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LES PRINCIPALES CAUSES DE LA MIGRATION
Dans cette partie consacrée à l’étude des motifs de la migration des jeunes ruraux salouum saloum, il est question d’analyser leur perception concernant les raisons qui les poussent à migrer. En effet la perception des acteurs sociaux est fondamentale dans la compréhension d’un phénomène social. Généralement trois facteurs explicatifs ont été identifiés d’après les résultats de l’enquête de terrain. Il s’agit des causes socio-économiques, psychosociologiques et physiques.
Causes socio-économiques
Nombreux sont les enquêtés qui ont désigné l’agriculture comme étant leur activité principale avant leur départ pour Dakar. S’ils sont en ville c’est parce que l’agriculture ne répond plus à leurs aspirations. L’insuffisance de la production agricole et la dégradation des conditions d’une bonne agriculture sont les motifs notables de l’exode des jeunes Saloum Saloum. Le départ vers Dakar répond à un besoin de recherches de ressources financières complémentaires pour leur survie. L’intérêt personnel que le migrant manifeste pour être en ville est inhérent à la position qu’il occupe dans sa famille.
En effet à la question : pour quoi êtes vous venus à Dakar, 43% des jeunes répondent qu’ils ont emprunté le chemin de l’exode pour aider leurs parents et 42% ont évoqué le désir de trouver du travail. L’aide à la famille est la raison la plus fréquemment évoquée. Cette migration est donc principalement fille d’un besoin de recherche d’occupations professionnelles.
En guise d’illustrations suivons A.C, jeune migrant de 27 ans qui s’explique sur les raisons qui l’ont poussé à venir à Dakar: « je suis venu uniquement à pour les aider dans les travaux champêtres. Mais vue les maigres ressources dont ils disposent et qui ne permettent pas de couvrir les semences, je suis obligé de quitter mon village dans l’espoir de trouver du travail à Dakar. S’il y avait des possibilités de promotion sociale en milieu rural j’y resterais, car il n’y a de plus beau que de rester au près de ses parents ». Il ressort de ce qui précède que la présence en ville de la plupart des migrants relève d’un choix délibéré. Ce n’est pas l’attirance urbaine ni la désintégration des cellules familiales qui provoquent le départ des jeunes ruraux, c’est plutôt l’inquiétude de l’avenir et le sens de la responsabilité qui les caractérisent même si les avis sont partagés sur l’incitation au départ. Ces propos montrent aussi le lien qui doit exister entre le jeune et ses parents.
En effet le jeune a l’obligation d’entretenir ses parents, de subvenir à leur besoin. Dans ce cas l’aide aux parents devient une norme sociale à laquelle chaque enfant doit se conformer. C’est pour dire que l’aspect économique est déterminant dans l’explication du phénomène migratoire des jeunes saloum saloum. En effet 85% des jeunes ont quitté leur village pour des raisons économiques. Presque tous les chercheurs ayant étudié les migrations de populations en Afrique et notamment dans le pays, ont montré qu’elles concernent des travailleurs qui vont vendre leur force de travail dans les centres urbains. C’est le cas de A.B.DIOP (1965) qui soutient que 94% des migrants ont quitté le Fouta pour des raisons économiques. De la même façon le facteur économique est aujourd’hui la cause déterminante de la migration générale des jeunes saloum saloum. Mais il n’en reste pas moins que d’autres facteurs psychosociologiques et physiques interviennent dans la compréhension du phénomène migratoire.
