Les principaux insectes ravageurs de la tomate
Résistance
La noctuelle est à l’heure actuelle insensible à plusieurs familles d’insecticides. La résistance aux pyréthrinoïdes, la famille d’insecticide la plus utilisée contre H. armigera est notée dans plusieurs endroits du monde. Elle a été signalée en Asie (Chaturvedi, 2007 ; Aheer, et al., 2009), en Europe (Mironidis et al., 2013), en Afrique centrale (Beyo et al., 2002 ; Achaleke et al., 2009 ; Achaleke et Brévault 2010), en Afrique occidentale (Vassal et al., 1997 ; Yara, 1999). En Afrique occidentale, les premières études sur la résistance remontent de 1997 par Vassal et al., en Côte d’Ivoire. Ils montrent une augmentation progressive de la DL50 (Dose qui tue 50% des chenilles) entre 1992 et 1996. Considérant que les superficies des cultures de coton occupent plusieurs pays d’Afrique de l’ouest allant du Sénégal au Nigeria, et compte tenu de la forte capacité de migration de l’insecte (Nibouche, 1994), il admet que ce problème de résistance ne se limite pas en Côte d’Ivoire. Au Sénégal, Moreira et al., (2002) ont réalisés des tests moléculaires, sur une souche de H. armigera issue du Sénégal, ont révélés deux mutations (la sérine remplacée par l’acide glutamique et l’acide aspartique par la valine) au niveau du gène codant pour le canal sodium voltage dépendant, cible principale des pyréthrinoïdes. Cependant aucun test de résistance aux insecticides n’a été jusqu’ici réalisé sur H. armigera au Sénégal. L’insensibilité à d’autres familles d’insecticides souvent utilisées contre la noctuelle a été également notée. Il s’agit des organophosphorés lesquelles la résistance est observée en Asie (Ahmad et al., 1999 ; Kranthi et al., 2001 ; Chaturvedi, 2007 ; Aheer et al., 2009), en Europe (Mironidis et al., 2013). Mais aussi des carbamates (Mironidis et al., 2013), oxadiazines (Aheer, et al, 2009), organochlorés (Mironidis et al., 2013). Le développement de l’utilisation des nouveaux insecticides de synthèse comme l’abamectine a été rapidement suivi par l’apparition de résistance en Asie (Ahmad et al., 2003; Chen et al., 2011). La résistance aux insecticides de H. armigera diffère d’une population en une autre et pour une population donnée, elle varie selon les types d’insecticides (Yara, 1999 ; Aheer et al., 2009). Le niveau de la résistance s’acquiert progressivement (Mironidis et al., 2013) et dépend du temps d’exposition aux produits. Sur du coton Bt (Bacillus thuringiensis), Wu et al., (2005) ont décelé une augmentation de la résistance des chenilles de H. armigera à la toxine Bt. Simultanément, le niveau de la résistance aux insecticides : lambda-cyhalothrin, phoxim et endosulfan a décliné 22 considérablement. Cela parce qu’après 5 générations sans exposition aux insecticides, la résistance du ravageur diminue énormément (Achaleke et Brévault, 2010).
Mécanisme de la résistance
Le mécanisme mise en œuvre contre les insecticides est varié, car peut dépendre d’une population en une autre (Mironidis et al., 2013). La résistance de H.armigeraaux pyréthrinoïdes est d’une hérédité autosomique. Elle a été conférée à un seul gène dominant (Achaleke et Brévault, 2010). Selon les auteurs (Martin et al., 2002 ; Young et al., 2006 ; Achaleke et al., 2009), cette résistance est liée à l’activité d’estérases. Moreira et al., (2002) notent une mutation sur une souche sénégalaise au niveau du gène codant pour le canal sodium voltage dépendant, cible principale des pyréthrinoïdes. Quand à la résistance de H. armigera à l’abamectine, des tests faits (Ahmad et al., 2003), ont révélé qu’elle est due à une résistance croisée du mécanisme de résistance, particulièrement métabolique, qui a été déjà sélectionné au niveau des insecticides conventionnels. Chen et al., (2011) confirment cela en suggérant quela résistancede H. armigera à l’abamectinepourrait être associée aux activitésdesmicrosomesoxydases à fonction mixte (MFO), de la carboxylestérase (CarE) et de laglutathionS-transférases (TPS), maisnonà l’acétylcholinestérase (AChE). Le mécanisme commun de résistance aux organophosphorés est lié à une insensibilité à l’ acétylcholinestérase chez les insectes résistants (Gunning et al., 1998).
