à un blanc satanique, Omar el Badavi meurt accidentellement sous le regard impuissant d’Aïssa. – 24 – induite par le conflit des agents de la Lingard & Co., l’opposition des intérêts s’approfondit dans une sorte de tribalisme arabe. La maîtrise totale du système de circulation des biens et des services intéresserait Syed Abdullah bin Selim18 (‘the great trader of Sambir’), Lakamba (‘the Rajah of Sambir’) et, de manière indirecte, Omar el Badavi au point que ces chefs de tribus arabes fraternisent avec Willems contre le supérieur de celui-ci, Almayer. C’est pour dire que la relation, initialement signifiée par le solitaire et l’Autre, se préoccupe d’une sorte d’identification. Comme objectif, les acteurs arabes recherchent le coopérant blanc idéal. La projection de ceux-ci souscrit certainement à une idéologie de leur groupe social. Dans An Outcast of the Islands, celui-ci manifeste une protection semblable à un durcissement des rapports sociaux et commerciaux entre Abdullah et Almayer. Compte tenu de la différence pressentie parmi les individualistes et à travers les échanges ou les entreprises de ceux-ci, il ne serait pas superflu, croyons-nous, de revoir les tentatives de rapprochement. Car, en dépit des écarts tantôt notés entre des actes, démarches de solitude et, partant, des situations solitaires, il y a à lire toute cette posture à la lumière de ce qui suit : “Society is everywhere, entering into every facet of human existence, including the most intimate and personal” (Golding 2010: 546)19. L’avis de ce critique, sociologue de surcroît, en ouvrant d’autres perspectives, donne à lire la société comme un 18 Il reste, dans Almayer’s Folly comme dans An Outcast of the Islands, le plus nanti et le plus influent commerçant arabe de Sambir. D’ascendance royale, Abdullah est respecté et sollicité par sa communauté face à l’imposition d’Almayer. Saluée par les populations les plus démunies, l’arrivée d’Abdullah à Sambir ne rencontre pas toujours les profondes attentes de Babalatchi et de Lakamba. En maître du jeu qui est la conspiration contre Almayer, Abdullah ne va jamais jusqu’à attenter à la vie de ce dernier. Sa retenue notée dans Almayer’s Folly, malgré les énormes enjeux d’un monopole, lui vaut, quand bien même, une reconnaissance des anglais contre la volonté politique des hollandais (Fleishman 1967 : 84). 19 Dans “Freud, Psychoanalysis, and Sociology: Some Observations on the Sociological Analysis of the Individual”, R. Golding mesure l’individu à l’aune de la société. Il part d’un point de vue sociologique pour trouver dans l’inconscient individuel tous ou presque tous les fondementaux sociaux. Autrement, l’individu se situerait au début et à la fin d’un processus social latent. Cet article, sur bien des points, recoupe notre considération du solitaire. La forme individuelle de ce membre social n’est plus à discuter. D’ailleurs, le principe individualiste qui est le moteur de la conception sociale conradienne conforte une telle posture. Et, le point de vue de Golding, c’est-à-dire cette individualité aux origines de toute société, rejoindrait ainsi l’obsession de l’auteur-narrateur Conrad pour le social. L’expérience marine est en dernier lieu asujettie à une existence menée par l’homme des mers au sein d’un groupe d’individus donné. – 25 – espace public, privé ou même intime. C’est la société, c’est-à-dire l’impression d’être parmi les autres, qui s’impose. L’élément individuel, quelle que soit sa place dans le dispositif social, est du ressort de la société. Des romans tels que Victory, Lord Jim et An Outcast of the Islands respectent cet ordre même si un couple de solitaires Heyst-Lena, une sympathie entre Jim et Jewel et une romance de Willems et d’Aïssa sous-tendent une société à deux. L’Autre, à la fois récepteur et transmetteur de pulsions diverses, demeure un être difficile à représenter du point de vue professionnel. Tel est le suspens que la narration de Marlow cherche à lever suite à sa progression dans un espace et un temps inconnus. Le péril du voyage de Marlow et l’envergure d’une découverte posent la question de savoir la faveur du hasard dans la nécessité, la faculté ou la futilité d’une rencontre. Faudrait-il souligner ici que l’idée véhiculée à travers la relation entre l’Europe20 et l’Afrique21, le contact entre une culture et une civilisation, est inscrite comme une donne consciente dans Heart of Darkness ; un aspect du métarécit ambiant que nous aurons à analyser ultérieurement. Conrad garde une certaine neutralité par rapport à tout ce qui se trame dans un système social en construction. En clair, le style de