Pourquoi l’œuvre
À la recherche du Soi, pourquoi pas toute l’oeuvre ? Selon nous, dans nos conditions de travail, À la recherche du Soi est l’ouvrage le plus approprié pour étudier le discours d’Arnaud Desjardins. L’ouvrage À la recherche du Soi est constitué de différentes causeries qui ont été enregistrées devant des assemblées réduites de personnes fortement interpellées par son enseignement. Il s’agit donc d’un discours qui a gardé, au moins en partie, des caractéristiques propres au discours oral, d’une forme de sa spontanéité du moins. Les enseignements ont été prononcés pour être entendus et non pour être lus. Bien qu’ils soient remaniés, il n’en demeure pas moins qu’on y retrouve un caractère de spontanéité particulier, qui ne se retrouve pas, ou à tout le moins qui se retrouve dans une moindre mesure dans un traité systématique comme celui intitulé Les chemins de la sagesse, un autre ouvrage de l’auteur. On peut affirmer que l’ouvrage Les chemins de la sagesse est une oeuvre où Arnaud Desjardins décrit l’enseignement de Swâmi Pranjânpad. Mais dans l’ouvrage À la recherche du Soi, Arnaud Desjardins transmet un enseignement, c’est différent, et ce n’est pas le cas pour Les chemins de la sagesse. Dans À la recherche du Soi, bien qu’il commente et décrive l’enseignement de son maître, il y a une nuance par rapport à l’ouvrage plus systématique qu’est Les chemins de la sagesse: il s’adresse à des gens qui sont devant lui, «c’est lui qui leur parle ».
Nous pensons que dans le discours tiré de causeries enregistrées, puisqu’il est devant ses élèves « en train de leur parler », le « climat du contexte» maître-élève risque d’être un peu différent que lorsque le discours est produit dans l’unique but d’être écrit pour être lu subséquemment par ces derniers. Pour expliquer davantage ce que l’on veut dire par « climat du contexte », nous pensons à la nuance que l’on observe lorsque la poésie est lue par soi-même et lorsque celle-ci est prononcée à haute voix par un lecteur ou encore par l’auteur du poème lui même; ce qui est encore un meilleur gage de transmission du sens que transporte le poème. On peut lire pour soi-même, en silence ou à haute voix, le poème L’outre-vie de Marie Uguay (1955-1981), une grande poète québécoise. On peut aussi s’imaginer en train d’assister (être là pour sentir, voir et entendre) à une lecture publique du même poème de Marie Uguay, et par surcroît (encore) on pourrait se l’imaginer elle-même prononcer le poème juste avant qu’elle décède d’une longue maladie à l’âge de 26 ans. Voilà ce que nous entendons par « climat du contexte », pour des causeries prononcées. Ces causeries enregistrées et transposées par écrit subséquemment, selon nous, bien qu’elles soient différentes de l’expérience « d’être là pour voir sentir et entendre », se rapprochent de ce contexte de la poésie entendue et prononcée à haute voix (pour être entendue par un autre) par l’auteur lui-même.
UNE PRÉSENTATION D’ARNAUD DESJARDINS ET DE SON OEUVRE
Arnaud Desjardins est aujourd’hui âgé de 84 ans. Il habite en Ardèche, en France. Il a été réalisateur à la télévision française pendant 22 ans. En 1974, il se retire de la vie professionnelle pour transmettre l’enseignement qu’il a reçu d’un maître bengali, Swâmi Prajnânpad. Entre l’âge de 31 ans et de 49 ans (de 1959 à 1974), il réalise une série de 12 documentaires sur l’hindouisme, le bouddhisme et le soufisme. Ils le rendront très célèbre en France et ailleurs. Il a, à ce jour, publié plus de 25 ouvrages sur la spiritualité, l’enseignement de Swâmi Prajnânpad surtout. En 1966, un de ses films sur le bouddhisme tibétain est présenté par la France pour le prix Italia40 et en 1969, il reçoit le prix Pierre-Milles pour l’ensemble de son oeuvre. « Qui est Arnaud Desjardins et dans quel contexte émerge l’ensemble de son oeuvre, y compris À la recherche du Soi?» Voilà la principale question à laquelle répond ce chapitre. L’application de la grille de lecture de la méthode éthicologique requiert que cette mise au point sur le locuteur du discours et le contexte d’émergence du discours soit faite le plus adéquatement possible. Elle permettra au lecteur de mieux apprécier la présentation des quatre instances de la dynamique éthique du discours qui va faire l’objet de notre analyse à partir du troisième chapitre. Ce chapitre est donc constitué de cinq parties.
