La culture: une définition
La notion de culture est complexe à définir. Marie-Rose-Moro mentionne l’ existence de 300 défmitions de cette notion (Moro, 2004). Malgré leur pluralité, ces définitions ne font pas consensus en raison de la position théorique de chaque concepteur. Ici, nous allons mettre l’accent sur les éléments principaux de la définition de cette notion selon les auteurs consultés. Selon Vinsonneau (2003), la culture est la dimension acquise du comportement humain. Par l’éducation, précise cet auteur, la personne intériorise la manière de penser et de percevoir le monde. Ainsi, la culture, en tant que structure particulière, production sociale et processus relatif et évolutif, constitue un corpus de valeurs et d’ informations caractérisant une société donnée. Elle intègre, selon Kroeber et Kluckholn (1952), un système de sens d’une communauté, son corpus groupai de comportements transmissibles, donc des règles, des conventions et des codes. Elle est constituée et constituante.
À ce titre, elle est construite et en retour construit l’homme (Handwerker, 2002) et moule sa personnalité (Mezzich et al., 1993) à partir des modèles inscrits dans la vie quotidienne, la langue et les interactions sociales. Elle est le cadre de référence, l’ensemble des représentations caractérisant et distinguant un groupe de personnes par rapport aux autres groupes (Camilleri & Cohen-Émerique, 1989; Casteran, 1997). En d’autres termes, la culture désigne les standards de comportements, les croyances, les postulats sur l’existence, les savoirs théoriques et pratiques, les différentes dimensions constituant le mode de vie d’une société (Gaw, 2001; Harwood, 1981). Mais chaque culture a des postulats, des systèmes de significations et des traits spécifiques qui évoluent avec le temps (Kleinman, 1996). La culture est une dimension qui influence le développement psychique de la personne; elle forme l’arrière-plan socioculturel dans lequel les individus se développent; elle se caractérise par un pattern, un style unique, une configuration favorisant chez tous les individus vivant dans une même société l’apparition d’un ensemble de traits analogues et d’attitudes constituant la personnalité de base (Kardiner, Linton, Prigent, & Lefort, 1969).
La culture forme le psychisme, guide les opérations mentales, dessine la personnalité, apprend aux individus d’ appréhender le monde et affecte la perception et la conception du temps (p. ex., linéaire ou cyclique, social, astronomique, etc.) et de l’espace (Vinsonneau, 2003). La culture offre, selon Gaw (2001), une compréhension à la maladie et des modèles pour exprimer la souffrance par des symptômes particuliers, des signes et des paroles traduisant le vécu (p. ex., somatisation, possession). Elle influence le processus clinique (Baubet & Moro, 2013). En effet, la culture affecte par ses dimensions idéationnelles la relation patient-thérapeute, notamment lors de l’évaluation, du diagnostic et du traitement (U.S. Department of Health and Human Services, 2001). Les standards culturels guident toutes les décisions prises par les praticiens. Par exemple, en Occident, la culture structure la pratique clinique en définissant le rôle du clinicien et celui de son patient. Ce dernier doit alors être motivé et coopérer au traitement. En plus, la culture dirige la vision du clinicien lors de l’ évaluation clinique d’un comportement (Gaw, 2001; Pierre et al., 2010). Également, les décisions cliniques sont basées sur la culture locale (p. ex., l’ individualisme, la démarche quantitative, etc.) et professionnelle (p. ex., explication biomédicale, cognitivo-comportementale, médecine alternative, etc.). Dans certaines cultures non occidentales, le clinicien est un expert, une autorité qui détient le savoir, la sagesse et les connaissances qui lui permettent de diagnostiquer le problème du patient et de déterminer ses causes et son traitement. Ce clinicien parle plus que le patient et guide ce dernier. Ainsi, quand le clinicien et le patient sont différents sur le plan culturel, leurs conceptions reliées à la façon d’agir en intervention et leurs visions concernant les relations entre le corps, l’esprit et l’ environnement, ainsi que la genèse du problème et le traitement diffèrent également (U.S. Department of Health and Human Services, 2001).
L’acculturation
L’acculturation désigne ce processus résultant d’un contact continu avec des individus porteurs de cultures différentes (Berry, 1997). L’ acculturation n’annule pas la culture initiale, mais construit un nouveau modèle culturel qui englobe la richesse des systèmes culturels en contact avec la personne (Berry, 1985). Par contre, l’acculturation peut entrainer le choc culturel (Oberg, 1960). En effet, le changement de l’environnement socioculturel et des habitudes constituent une source de malaise (Berry, 1997). Les confrontations interculturelles occasionnent habituellement un état de dépaysement, des incompréhensions, des incongruités, des incompatibilités, une désorientation ango issante et un état de détresse psychique (Fronteau, 2000). La personne dans un contexte d’acculturation fait appel, selon Berry et Sam (1997), à des stratégies pour s’adapter au pays d’accueil. Quatre stratégies d’acculturation sont identifiées, à savoir: la séparation (valoriser la préservation de sa propre culture et le non-développement des liens avec la culture du pays hôte); l’ intégration (préservation de son identité culturelle tout en construisant des liens avec la culture dominante); l’assimilation (ne pas préserver sa culture d’origine tout en valorisant l’adoption de la culture de la société d’accueil) et la marginalisation (ne pas conserver sa culture d’origine tout en refusant d’adopter l’ identité culturelle du pays hôte).
