Les problèmes de discipline et de violence à l’école primaire

Histoire des ZEP/politique générale

Lors de notre étude, nous avons interrogé des enseignants de ZEP sur leur métier. Dans leurs déclarations, qu’il s’agisse du questionnaire ou des entretiens, le milieu dans lequel ils exercent est très présent. Les enseignants abordent le sujet de la ZEP, et donnent leur avis sur ce qui fait la spécificité des milieux défavorisés. C’est pourquoi nous souhaitons faire un bref récapitulatif de l’histoire de l’éducation prioritaire depuis sa création pour amener un point de vue institutionnel sur ces ZEP et sur l’évolution de leur considération dans les textes officiels.

Un point sur le lexique

Les ZEP

La politique des Zones d’Education Prioritaire (ZEP) a été mise en place en 1981. L’objectif était de « renforcer l’action éducative dans les zones où les conditions sociales sont telles qu’elles constituent un facteur de risque, voire un obstacle, pour la réussite scolaire des enfants et adolescents qui y vivent et donc, à terme, pour leur intégration sociale »24. La phrase « donner plus à ceux qui ont moins » est devenue le « slogan » des ZEP. Pour atteindre ces objectifs, un « projet de zone »25 comprenant des écoles, collèges et lycées, a été instauré avec le rôle d’impulser les actions nécessaires et d’en assurer le suivi.

Les CLAIR

Le programme CLAIR (Collèges et Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite) a été expérimenté à la rentrée 2010. Ce programme concerne les établissements concentrant « le plus de difficultés en matière de climat scolaire et de violence »31.

Les ECLAIR

Le rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale32, rédigé en juillet 2012, décrit l’élargissement du programme CLAIR en programme ECLAIR (Ecole, Collèges et Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite). Au réseau s’ajoutent les écoles rattachées aux collèges déjà présents dans ce dernier, pour permettre une liaison école-collège. Ce programme prévoit des innovations pédagogiques et se fixe les objectifs suivants33 :
– faciliter la réussite de chacun et améliorer le climat scolaire ;
– développer l’ambition pour tous ; – renforcer la stabilité des équipes.

Les REP et les REP+

Lors de la refondation de l’éducation prioritaire, décrite dans la circulaire n° 2014-077 du 4-6- 2014, deux niveaux d’intervention seront à prendre en compte. Les REP regrouperont les collèges et les écoles rencontrant des difficultés sociales plus significatives que celles des collèges et écoles situés hors éducation prioritaire. Les REP+ concerneront les quartiers ou les secteurs avec la plus grande concentration de difficultés sur le territoire. Ces nouvelles dénominations prendront effet à la rentrée 2015 et les dispositifs ECLAIR et RRS disparaitront34.

La carte de l’éducation prioritaire

Moisan (2001) a réalisé un récapitulatif des différentes cartes de ZEP à travers le temps. Grâce à cet article, nous voyons que dès 1981, les recteurs définissent 700 ZEP c’est-à-dire 15% des écoliers et collégiens. La deuxième répartition, datant de 1982, compte 363 ZEP c’est-à-dire 8,3% des écoliers, 10,2% des collégiens, 7,4 % des élèves de LEP et 0,8 % des élèves de lycée. Cela fait suite à une volonté de concentrer les moyens sur les établissements ayant le plus de problèmes. Jusqu’en 1989, les ZEP augmentent « spontanément ». En 1990, avec la relance, on observe une augmentation de 2% du nombre d’établissements en ZEP. Le nombre obtenu restera stable jusqu’en 1997 où une augmentation de 3% fera suite à la nouvelle relance ainsi qu’à la refonte de la carte à la rentrée 1999. La répartition du nombre de ZEP par académie est très contrastée et on voit une disparité forte entre les villes.