Chacune d’elles correspond à une période de la vie d’Arnaud Desjardins
La première couvre les années 1925 à 1949 : son enfance, son adolescence et ses premiers emplois. La deuxième partie concerne l’apprentissage du métier de réalisateur. Elle s’échelonne de 1950 à 1956. La troisième partie traite de la période qui s’étale sur 12 ans, de 1956 à 1968. C’est durant cette période qu’Arnaud Desjardins réalise toute son oeuvre cinématographique et rencontre les maîtres qui marquent son parcours, y compris Swâmi Prajnânpad. La quatrième partie traite précisément du contexte dans lequel Arnaud Desjardins intensifie sa pratique, c’est-à-dire fait l’expérience de l’enseignement précis de Swâmi Prajnânpad que l’on retrouve dans À la recherche du Soi. Nous verrons qu’Arnaud Desjardins est devenu un réalisateur très connu du public français et nous verrons des détails de cette partie importante de sa vie. Si nous tenons à divulguer certains détails sur sa vie privée de l’époque (relations amoureuses et ruptures, vie de famille), c’est uniquement pour montrer le contexte dans lequel il a lui-même mis en pratique l’enseignement qu’il transmet dans l’ouvrage que nous soumettons à la grille de lecture de la méthode éthicologique. Parce que la période de 1956 à 1972 met en contexte l’émergence de son oeuvre cinématographique et la rencontre de maîtres qui l’ont influencé, nous nous attarderons davantage à cette période qu’aux autres. La cinquième partie porte sur la période de 1974 à aujourd’hui. Cette dernière sera plus brève, elle voit, au début, émerger l’ouvrage à l’étude dans ce mémoire.
Son enfance, son adolescence et ses premiers emplois Arnaud Desjardins est né le 18 juin 1925 de parents français protestants41 . Il est l’aîné d’une famille de trois enfants. Son grand-père maternel, Albert Nègre, est un ingénieur de l’école centrale. Il est aussi littéraire connaissant le grec et le latin. On raconte qu’il prend son petit-fils sur ses genoux pour lui montrer des photos qu’il a rapportées lui-même de l’Inde, de l’île de Ceylan et de la Birmanie. Du côté de la branche paternelle, on était protestant depuis le grand père d’Arnaud seulement. Le milieu familial d’Arnaud Desjardins est un milieu protestant fermé sur lui-même. Le père d’Arnaud, quant à lui, est strict, discipliné et surtout idéaliste. L’idéal scout est une grande valeur de l’époque. Le père d’Arnaud a été pendant plus de dix ans le commissaire national des Éclaireurs unionistes, la branche protestante du mouvement scout international fondé en 1909 par Lord Baden Powell. Desjardins, le père, présente lui-même le fondateur du scoutisme à son fils Arnaud. Le père d’Arnaud Desjardins est mobilisé en 1914 comme lieutenant et en 1939, comme capitaine. Il est fait prisonnier en Autriche. Il reçoit deux croix de guerre et est aussi décoré de la Légion d’honneur pour faits de guerre. À la suite du traité de paix de Versailles, le père d’Arnaud profita d’un programme d’aide de la fondation américaine Rockefeller pour les gens qui avaient dû interrompre leurs études à cause de la guerre. Il a donc pu étudier la psychologie pendant un an dans une université américaine. Ce diplôme aide le père d’Arnaud à devenir directeur du service social de la société Peugeot.
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