Le Modèle d’acculturation Interactif (Bourhis, Moise, Perreault, & Senecal, 1997) envisage l’acculturation sous l’angle de la psychologie des relations entre les immigrants en tant que minorité et la société d’accueil. Il offre une analyse selon laquelle les immigrants et le groupe majoritaire peuvent endosser de nombreuses orientations d’acculturation qui les influencent dans leurs interactions intergroupes. Le groupe dominant entretient des attentes concernant la manière dont le groupe minoritaire devrait s’ intégrer dans la société hôte. Ses attentes sont guidées selon l’ une de ces deux positions distinctes : (1) il est souhaitable que le groupe minoritaire maintienne sa culture d’ origine; (2) il est souhaitable que ce groupe adopte la culture du groupe majoritaire. Chaque position est associée à des orientations différentes d’acculturation à l’égard du groupe minoritaire. Certaines orientations valorisent la culture des immigrants (Bourhis, Montreuil, Barrette, & Montaruli, 2018) : l’ intégration permet à l’ immigrant de conserver sa culture d’origine tout en s’appropriant la culture du groupe majoritaire; elle permet aussi d’adapter certaines dimensions de la culture majoritaire aux valeurs culturelles des immigrants; l’ individualisme s’ intéresse à l’accomplissement individuel des immigrants peu importe leur culture d’origine. Les autres orientations d’acculturation du groupe majoritaire rejettent la culture de l’ autre. Par exemple, l’assimilation nécessite l’abandon de la culture d’origine minoritaire afin d’adopter la culture du pays hôte. L’orientation de ségrégation n’exige pas l’abandon de la culture d’origine si elle n’ influence pas la culture dominante. Elle permet au groupe majoritaire de garder ses distances à l’égard des minorités immigrantes et ne privilégie pas que celles-ci adoptent sa sa culture. Les exclusionnistes sont contre la conservation de la culture minoritaire et refusent que l’ immigrant adopte les valeurs du pays hôte. Ils sont pour l’expulsion des minorités dévalorisées dans leur société d’ origine. Ces orientations d’acculturation ont un effet important sur l’ insertion des immigrants et sur les interactions intergroupes, qui peuvent être adaptées, difficiles ou problématiques (Bourhis et al., 2018).
Le trouble mental: une définition
Le trouble mental est un concept assez récent, il succède à ceux de l’ aliénation mentale et de la folie; mais de façon générale, il est une altération de l’état de santé mentale, un état morbide, une anomalie qui gravite autour d’une idée centrale selon laquelle il Y a un dysfonctionnement de l’ esprit (Barlow, Durand, & Gottschalk:, 2016)0 C’est un concept qui éveille dans l’ esprit de la population en général un sens négatif ou l’image de troubles mentaux sévères et persistants (Habimana & Cazabon, 2013)0 Il est relié à ce qui doit être corrigé ou évitéo C’est un signal d’alarme, dont les symptômes sont un témoin de l’état de l’ esprit. Il s’agit d’une affection qui touche tous les humains : Non pas que la folie soit une pure invention [00 0] Il y a bien [000] une réalité de l’ expérience de devenir ou d’être fou, [000] et qui fonde la prétention des sciences psychologiques d’en arriver à une connaissance universelle, métaculturelle [000] (Paradis, 1992, po 13) Le concept de trouble mental est un concept juridique qui désigne selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux-5 (DSM-5; APA, 2015) : Un syndrome caractérisé par une perturbation cliniquement significative de la cognition d’un individu, de sa régulation émotionnelle ou de son comportement, et qui reflète l’existence d’un dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques ou développementaux sous-tendant le fonctionnement mental. Les troubles mentaux sont le plus souvent associés à une détresse ou à une altération importante des activités sociales, professionnelles ou des autres domaines importants du fonctionnement. (po 22) Aucune définition ne précise de façon opérationnelle le sens et les frontières du concept de «trouble mental »; ce dernier est difficile à définir et implique une différenciation entre les troubles « mentaux » et les troubles «physiques » malgré les interactions existant entre la composante mentale et la composante organique (Barlow et al. , 2016).
Selon Wakefield (2006), le trouble mental est perçu comme un concept subjectif, évaluatif et guidé par les valeurs sociales; c’est un jugement de valeur qui porte sur des conditions et des comportements socialement construits, désapprouvés et visant le contrôle social par le pouvoir médical. Selon cet auteur, le trouble mental est un concept ambigu, indéterminé et flou, puisqu’ il est difficile de le distinguer de manière objective et authentique des problèmes existentiels, des situations socialement indésirables et des conditions perçues comme négatives, mais normales. Pour ce même chercheur, le trouble mental peut être le produit de la défaillance des mécanismes du système de représentations. La confusion du sens du trouble mental s’explique aussi par le fait que d’autres notions ont été utilisées en tant que synonymes de trouble mental tels que la maladie mentale, l’affection mentale, la folie, l’ aliénation mentale, la souffrance mentale, etc. (Barlow et al., 2016). Le trouble mental n’est pas synonyme d’un désordre cérébral et ses causes sont encore inconnues (Bergeron, 2005). Selon Haynal (20 Il), les modèles théoriques des neurotransmetteurs qui expliquent la pathogenèse des troubles mentaux ainsi que l’ effet de la médication ne sont que des hypothèses qui ne résistent pas aux critiques (Bergeron, 2005). Les médicaments psychiatriques proposés aux patients depuis les années 50 sont des substances qui n’ont pas été développées principalement pour traiter les troubles psychiques. Leur utilisation en santé mentale est associée tout simplement au hasard (La liberté, 2011) lorsque les experts ont constaté que ces matières chimiques modifient la quantité des neurotransmetteurs, ce qui a amené ensuite à la conception d’une vision biomédicale du trouble psychologique. L’observation de certains effets de la médication psychiatrique a conduit les experts à développer l’ hypothèse d’un dysfonctionnement au niveau cérébral (Haynal, 2011).
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