Les critères de définition des ZEP

Dans les premiers textes en 1981, les critères permettant de définir les ZEP n’étaient pas imposés au niveau national. Chaque académie avait choisi sa propre méthode. Le ministre de l’époque avait donné une série de critères à titre indicatif qui étaient les suivants (Moisan, 2001, p. 18) :
– les écoliers non francophones et les élèves étrangers en collège à compléter par des données externes telles que les catégories socioprofessionnelles (CSP) ;
– le chômage, la proportion de familles nombreuses, la densité de l’habitat, la fréquence des placements ;
– les boursiers ;
– les retards à l’école et en sixième ;
– les flux à la fin de la cinquième, mesurés par le rapport du cycle d’orientation au cycle d’observation, et par l’entrée en CAP ;
– des indicateurs de « moyens » tels que le nombre d’élèves par classe, la part des maîtres auxiliaires ou, la scolarisation à deux ans.
Au fur et à mesure des années, aucun système ne sera imposé. En 1990, aucun indicateur précis n’est cité. On appelle en 1992 les équipes de ZEP à réaliser une évaluation complète pour une nouvelle carte en 1994 avec la volonté de voir « la carte des ZEP coïncider avec la politique de la ville » (Moisan, 2001, p. 18).
A l’heure actuelle, les établissements entrent ou non dans le réseau de l’éducation prioritaire en fonction de leur indice social. Cet indice, créé par la DEPP (Direction de l’évaluation de la prospective et de la performance), est basé sur quatre critères de difficulté sociale :
– taux de Profession et Catégorie Sociale (PCS) défavorisées ;
– taux de boursiers ;
– taux d’élèves résidant en Zone Urbaine Sensible (ZUS) ;
– taux d’élèves en retard à l’entrée en 6ème.
Cela permet de classer l’ensemble des établissements sur une échelle de difficulté sociale52.

Description d’une zone particulière : le cas des 15ème et 16ème arrondissements de Marseille

Les zones d’éducation prioritaire en France ont toutes été regroupées sous une même appellation, évoluant à travers le temps. Pourtant, Davin-Chnane et Faïta (2003, p. 94) pointent une « hétérogénéité maximale » dans les ZEP car il y a hétérogénéité des établissements, des classes et des élèves. C’est pourquoi nous souhaitons décrire plus en détail une zone d’éducation prioritaire en particulier, celle dans laquelle travaillent les dix enseignants des entretiens et où ont débuté les premières observations de ce travail. Il s’agit du 15ème arrondissement de Marseille. Pour réaliser ce descriptif, nous nous sommes basés sur un document intitulé « portrait de secteur, arrondissements 15/16 »56 , rédigé en janvier 2011, pour définir en chiffres cette zone géographique de Marseille. Le document est très complet. Il indique les zones naturelles, les transports en commun, le réseau routier ou encore les principaux équipements. Voici quelques informations intéressantes pour en connaitre davantage sur cet arrondissement.

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Le contexte d’exercice du métier

Pour poursuivre la description de la situation de notre population, nous allons parler de thématiques régulièrement citées dans la littérature ainsi que lors de nos rencontres avec les professionnels quand on aborde la question de l’enseignement en ZEP. Il s’agit de la difficulté scolaire, de l’hétérogénéité importante, des problèmes d’absentéisme et d’indiscipline. Nous avons toujours ici le souci de faire un état de l’art autour de ces thématiques avant de les mettre en lien avec les dires des enseignants autour de ces questions.

La difficulté scolaire

Le constat est sans appel. En moyenne, les élèves de ZEP réussissent moins bien que les autres (Andrieux et al., 2001). Pour cela, nous avons les données de deux études (Brizard, 1995; Andrieux et al., 2001). La première compare les résultats de 1991 à 1994, et la deuxième observe ceux de 2001, donnant les scores à 6 ans d’intervalle entre les élèves scolarisés en ZEP et hors ZEP sur différentes matières :

La forte hétérogénéité

L’hétérogénéité des classes est présente dans toutes les écoles (Kaluszynski & Froment, 2000), mais elle est plus forte dans les ZEP qu’ailleurs (Chauveau, 2001; 2011). On observe dans le public des classes de ZEP un nombre d’élèves faibles plus élevé que dans les écoles hors ZEP (Chauveau, 2011). La très forte hétérogénéité de ces classes fait partie des principales difficultés dont parlent les enseignants de ZEP (Kherroubi & Rochex, 2004). C’est une réalité que prend en compte l’institution au travers de la circulaire n°2000-00857. Selon Sensevy (2011, p. 86), « l’enseignement est créateur d’hétérogénéité ». C’est donc pour lui une évidence que toute situation où il y a l’acte d’enseigner révèlera une hétérogénéité dans les comportements et les résultats des apprenants. Pourtant, on remarque chez les professeurs des écoles une proportion plus importante d’enseignants, contrairement à ceux des collèges et des lycées de ZEP (Esquieu, 2008), déclarant arriver à gérer l’hétérogénéité des élèves, en réussissant à aider les élèves en difficulté, sans freiner ceux qui sont le plus en avance (Guillaume, 2001).

