Les probiotiques et les prébiotiques à l’officine compléments aux traitements de la schizophrénie

Les prébiotiques et l’alimentation fermentée

Les prébiotiques sont des glucides non digestibles provenant de l’alimentation, qui stimulent dans le côlon, de manière sélective, la croissance ou l’activité de certaines bactéries du microbiote. Les bactéries les plus consommatrices sont notamment le genre Bifidobacterium.
Dans les prébiotiques, on retrouve (49) :
– Les fructanes/fructo-oligosaccharides (FOS) ;
– L’oligofructose ;
– L’inuline ;
– Les galacto-oligosaccharides (GOS) ;
– Le trans-galactose (TOS).
Ils sont présents dans la nourriture, sous forme de fibres, ou en supplémentation (49). Les prébiotiques sont fermentés par les bactéries pour produire divers métabolites.
On parle de prébiotiques pour les fibres fermentescibles qui sont bénéfiques pour la croissance et l’activité du microbiote intestinal.

Rôle des prébiotiques

Le rôle des prébiotiques est multiple :
– Récupération de l’énergie glucidique dans le côlon ;
– Impact positif sur le microbiote par la stimulation des Bifidobactéries et des Lactobacilles ;
– Production d’AGCC ;
– Maintien du bon fonctionnement de la barrière intestinale ;
– Effets anti-inflammatoires ;
– Effets anti-carcinogènes ;
– Augmentation de l’absorption du calcium dans le côlon (213)

L’impact des prébiotiques sur le comportement

Les prébiotiques jouent un rôle important dans la satiété. 26 personnes ayant reçu 15 g de fructane de type inuline durant 2 semaines, ont constaté une diminution de leur envie de sucré, de salé et de gras, et elles ont ressenti une plus grande satiété (152). Chez 125 adultes répartis en 4 groupes : 1- placebo, 2- inuline, 3-protéines de lactosérum et 4-inuline + protéines de lactosérum, la satiété était plus grande chez les groupes 2, 3 et 4. Mais, surtout, dans le groupe 2, il a été remarqué une amélioration de la santé mentale (214).
L’effet anxiolytique des prébiotiques a été étudié par Burnet et al. Du Bimuno® galactooligosaccharide a été donné à des souris pendant 3 semaines. Une injection de LPS leur a été faite (pour mimer un état inflammatoire et un état d’anxiété) et un test d’anxiété a été passé 24h après l’injection. Un effet anxiolytique a été constaté (215). Il en a été de même chez 45 volontaires sains qui ont vu leur taux de cortisol salivaire diminuer après un traitement de 3 semaines de Bimuno® (215).

Prébiotiques et schizophrénie

Peu d’études traitent de la supplémentation en prébiotiques dans la schizophrénie. L’équipe de Kao et al. a effectué, chez 39 patients schizophrènes, un essai croisé en double aveugle vs placebo. Ils ont supplémenté les patients avec du prébiotique Bimuno® galato-oligosaccharide (BGOS) (216). Une amélioration de la cognition globale a été constatée chez les patients prenant les prébiotiques. D’autres études avaient déjà démontré une augmentation du taux de récepteurs NDMA dans le cerveau grâce au BGOS. Cela expliquerait peut-être l’amélioration de la cognition retrouvée dans l’étude (216).
Comme le souligne la revue de Kao et al, si les prébiotiques améliorent l’apprentissage et la mémoire, leurs effets chez les patients schizophrènes devraient être positifs étant donné qu’il s’agit de « fonctions » altérées dans leur maladie (217). Gronier et al. ont démontré que la supplémentation en prébiotiques augmentait le fonctionnement des récepteurs NMDA au niveau cortical (218). Enfin, plusieurs études ont mis en évidence le fait que nourrir des rats avec un prébiotique améliorait l’expression des sous-unités des récepteurs NMDA, et augmentait le taux de BDNF et de D-sérine (régulateurs de l’activité synaptique du glutamate) (217). Un traitement par prébiotiques pourrait dont être intéressant pour traiter les symptômes cognitifs qui sont très peu améliorés par les traitements conventionnels.

Les probiotiques et les psychobiotiques

Selon le MeSH, les probiotiques sont « des suppléments alimentaires microbiens, vivants, qui affectent de manière bénéfique l’animal hôte en améliorant son équilibre intestinal microbien. » (219). Il s’agit d’espèces bactériennes ou de levures retrouvées dans certains aliments ou en complémentation sous forme lyophilisée (49). Comme nous l’avons expliqué dans la partie relative au microbiote, l’acidité de l’estomac est un grand facteur, limitant pour la survie des probiotiques. Certaines espèces telles que Lactobacillus plantarum survivent dans l’estomac. D’autres, telles que Lactobacillus acidophilus, reuteri et rhamnosus, survivent aussi, mais moins longtemps (49).

Les principales espèces retrouvées dans les probiotiques

Nous allons voir quelles sont les espèces les plus fréquemment retrouvées et quelles sont leurs fonctions, puis nous allons essayer de déterminer si leur concentration dans l’intestin reste suffisante pour avoir un effet à long terme. Les principales espèces retrouvées sont les Bifidobacterium, Lactobacillus (présents dans les yaourts et produits fermentés), Streptococcus thermophilus (présents dans les ferments du lait) et Saccharomyces boulardii.