Lutte biologique
La lutte biologique est définie comme étant la suppression, le contrôle ou la régulation des populations de ravageurs à l’aide de prédateurs, parasitoïdes, pathogènes (Debach et Rossen, 1991 ; Hawkins et Cornell, 1999). Selon Van Den Berg et Cock (1993), c’est tout simplement l’utilisation d’organismes bénéfiques ou d’ennemies naturels pour le contrôle des ravageurs. Durant le cycle de développement de H. armigera, un taux très élevé de mortalité allant jusqu’à 99% est souvent noté chez certaines cultures hôtes comme le tournesol, le maïs et le sorgho. Les causes de mortalité vont des parasitoïdes aux prédateurs passant par les entomopathogènes ou parfois sont même inconnus (Berg et Cock, 1993). De ces résultats l’amélioration de la lutte 23 biologique par une manipulation des habitats et une importation d’ennemies naturels exogènes peut être envisagée.
Parasitoïdes
Ils sont les plus étudiés, les plus utilisés et les plus efficaces en lutte biologique. Les parasitoïdes sont des insectes qui pondent leur œufs à l’intérieur (endoparasitoïdes) ou sur (ectoparasitoïdes) le corps de leur hôte à différents stades (œuf, larve ou nymphe). La larve qui se nourrit à l’intérieur ou sur l’hôte le tue durant son cycle. Au terme de son développement, la larve du parasitoïde se nymphose puis émerge au bout de quelques jours (Dominique, com. Pers.). La noctuelle de la tomate est attaquée par une large diversité de parasitoïdes qui parasite ses œufs, chenilles et chrysalides (Berg et Cock, 1993). En Afrique, 83 espèces de parasitoïdes de H. armigera et 93 genres dont l’identification n’atteint pas le niveau de l’espèce ont été répertorié (Van den Berg et al., 1988). En Afrique de l’ouest une trentaine d’espèces de parasitoïdes ont été collectées (Streito et Nibouche, 1997). Elles appartiennent essentiellement aux familles des Braconidae, Ichneumonidae, Tachinidae, Eulophidae, Scelionidae, Trichogrammatidae. Figure 11: Parasitoïde à la sortie de son hôte
Braconidae
C’est une famille très large qui regroupe la grande majorité des parasitoïdes de H. armigera. Le plus important parasitoïde de la noctuelle en Afrique de l’ouestappartient à cette famille. L’espèce M. laphygmarum est un parasitoïde très intéressant avec des valeurs des taux hebdomadaires de parasitisme allant jusqu’à 32,9% (Streito et Nibouche, 1997). La femelle attaque les jeunes chenilles de H. armigera. Après la ponte c’est une larve solitaire qui se développe à l’intérieur de la chenille hôte. Au terme de son développement, la larve sort de son hôte et tisse un cocon brun à l’extérieur qui est suspendu par un fil. De cette couleur, il se diffère des Apanteles qui tissent un cocon de couleur blanche (Berg et Cock, 1993). Chez d’autres espèces du genre Apanteles, plusieurs parasitoïdes peuvent émerger de l’hôte, ce sont des parasitoïdesgrégaires. D’autres espèces de Braconidae sont connues comme étant des parasitoïdes de H. armigera : Cotesia kazak (Telenga), Microplitis croceipes (Cresson), Habrobracon hebetor Say (Saxena et al., 2014 ; Cameron et al., 2006). La mise en œuvre d’un programme de lutte intégrée basée en partie sur l’efficacité de deux Braconidae parasitoïdes de H. armigera, C. kazak et M. croceipes en culture de tomate a contribué à une baisse de la demande en insecticide en Nouvelle Zellande (Cameron et al., 2006). A B Figure 12: M. laphygmarum A= cocon à côté d’une chenille de H. armigera morte, B= adulte 25 Figure 13: Apanteles sp A= cocon, B= adulte
Ichneumonidae
C’est une famille très large, dont les femelles parasitent le plus souvent les jeunes chenilles. Netelia sp pond individuellement ses œufs dans les jeunes chenilles de la noctuelle. Un seul parasitoïde se développe dans l’hôte. Au terme de son développement, il tisse un cocon à l’extérieur à partir du quel émergera l’adulte (Berg et Cock, 1993). Charops ater attaque plusieurs jeunes chenilles de la noctuelle et d’autres espèces de lépidoptères. Cette guêpe élancée pond un œuf dans son hôte. La durée de développement est de 14 jours, au bout duquel le parasitoïde abandonne son hôte. Ainsi, il se laisse suspendre de la plante par un fil de soie. De là, il va tisser un cocon selon un modèle très caractéristique (Berg et Cock, 1993). Un pourcentage allant jusqu’à 39.4% est enregistré par Campoletis chlorideae (Uchida), un parasitoïde larvaire (Fatma et Pathak, 2011).