L’absentéisme

Pour l’éducation nationale, la lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaire est une priorité58, et cela, depuis la loi Jules Ferry du 28 mars 1882 où il est écrit : « Lorsqu’un enfant se sera absenté de l’école quatre fois dans le mois, pendant au moins une demi-journée, sans justification admise par la commission municipale scolaire, le père, le tuteur ou la personne responsable sera invité, trois jours au moins à l’avance, à comparaître dans la salle des actes de la mairie, devant ladite commission, qui lui rappellera le texte de la loi et lui expliquera son devoir. En cas de non-comparution, sans justification admise, la commission appliquera la peine énoncée dans l’article suivant ».
A l’heure actuelle, pour quatre demi-journées d’absence sans motif dans le mois (article L 131- 860 du code de l’éducation), le directeur, avec certains membres de la communauté éducative, peut déclencher une procédure de signalement auprès de l’inspection académique. En France, « l’inassiduité scolaire [est] un problème social grave » (Esterle-Hedibel, 2006, p. 46).

Les problèmes de discipline et de violence à l’école primaire

Les problèmes de discipline à l’école, même s’ils sont moins souvent relatés dans les écoles primaires que dans les collèges ou lycées, « sont plus fréquemment dénoncés dans les écoles socialement défavorisées » (Duru-Bellat & Piquée, 2004, p. 7). Cette problématique est très présente dans le discours des enseignants qui « évoquent autant, sinon plus, les conduites des élèves, leurs qualités morales, que leurs performances ou leurs qualités intellectuelles » (Lahire, 1995, p. 47).
Au sein de la classe, il est indispensable de « maintenir les ambitions concernant le savoir » (Moisan & Simon, 1997, p. 75). Et pour cela, il faut un certain ordre (Ravestein, 1999). Les problèmes de discipline ne sont pas compatibles avec des objectifs d’apprentissage ambitieux (Guillaume, 2001) car les enseignants déclarent passer beaucoup de temps à régler des problèmes de discipline au détriment des apprentissages (Butlen et al., 2002) qui, pour la plupart, ne pourront jamais être rattrapés. Une mauvaise gestion de la classe peut faire perdre jusqu’à 40% du temps d’apprentissage (Gaudreau, 2011).
Ce sont les enseignants les plus jeunes qui se plaignent particulièrement des problèmes de discipline dans la classe (Kherroubi & Rochex, 2004). Mais tous les enseignants de ZEP sont concernés. Ils sont 36% (contre 27% hors ZEP) à parler de l’indiscipline des élèves. 52% d’entre eux (contre 28% hors ZEP) déclarent rencontrer assez souvent, voire très souvent des problèmes de discipline avec leurs élèves (ibid.). Pour les enseignants, qui déclarent avoir entre trois et cinq élèves perturbateurs par classe, « ne pas avoir eu de gros problèmes de discipline » est cité par une majorité pour caractériser « un cours dont [ils sont] satisfaits » (Guillaume, 2001, p.77). Le résultat est que les élèves des classes rencontrant des problèmes de discipline ont moins souvent la parole, travaillent moins en petits groupes ou sur des compétences individualisées (ibid.).
Dans les quartiers populaires, il existe un ressentiment massif contre les enseignants (Debarbieux, 2006). Cela nuance les précédents résultats qui montrent que les élèves ont confiance en leurs enseignants (Debarbieux, 2006; Debarbieux & Montoya, 2011). Certaines études (Galand, Philippot, Petit, Born , & Buidin, 2004; Gaudreau, 2011) ont montré l’importance de la qualité des relations entre les enseignants et les élèves, particulièrement en rapport avec les phénomènes de violence au sein des établissements. Le fait que les enseignants soient à l’écoute et disponibles pour les élèves, montrant leur soutien et une équité permanente dans leur rapport aux élèves, a un effet positif sur le comportement des élèves (Galand et al., 2004). De même, un enseignant chaleureux, qui instaure un climat de classe harmonieux et sécurisant est confronté à moins de conflits avec les élèves (Gaudreau, 2011).

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