Les premiers effets de la réforme de la fiscalité locale sur les finances des collectivités locales
Une réforme d’ampleur soumise à de fortes contraintes La suppression de la taxe professionnelle a entraîné une modification des ressources fiscales et non fiscales des collectivités territoriales. Compte tenu de son ampleur et de son calendrier, la mise en œuvre de la réforme s’est heurtée à un certain nombre de difficultés.
Une importante modification du panier de ressources des collectivités locales
La réforme s’est traduite par la mise en place d’une nouvelle fiscalité économique, par une réallocation de ressources fiscales entre catégories de collectivités territoriales et par l’instauration de mécanismes de compensation des pertes de ressources induites par la suppression de la taxe professionnelle. 1 – Une modification de la fiscalité économique locale L’article 2 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a créé la contribution économique territoriale (CET), composée d’une cotisation foncière des entreprises (CFE) et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Le montant de la CET est plafonné à 3 % de la valeur ajoutée . La CFE est assise sur la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière, les immobilisations industrielles bénéficiant d’un abattement de 30 %. La CVAE est exigible des personnes physiques et morales exerçant une activité professionnelle procurant un chiffre d’affaires supérieur à 152 500 €. Des dégrèvements sont appliqués en fonction du chiffre d’affaires réalisé, le taux maximum de CVAE, soit 1,5 % de la valeur ajoutée, ne s’appliquant qu’à partir de 50 M€ de chiffre d’affaires142 . Les collectivités territoriales n’ont ainsi plus de pouvoir sur le taux de la CVAE. Les communes et les établissements de coopération intercommunale conservent un tel pouvoir sur la CFE, dans la limite du plafond fixé pour la CET.
La loi a « territorialisé » le calcul de la CVAE
cela signifie que le législateur a choisi de rattacher cet impôt aux collectivités locales où l’activité est réalisée. La CVAE, due par le contribuable exerçant l’activité au 1er janvier de l’année d’imposition, était calculée, à l’origine, sur la base de ses déclarations qui doivent préciser « par établissement, le nombre de salariés employés au cours de la période pour laquelle la déclaration est établie ». Le dispositif de territorialisation a été modifié ultérieurement. Outre la CFE et la CVAE, d’autres impositions et taxes complètent les ressources des collectivités territoriales. L’article 2 de la loi de finances pour 2010 précitée a créé des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (IFER), destinées à compenser l’effet d’aubaine que la suppression de la taxe professionnelle, conçue pour soutenir les entreprises industrielles, pouvait constituer pour des entreprises de réseau. Le législateur a distingué neuf cas d’assujettissement, assortis de tarifs propres. L’article 2 de la loi a également créé une taxe additionnelle sur les installations nucléaires de base, dite taxe « de stockage » afin de faciliter l’acceptation de telles installations par les collectivités. Enfin l’article 77 de la loi a introduit une taxe additionnelle sur les propriétés foncières non bâties, perçue à compter de 2011 au bénéfice des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. Cette création est la conséquence du transfert du produit de la taxe foncière sur les propriétés non bâties des régions et des départements vers les communes et les EPCI. 2 – Une réallocation de ressources fiscales Afin de compenser les pertes de recettes liées à la suppression de la taxe professionnelle, le panier de ressources des différentes catégories de collectivités territoriales a subi d’importants aménagements à compter de 2011. L’article 77 de la loi de finances pour 2010 prévoit ainsi le transfert aux départements des droits précédemment perçus par l’État au titre des mutations immobilières, ainsi que du solde de la part de l’État de la taxe sur les conventions d’assurance. Par ailleurs, la part régionale de la taxe foncière sur les propriétés bâties est transférée aux départements. Les parts départementale et régionale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties sont supprimées. La part départementale de la taxe d’habitation, ainsi que la taxe sur les surfaces commerciales instituée par la loi du 13 juillet 1972 sont transférées aux communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le produit de cette dernière taxe vient en minoration de la compensation versée au sein de la dotation globale de fonctionnement au titre de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle. En outre, l’État a renoncé, à hauteur d’environ 1,8 Md€, à une partie des frais d’assiette, de recouvrement, de