Tachinidae
D’après Berg et Cock (1993) Les Tachinaires forment une famille importante de Diptères. Les asticots de ces mouches sont endoparasites de divers insectes. Le mécanisme de développement diffère selon les espèces. Les unes déposent leurs œufs directement sur l’hôte, les autres pondent sur les feuilles des plantes où les chenilles se nourrissent. Les œufs seront ingérés par ces dernières lors de l’alimentation. En outre certaines pondent, incubent, et terminent leur développement sur les feuilles des plantes. L’asticot néonate cherche et pénètrent activement la 26 peau de l’hôte. Deux espèces sont connues en Afrique pour H. armigera, Linnaemya longilostris au Kenya, Palexorista laxa (Curran) en Tanzanie occidentale. Figure 14: Développement des Tachinaires
Chalcididae
L’espèce la plus connue sur H. armigera est Euplectrus laphygmae Ferriere. C’est une espèce ectoparasitoïde, cosmopolite retrouvée partout en Afrique tropical. Il parasite des chenilles de plusieurs papillons, en récurrence H. armigera. La guêpe femelle paralysie la chenille hôte avant de déposer ses œufs sur son corps. Le nombre d’œuf pondu dépend de la taille de l’hôte. Il va de 3 à 6 par hôte. Les néonates commencent à s’alimenter sur leur hôte en liquéfiant d’abord le contenue de son corps puis en le suçant à travers la peau. Le corps de la chenille attaquée s’affaisse progressivement quand le contenu de son corps est consommé. Au terme de son développement, le parasitoïde tisse son cocon sous la dépouille de la chenille (Berg et Cock, 1993).
Scelionidae
Ce sont des parasitoïdes extrêmement petits qui attaquent le plus souvent les œufs des Papillons et des Punaises. En Afrique, Telenomus ullyetti Nixon est la seule espèce de cette famille qui 27 parasite H. armigera. Ce parasitoïde spécialiste attaque exclusivement les jeunes œufs. Un seul œuf est déposé sur l’hôte où il boucle son cycle de développement. A la fin du cycle, c’est un parasitoïde adulte qui émerge directement de l’œuf hôte. L’œuf parasité change de couleur durant le développement de T. ullyetti. Il va du jaune-blanc au gris. La femelle pond entre 30 et 90 œufs pour une période de 18 jours. La durée du cycle entre l’œuf et l’adulte est de 14 à 20 jours (Berg et Cock, 1993).
Trichogrammatidae
Selon Berg et Cock (1993), les trichogrammes sont des minuscules guêpes à corps robuste, difficilement observable à l’œil nu. Ce sont des parasitoïdes d’œuf de plusieurs papillons. Mais à la différence de T. ullyetti, ils attaquent plusieurs autres espèces en dehors de la noctuelle de la tomate. Environ 1 trichogramme sur 3 peut se développer sur un œuf de H. armigera. Les trichogrammes peuvent causer d’importante mortalité allant jusqu’à 19,4% sur les œufs de la noctuelle au champ (Fatma et Pathak, 2011). Au Kenya, sept espèces de parasitoïdes ont été recensées sur les œufs de H. armigera sur le tournesol, le maïs, le sorgho et le coton (Van den Berg et al., (1993). Les plus communs d’entre eux sont : Trichogrammatoidea lutea, T. armigera, T. eldana, T. simmondsi. Streito et Nibouche (1997), ont observé au Burkina Faso deux espèces de Trichogrammatoidea sur coton. Au Sénégal la découverte d’une souche autochtone de trichogrammes parasitant naturellement Rhaguva sp. déprédateur de chandelle du mil a été faite depuis les années 80 (Couilloud, 1981). L’œuf attaqué change de couleur et vire au noir lorsque le parasitoïde se développe. De là, les œufs âgés parasités par Trichogrammatoidea spp peuvent être reconnus sur le terrain. Pour émerger, le jeune parasitoïde crée une ouverture circulaire en mastiquant une partie du chorion. L’œuf parasité dure environ 12 jours avant émergence, comparé à 4 jours pour l’œuf non parasité.