Causes psychosociologiques
Le retour au bercail des jeunes migrants pendant les fêtes religieuses ou cérémonies familiales n’a pas manqué d’influencer d’autres restés au village. En effet les migrants ont besoin d’édifier une fortune et d’avoir un prestige auquel un jeune resté au village ne peut prétendre. En revenant au village, ils montrent une autre image. Cette apparence n’est pas sans emporter d’autres jeunes vers le chemin de l’exode. Ce sont des migrants potentiels qui veulent eux aussi découvrir la ville, se hisser au même niveau social que leurs camarades. A cela il faut ajouter la solidarité villageoise qui tend à se perpétuer en ville en incitant les premiers migrants à prendre en charge le nouveau venu jusqu’à ce qu’il ait les moyens de s’émanciper. Cela constitue aussi un puissant facteur de développement de la migration. Certains jeunes ont du quitter leur village non pas par ce qu’ils ont des besoins économiques réels mais par ce qu’ils ont été influencés par leur classe d’âge .Cet effet modèle est un aspect non négligeable dans l’explication du dynamique migratoire des Saloum Saloum même s’il ne représente que 10% de l’échantillon. C’est le cas de M.C, un jeune migrant âgé de 25 ans « le phénomène de la migration ne m’a jamais tenté au début. Mais un ami a réussi à me convaincre de la nécessité de sortir des campagnes où il n’y a rien à faire après l’hivernage. Il me disait en effet que la vie en ville est très difficile, mais on gagne au moins de l’argent et que c’est mieux de rester au village. J’ai aussi remarqué des changements dans la manière d’être et de vivre des migrants. En plus ils sont très considérés dans leur famille. Ce qu’ils peuvent faire, un jeune resté au village ne peut pas le faire. C’est pourquoi j’ai décidé de venir à Dakar ».
Ces propos sont confirmés par Abraham Maslow lorsqu’il identifie les besoins fondamentaux de l’homme sous forme de pyramide. Il a en effet souligné les facteurs de motivations de l’homme parmi lesquels il y a l’estime de soi par les autres .Ce besoin est manifeste dans le texte ci-dessus. Il s’agit d’être respecté et admiré par les autres, d’avoir un certain statut social et un certain prestige, être apprécié et reconnu. C’est dire donc que l’être humain est doublement structuré. Il a besoin de son psychisme intérieur et l’extériorité sociale pour négocier son équilibre. L’on comprend alors que certains jeunes manifestent un certain intérêt pour la ville non seulement pour améliorer leurs conditions de vie, mais également pour avoir une certaine considération au sein de leur famille d’autant plus qu’ils appartiennent le plus souvent à des familles étendues, polygamiques où la rivalité est une réalité. Les uns voulant surpasser les autres en ce qui concerne les dons et envois d’argent. Ce qui fait que les besoins non économiques entrent en ligne de compte dans l’explication de la migration Saloum saloum. En plus de l’aspect psychosociologique, il y’ a également le facteur physique non moins important.
Causes physiques
L’aspect physique occupe la portion congrue dans l’inventaire des facteurs explicatifs de la migration mais il n’en demeure pas moins un facteur explicatif. Il représente 5% de la population interrogée. Ce faible taux montre que le problème de manque d’espaces cultivables ne se pose pas dans le Saloum. Mais la crise de l’écosystème et la dégradation des sols provoquées par la non application de la jachère engendrent des sols appauvris. Ainsi certains jeunes découragés par la faiblesse des rendements agricoles et n’ayant pas les moyens pour l’achat des intrants pour la fertilisation des sols décident de quitter leur village pour monnayer leur force de travail à Dakar. Certains de nos enquêtés ont évoqué le manque d’espaces cultivables. Pour pratiquer l’agriculture ces jeunes doivent emprunter des lopins de terre. Ce qui n’est pas toujours facile. Face à cette situation les migrants pensent que la solution réside en ville. A ce problème de manque d’espaces il faut ajouter l’irrégularité des pluies dans certains endroits qui contribue à la diminution de la production agricole. Tout cela constitue des motifs de départ. « Ma présence à Dakar s’explique par un manque d’espaces cultivables. Nous n’avons pas assez de terres pour la pratique de l’agriculture qui demeure notre principale préoccupation. Le lopin de terre dont nous disposons est insuffisant, c’est pour quoi j’ai décidé de venir à Dakar pour tenter ma chance afin d’aider mes parents ».
Ces propos émanent de O. C, un jeune migrant âgé de 26 ans .C’est pour dire que le manque d’espaces arables est une réalité dans le Saloum même s’il n’a pas atteint des proportions inquiétantes. Cette situation peut être expliquée par le contexte socio-économique du milieu caractérisé par l’économie de marché qui favorise l’individualisation.
Nous retenons en définitive que quelque soit le niveau explicatif retenu, la rationalité économique explique en grande partie le comportement des jeunes dans leur désir à migrer. En effet ceux qui viennent en ville pour retrouver du travail ou pour aider la famille, représentent respectivement 43% et 42%, autrement dit 85% de l’échantillon quittent le milieu d’origine pour des raisons économiques. La majeure partie des jeunes migrent pour améliorer leurs conditions de vie.