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Fonctions des bactéries

La recherche sur les différentes propriétés des souches probiotiques est importante. L’impact des probiotiques est étudié dans de très larges domaines, à savoir l’intestin, l’estomac, l’allergie, la dermatite atopique, les maladies cardiovasculaires, les intolérances digestives, les intoxications alimentaires, etc. Il a été impossible de trouver l’ensemble des études réalisées sur chaque souche de probiotiques, mais le tableau 15 ci-dessous fait état des différentes propriétés des espèces et de certaines souches microbiennes, et de leur effet thérapeutique potentiel sur certaines pathologies.

Les quantités nécessaires pour avoir un effet bénéfique sur la santé

La quantité de souches présentes dans les probiotiques commercialisés est de l’ordre des 109 UFC/mL. Il est considéré que les concentrations en probiotiques doivent être au-dessus de 105 UFC/mL au niveau de l’intestin grêle, et de 107 dans les selles. (49) Il est très difficile d’avoir des études pharmacocinétiques sur les probiotiques, car ce domaine est encore émergeant. C’est pourquoi, plus de données sont nécessaires pour connaître l’impact des probiotiques commercialisés sur notre santé. Des essais cliniques de laboratoires sont vivement recommandés pour déterminer l’efficacité ou la pertinence de la vente de ces produits en pharmacie.

L’impact des probiotiques sur le cerveau

Nous avons déjà vu que plusieurs souches de probiotiques pouvaient avoir un impact sur le cerveau. Nous parlons aujourd’hui de ces dernières comme des psychobiotiques.
Les psychobiotiques sont « des organismes vivants qui, lorsqu’ils sont ingérés au bon moment, entraînent des effets bénéfiques sur la santé des patients souffrant de maladies psychiatriques. (255) »
A noter qu’il existe même en France un complément alimentaire portant ce nom ; il se compose de 4 souches de probiotiques : Bifidobacterium infantis, Lactobacillus helveticus, Lactobacillus rhamnosus et Lactobacillus acidophilus. (256). Dans le tableau suivant, nous allons voir que beaucoup d’études sont menées sur de petits échantillons de patients, avec des souches ou des complexes de souches, pour évaluer leurs impacts sur les symptômes psychiatriques les plus couramment observés.

L’intérêt des probiotiques dans la schizophrénie

La majorité des études sur les psychobiotiques portent sur l’anxiété et la dépression, mais très peu sur la schizophrénie. Nous avons vu que la dysbiose pouvait être un facteur favorisant l’apparition de la schizophrénie.
Dans l’étude de Orikasa et al., des souris ont subi un stress chronique, favorisant un comportement similaire à la schizophrénie, et ont reçu de l’apomorphine, un agoniste dopaminergique (270). Le taux de corticostérone, le ratio kynurénine/tryptophane et le comportement ont été évalués après la supplémentation par la souche Bifidobacterium longum (270). L’ajout de B. longum a induit une diminution des comportements schizophréniques, indiquant que cette souche pourrait diminuer les symptômes de la schizophrénie. Les taux de corticostérone et de kynurénine/tryptophane étaient également diminués. Alors que chez les patients schizophrènes, ce rapport serait augmenté (270).
L’explication la plus probable serait que la souche B. longum a un effet anti-inflammatoire et immunomodulateur (270).
Quant à l’équipe de Nagamine et al., la prise des souches Streptococcus faecalis, Clostridium butyricum et Bacillus mesentericus (BIO- THREE®) améliore les symptômes négatifs de la schizophrénie. (271)
L’étude de Tomasik et al. a mis en évidence les effets immunomodulateurs des souches Lactobacillus rhamnosus GG et Bifidobacterium lactis BB12 chez 31 patients schizophrènes.
Elles ont permis la régulation des cellules immunitaires et épithéliales et, ainsi, ont amélioré la perméabilité intestinale (272). En revanche, aucun impact sur les symptômes n’a été mentionné ou étudié. Okubo et al. ont analysé l’effet de la souche Bifidobacterium breve A1 sur l’anxiété et la dépression chez 29 patients schizophrènes. L’étude étant faite à un seul bras il s’agit d’un facteur limitant. Les sujets ont reçu cette souche, dosée à 1011 UFC par jour, pendant 4 semaines.
Les échelles PANSS et de l’Hospital Anxiety and Depression Scall (HADS) ont été mesurées avant et après. Douze patients étaient répondeurs et ont vu leurs scores s’améliorer (273). Nous voyons donc que des recherches complémentaires s’imposent pour apporter des éléments de réponse plus probants avec les souches évoquées.
La supplémentation en probiotiques, qu’il s’agisse d’une souche unique ou d’un complexe, améliorait-elle réellement les symptômes de la schizophrénie ? Davantage d’études sont nécessaires pour déterminer un réel effet thérapeutique chez les patients.

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