Conrad procède par le vraisemblable pour tendre vers le probable. C’est dire que la représentation sociale, culturelle et économique ne peut être jamais donnée d’avance par des personnages tout aussi controversés que leurs idées. La preuve de cette 20 L’Europe est limitée à l’île britannique, par opposition au continent, c’est-à-dire les autres pays européens. En poussant cette utopie, Conrad embarque et l’Allemagne et la Hollande pour constituer une nationalité ambiguë à deux types solitaires, Kurtz et Almayer. L’Europe, évoquée à travers la race (l’homme blanc, Jim), le rêve (d’Almayer) ou le retour (si cher aux expéditionnaires de Heart of Darkness), n’est pas un point vers lequel les aventuriers convergent de nouveau. Heart of Darkness mis à part, Lord Jim, An Outcast of the Islands et An Outpost of Progress sont des récits qui n’envisagent pas un chemin inverse pour les aventuriers blancs 21 Dans Heart of Darkness, c’est l’Afrique centrale qui est plus particulièrement présentée à travers le Congo où la Société Anonyme Belge pour le commerce du Haut-Congo s’est établie dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Dans une frénésie des missions exploratrices et civilisatrices, le Roi Léopold mit sur pied l’Organisation Intertionale pour la Civilisation de l’Afrique Centrale (The International Association for the Civilization of Central Africa). Les raisons culturelles et, bien évidemment, économiques qui ont poussé plus d’un conquérant à descendre au cœur du continent noir ne peuvent être validées que par ceux qui ont subi la rapacité d’un commerce colonial comme celui de l’ivoire dans Heart of Darkness. – 26 – affirmation est vite trouvée dans Heart of Darkness. Revisitée par Marlow dès l’entame de ce roman, la civilisation caractéristique de l’Occident, se perd aussi dans un espace primitif, trahie par la capacité ou l’incapacité de s’adapter à ses propres produits.
De l’aventurier à « l’animal social » : l’instinct de préservation de l’individu conradien
L’instinct de survie se mesure à l’aune de la présence des autres pour pouvoir s’imposer en règle commune à l’individu et à la société. La force de pression du dehors, de l’ailleurs et de l’Autre prend la forme d’une conscience chez les passionnés d’exotisme, les exilés, pour ne pas dire la diaspora blanche suggérée par une forte présence occidentale « au cœur des ténèbres ». En connaissance de cette cause dite collective et contre tout ethnocentrisme, Conrad s’est beaucoup investi comme auteur d’abord et critique ensuite. En ouvrant autant de perspectives aux personnages, il crée l’entre-deux, une absenceprésence qui recourt à une personnalité dont les aspirations manifestent un certain ethnocentrisme. La portée de toutes ces composantes de la communauté arabe, représentée par Babalatchi, Lakamba ou d’Omar el Badavi, donne l’idée d’une force sociale inspirée par autant de préjugés que d’associations gratuites. Mais tout en gardant certaine partialité vis-à-vis des considérations romanesques, nous associons la vision socialisatrice de Conrad à un paradigme : « le solitaire et l’Autre », dans le simple dessein de situer le fil qui, tout en soulignant l’altérité, conduirait vers une identité. Pour cette étude, nous faisons usage de la déconstruction comme technique de subjectivisation suggérée par le solitaire. Ce dernier se ressaisit au cours des rapports sociaux pour se représenter autrement. Le premier statut du solitaire étant compris par la réclusion de Willems dans un milieu naturel de Sambir, la quête identitaire fait cas d’une position sociale représentative de cette même altérité : – 27 – The Other must be seen as the necessary negation of a primordial identity – cultural or psychic – that introduces the system of differentiation which enables the cultural to be signified, the subject of desire is never simply a Myself, then the Other is never simply an It-self, a front of identity, truth of misrecognition (Bhabha 2004 : 74). C’est toute une relativisation interindividuelle qui est ainsi mise à contribution par les oppositions identité-altérité. Autrement formulée, l’idée de définir le solitaire par analogie à l’Autre dénote une impossibilité de stigmatiser l’un au détriment de l’autre membre du corps social. D’ailleurs, la prédominance des individualités destine une sorte d’hégémonie à chaque conquérant et à chaque personnage de Conrad : “a heavenly mission to civilize” (TPC 496). Les mouvements, sous l’impulsion des activités individuelles, ne cessent d’émerger, créant à Sambir un tissu social multicolore. À l’image de Almayer’s Folly23, le roman An Outcast of the Islands ne trouve que le brassage entre les clans, les tribus et les agents particuliers comme prétexte à une lutte pour la survie. Sous l’égide de Lakamba et d’Abdullah, Willems et Babalatchi sont utilisés comme « boucliers » pour atteindre un 22 Voir The Location of Culture qui, comme The Empire Writes Back, compose une critique des théories et pratiques postcoloniales. Homi K. Bhabha questionne les modèles dictés par le Centre sur la base de ce qu’il convient d’appeler ‘the site of enunciation ’ (le lieu d’énonciation). Cette clef de l’appareil critique théorique de Bhabha rappelle, d’un point de vue linguistique, le sujet énonciateur et le sujet de l’énoncé. Mieux, l’angle discursif sous lequel le sujet du centre définit le sujet de l’empire prouve une fois de plus la force d’un inconscient comme l’idéologie. Toujours égale à elle-même, l’idéologie marque une hégémonie qui ne va pas sans une complicité du sujet idéologique (Cf. Slavoj Žižek, “Our Complicity in Ideology” in Stuart Sim & Borin Van Loon (ed. by Richard Appignanesi), Introducing Critical Theory, Totem Books, 2001). 23 Pour éviter toute interférence entre la prononciation du français et de l’anglais, la rencontre de la préposition « de » et de la voyelle « a » des romans Almayer’s Folly, An Oustcast of the Islands et An Outpost of the Progress n’entraîne aucune élision. – 28 – sommet supposé économique. Prenant pour cible Almayer, toutes les actions des arabes témoignent d’une politique souvent orientée par les pulsions. C’est tout à fait le cas du « russe » dans Heart of Darkness. Pour survivre dans un milieu particulièrement hostile, ce personnage qui incarne le creuset des cultures occidentale et africaine, développe un mécanisme de subsistance approprié aux désirs de Kurtz et des villageois. En effet, le contexte de la conquête impose une redéfinition plus précise des pertes et des profits, des propriétés et des appropriations et, en somme, du personnel et du collectif. Et Conrad, en prenant les devants de ce conflit d’intérêts, fournit aux idéaux du moi un mobile nécessaire à leur entrée dans la société. Heart of Darkness est sans doute le texte qui, bâti sur un terrain inconnu, ouvre toutes les constructions possibles. L’espace du Nouveau Monde, défini en tant que lieu de contacts et de confrontations entre agents locaux et étrangers, acquiert le sens de jungle, même si tel n’est pas le qualificatif qui est attribué à l’Amazonie chez Tomlinson : “One should not call this the jungle; it was even a soft and benignant Eden. This was the forest I really wished to find” (114). À ce sujet, Tomlinson, pareil à un bon anthropologue, prend comme contexte l’industrialisation pour situer son roman, The Sea and the Jungle, dans la veine du roman expérimental : Being the narrative of the voyage of the tramp steamer Capella from Swansea to Parà in the Brazils, and thence 2,000 miles along the forests of the Amazon and Madeira rivers to San Antonio Falls; afterwards returning to Barbados for orders, and going by way of Jamaica to Tampa in Florida, where she loaded for home. Done in the years 1909 and 1910 (Tomlinson 114). Mais le journalisme de Tomlinson ne s’encombre pas outre mesure de points de vue littéraires et critiques. En variant dans son système narratif, Tomlinson associe à l’exotisme une introspection de la race. Le contact avec les ‘Paraenses’ ‘Portuguese’, ‘Negroes’ et ‘Indians’ est, pour lui, le moment de tirer l’enseignement anthropologique selon lequel : “He who goes traveling should leave his self at home, or as much of it as is not wanted on the voyage. […] The ideal traveler would venture out merely as a disembodied thought, or, at most, as an eye” (67). Le premier contact culturel entre Marlow et les ouvriers de la Station extérieure rend compte d’ailleurs de la vue de ces noirs, à savoir que cette introspection déclenche comme reconsidération des attributs et attitudes de l’Autre. Cependant, l’imagination débridée de Marlow ne suit pas toujours le flot d’idées prêtées à l’identité primitive. Le parcours du voyage mouvementé de Marlow et des autres personnages quêteurs mène vers un compatriote, un coagent, Kurtz, même s’il prétexte la retraite ou la maladie de celui-ci comme une solitude fatale. Heart of Darkness se présente sous la forme d’un roman d’aventure pour reposer des problèmes atypiques. Se hissant à un point où identité raciale ou professionnelle alterne avec différence individuelle, le roman procède par la solitude recherchée par Kurtz pour remettre en question l’identité des acteurs principaux de la quête.
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