Outre le facteur économique, il y’a l’aspect psychosociologique qui occupe 10% de la population ciblée. C’est un niveau explicatif non moins important de la migration des jeunes ruraux. Cette migration est favorisée par des jeunes qui, retournés au village, influencent d’autres camarades qui veulent, eux aussi, arriver au même niveau social. Le dernier aspect explicatif de cette migration est le manque d’espaces cultivables. Ce facteur n’occupe que 5% de la population interrogée. Ce qui signifie que la proportion des jeunes ayant quitté leur localité d’origine en raison de manque d’espaces cultivables est minime. Le manque de terre n’est donc pas un problème majeur dans le milieu Saloum Saloum. Par voie de conséquence la situation socioéconomique des jeunes ruraux les a prédestinés sur le chemin de l’exode. Après avoir identifié les principales causes de la migration, il reste à inventorier les différentes caractéristiques et ampleur du phénomène.
Caractéristiques et ampleur du phénomène migratoire
Dans ce chapitre nous allons d’abord analyser les formes de migrations et durées de séjour. En effet la monétarisation des économies marchandes est à la base des déplacements des jeunes vers Dakar. Le mouvement s’organise dans l’intervalle d’une saison où sont suivies d’installations saisonnières, temporaires ou définitives. Ensuite nous allons étudier les caractéristiques socio démographiques générales des Saloum Saloum : situation professionnelle, sexe, âge, situation matrimoniale, niveau d’instruction et ethnie.
Formes de Migrations et Durées de Séjours
Migration saisonnière
Cette forme de migration est pratiquée par des jeunes servant comme gardiens, marchands ambulants. Ils font des va et vient périodiques le long de l’axe Saloum – Dakar. La plupart des jeunes cultivent la terre au village durant la période des pluies et vivent à Dakar en saison post hivernale à la recherche de numéraire. L’ agriculture ne balisant pas totalement la main d’œuvre rurale que durant la saison des pluies, celle ci constitue une réserve importante durant la saison sèche pour la ville de Dakar où les activités commerciales sont très dynamiques à cette période de l’année. Ainsi l’exode rural saisonnier s’organise en une migration circulaire entre l’exploitation agricole familiale et l’entreprise commerciale installée à Dakar. Mais les résultats de l’enquête autorisent à dire que cette forme de migration diminue progressivement au profit de la migration temporaire. En effet la majeure partie des jeunes affirment n’avoir pratiqué cette forme de migration que pendant les deux premières années de séjours. Tel est le cas de L.Nd. » Je suis venu à Dakar en 1998 pour faire du commerce.
Mais chaque année pendant la saison des pluies je rentre au village pour les besoins de l’agriculture. Mais il y’ a presque 3 ans que je ne me rends plus au village pour cultiver. Je préfère rester à Dakar pour améliorer mon commerce et laisser mes jeunes frères au village; ils peuvent s’occuper des champs pendant que je travaille en ville. Cela ne m’empêche pas d’y aller pour rendre visite de temps en temps à mes parents « .
Cette façon de procéder peut s’expliquer par l’instabilité de l’emploi et le problème d’insertion dans la vie économique urbaine. En effet dès que le nouveau migrant commence à noter une certaine stabilité dans son occupation professionnelle et faire des économies, il préfère l’économie urbaine à la culture des champs. Il se contente de son travail urbain et s’accommode à participer à l’achat d’engrais et de matériels agricoles.
Cette forme de migration ne concerne que les nouveaux venus qui sont souvent pris en charge et qui négocient leur intégration aussi bien dans la vie économique que sociale. Elle représente 30% de la population interrogée. Le taux diminue au fur et à mesure que le migrant intègre la vie socioéconomique urbaine. Le migrant saisonnier devient alors progressivement un migrant temporaire potentiel.