Entomopathogènes
De nos jours, la lutte biologique est de plus en plus orientée sur l’intérêt de certaines maladies d’insectes. En effet, selon Toguebaye (1981), la sélection des pathogènes d’insectes doit se faire selon des critères précis dont les plus importants sont la spécificité vis-à-vis de l’espèce nuisible 28 avec peu ou pas de pathogénicité à l’égard d’autres insectes, la production en grande quantité des germes et la conservation de ces germes.
Microsporidies
Il s’agit surtout des espèces du genre Nosema, ce sont des agents pathogènes pour H. armigera. Mais cette pathogéneïté dépend de la dose des spores et du stade larvaire. Toguebaye, en étudiant l’infestation expérimentale de H. armigera par N. manierae a conclu en 1981 que chez les chenilles de même stade, le taux de mortalité est d’autant plus élevé que la quantité de spores ingérées ou inoculées est plus grande, et que les larves sont d’autant plus sensibles à la microsporidiose qu’elles sont jeunes.
Virus
Environ 1600 espèces de virus ont été isolées sur 1100 espèces d’insectes et d’acariens. Certaines d’entre elles infectent seulement les Arthropodes et d’autres Crustacés. Cependant, en pratique, seuls les Baculovirus sont actuellement utilisés comme agents de lutte biologique (Dent, 1991). Les Baculovirus sont des entomopathogènes largement utilisées comme bio-insecticides pour contrôler plusieurs parasites de l’agriculture et plus récemment en tant que vecteurs d’expression de protéines et de vecteurs de thérapie génique (Gómez et Villamizar, 2013). L’intérêt insecticide des Baculovirus se justifie par la formation de polyèdres qui protègent les virions contre le rayonnement solaire ce qui lui confèreson niveau raisonnable de persistance dans l’environnement. Il existe deux modes de dissémination de ces virions : l’une permettant la transmission de l’infection de cellules à cellules par l’intermédiaire des virions libres, l’autre permettant la transmission de l’infection d’individu à individu par l’intermédiaire des virions inclus dans les polyèdres (Toguebaye, com. Pers.). Une de ses caractéristiques principales est sa grande spécificité d’hôte, comprenant une gamme très étroite d’espèces d’insectes, qui appartiennent souvent à la même famille. Les principaux mécanismes d’action des Baculovirus impliquent la spécificité d’entrer dans les cellules hôtes, la possibilité de la réplication du génome viral, le contrôle des processus biochimiques et moléculaires des insectes et les interactions virushôte régulant la multiplication de l’agent infectieux (Gómez et Villamizar, 2013).Parmi les Baculovirus, le genre polyèdre nucléaire ou Nuclear Polyhedrosis Virus ou nucleopolyhedrovirus 29 (NPV) est le plus commun contre H. armigera. Son efficacité est fonction du nombre de jour après épandage (Mane et al., 2013). Selon Mane et al., (2013), un maximum de 7 jours peut être atteint, avec des rendements intéressants sur tournesol (779 kg/ha). L’un des potentialités de H. armigera, nucleopolyhedrovirus (HaNPV) est sa capacité de bourgeonnement due en grande partie au gène tardif or f81 (Ha81) (Li et al., 2014). Au Sénégal, Coly et Diop ont conclu en 1985 que la souche Vex 0784 du virus de la polyedrose nucléaire a montré un bon comportement dans le contrôle des populations de la noctuelle sur tomate.
REMERCIEMENTS |