non-valeur et de dégrèvement qu’il percevait sur les impositions établies. Le transfert s’est opéré via un mécanisme de correction des taux d’imposition qui a augmenté d’autant le produit des impôts perçus par les collectivités. L’économie générale de la fiscalité des collectivités a été ainsi profondément modifiée. Aux trois taxes dites « ménages » 144 et à la fiscalité économique (taxe professionnelle) que se répartissaient les trois blocs de collectivités (à l’exception des régions, qui ne percevaient plus la taxe d’habitation depuis 2000), succède un régime où seul le bloc communal perçoit encore l’ensemble de la fiscalité directe locale. La CVAE est répartie entre les trois niveaux de collectivités, ainsi que les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (IFER) par catégorie. Les départements ne conservent du schéma de départ que la taxe foncière sur les propriétés bâties, les régions ne conservant aucun des impôts originels. Les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) institués par la loi de juillet 1975 ont été maintenus en 2010, la loi de finances pour 2010 prévoyant, pour les collectivités contributrices en 2009, un prélèvement en 2010 des ressources fiscales au même niveau que l’année précédente. À compter de 2011, l’abondement des FDPTP s’est fait par une dotation de l’État, pour un montant égal aux versements effectués en 2009. Cette dotation est figée à 418,46 M€ à compter de l’exercice 2012.
La mise en place de mécanismes de compensation
Malgré la fiscalité transférée et les réaménagements opérés, le moindre rendement attendu de la CET par rapport à l’ancienne taxe professionnelle a entraîné la création de deux mécanismes de compensation au profit des collectivités locales concernées. Le premier, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), relève du budget de l’État. Le second, le fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR) opère des compensations horizontales par catégorie de collectivités territoriales. La DCRTP, créée par l’article 78 de la loi de finances pour 2010, est un prélèvement sur les recettes de l’État destiné à compenser une partie des pertes subies par les collectivités « perdantes » à la réforme. Le mode de calcul est basé sur la comparaison des ressources qui auraient été perçues en 2010 si la réforme n’avait pas eu lieu avec les ressources dues au titre de 2010 compte tenu de la réforme.Au titre des ressources « avant réforme » sont pris en compte : le produit des « taxes ménages » perçues, augmenté de la compensationrelais perçue en 2010 145 , et corrigé des différentes compensations d’exonérations et prélèvements prévus. Au titre des ressources « après réforme » sont pris en compte : le produit des « taxes ménages » résultant de la multiplication des bases nettes de 2010 par le taux de référence 2010, augmenté des montants des nouvelles impositions perçues au titre de 2010 (selon la catégorie de collectivités : CVAE, CFE, IFER taxe « de stockage »), et corrigé des compensations d’exonération qui seraient intervenues si les dispositions effectives en 2011 l’avaient été dès 2010. La soustraction du panier de ressources après réforme au panier de ressources avant permet d’identifier les gains ou les pertes liées à la réforme. Aux termes de la loi, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle est la somme algébrique de ces gains et pertes par catégorie de collectivités. L’État l’abonde par prélèvement sur ses propres recettes et reverse la dotation aux collectivités perdantes au prorata des pertes constatées. Le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) 146 , réparti en trois fonds spécifiques à chaque catégorie de collectivités constitue un mécanisme de redistribution de deuxième niveau, destiné à assurer, pour la première année de mise en œuvre, la neutralité de la réforme pour chacune des collectivités concernées. Il intervient après versement des montants de DCRTP aux collectivités « perdantes ». Les pertes qui apparaissent encore pour certaines collectivités après intégration de la DCRTP dans leurs ressources sont comblées par des reversements correspondants de FNGIR. Le fonds est abondé par écrêtement des gains après réforme des collectivités « gagnantes ». L’opération est donc neutre pour l’État. La compensation s’établit selon un processus en deux temps : un premier versement de dotation budgétaire (DCRTP), déclenché à partir d’un certain seuil de perte, variable selon les catégories de collectivités ; ce versement s’effectue au prorata des pertes enregistrées. Le comblement des pertes subsistantes s’effectue par un prélèvement des gains après réforme des collectivités gagnantes, alimentant la garantie individuelle de ressources (GIR) reversée aux collectivités non encore intégralement compensées.