Migration temporaire
Les jeunes qui s’adonnent à cette forme de migration sont généralement des commerçants, des chauffeurs et des tailleurs. Ce sont des anciens migrants qui ont une certaine expérience urbaine. Ils peuvent rester des mois sans se rendre au village surtout les jeunes célibataires qui se contentent d’envoyer par moments quelques sommes d’argent à leurs parents. S’ils vont au village ce n’est pas pour cultiver ; c’est plutôt pour rendre visite à la famille. La permanence et la régularité de l’occupation professionnelle vont entraîner des installations durables. Ainsi beaucoup de jeunes ruraux s’inscrivent dans un processus d’abandon de l’agriculture au profit d’un travail en ville. Mais certains ne cessent d’être des agriculteurs même si leur absence des champs diminue la taille des structures familiales momentanément, à long terme selon que la migration est saisonnière ou durable .En effet les jeunes qui ont les moyens engagent souvent des « surga »8 qui cultivent pour eux. Les modalités de payement varient selon que l’employé accepte d’être au service de l’employeur durant toute la période couvrant la compagne agricole ; dans ce cas le payement est compris entre soixante quinze mille et quatre vingt mille francs, ou il peut avoir parallèlement un champ. Dans ce cas il travaille les matins pour l’employeur et les après midi pour son propre compte. Les travaux sont effectués par le matériel agricole de l’employeur.
C’est ainsi que certains jeunes occupant des postes de responsabilités à Dakar pratiquent l’agriculture en payant la main d’œuvre « j’ai fait huit ans à Dakar.
J’ai cessé d’aller au village pour cultiver il y a quatre ans ; je continue tout de même à pratiquer l’agriculture. Chaque année j’engage un « surga».
A la fin de la compagne agricole. Je lui paye soixante quinze mille francs. Je vais au village de temps en temps pour superviser les travaux. Mes parents peuvent aussi le faire à mon absence ».
Ces propos de M .N D, jeune migrant âgé de 32 ans montrent l’existence d’une pratique culturale effectuée à distance. Ce système est répandu et connu dans le milieu Saloum Saloum. Il est souvent pratiqué par des familles qui n’ont pas assez de bras pour pouvoir assurer la main d’œuvre. C’est pourquoi certains jeunes s’installant durablement à Dakar et ne voulant pas perturber les activités agricoles à cause de leur absence, font cette forme d’agriculture.
Table des matières
PREMIRE PARTIE : PRESENTATION GENERALE DU CADRE DE L’ENQUETE
INTRODUCTION
1- PROBLEMATIQUE
2- HYPOTHESES…
2.1- Hypothèses principales
2.2- Hypothèses secondaires
3- OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
3.1- Objectif général
3.2- Objectifs Spécifiques
4- CADRE THEORIQUE
5- ELUCIDATION DES CONCEPTES
5.1- Migration
5.2- Saloum Saloum
5.3- Secteur Informel
5.4- Investissement
6- REVUE DE LA LITTERATURE
7- METHODOLOGIE
7.1- Phase d’exploratoire
7.1.1- Etude documentaire
7.1.2- Observations de terrain
7.1.2.1- L’espace et le lieu d’enquête
7.1.2.2- Le contexte socio économique du milieu d’origine
7.1.2.3- Echantillon
7.1.2.4- Outils de collecte
7.2- Déroulement de l’enquête et difficultés rencontrées
7.2.1- Déroulement de l’enquête
7.2.1.1- La pré enquête
7.2.1.2- L’enquête proprement dite
7.2.2- Difficultés rencontrées
SECONDE PARTIE : ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS DE L’ENQUETE
1- LES PRINCIPALES CAUSES DE LA MIGRATION
1.1-Causes socio-économiques
1.2- Causes psychosociologiques
1.3- Causes physiques
2- CARACTERISTIQUES ET AMPLEUR DU PHENOMENE MIGRATOIRE
2.1- Formes de migrations et durées de séjours
2.1.1- Migration saisonnière
2.1.2- Migration temporaire
2.1.3- Migration définitive
2.2- Caractéristiques socio démographiques générales des Saloum Saloum
2.2.1- Catégories socio professionnelles
2.2.2- Le sexe
2.2.3- L’âge
2.2.4- Situation matrimoniale
2.2.5- Le niveau d’instruction des jeunes
2.2.6- L’ethnie
3- INSERTION URBAINE ET CONDITIONS DE VIE
3.1- Les réseaux familiaux
3.2- Les associations
3.3- Conditions de vie
3.3.1- Modes d’existence
3.3.2- Moyens d’existence
3.3.3- Relations avec le milieu d’accueil
3.3.4- Relations avec le milieu d’origine
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES