Les précurseurs homériques et les troupes comiques

Les précurseurs homériques et les troupes comiques

Selon Hegel, « La religion est le domaine dans lequel un peuple définit ce qu‟il considère comme vrai294 ». L‟homme homérique croyait en un monde rationnel où tout obéit aux lois de l‟ordre cosmique et sacré dont Zeus est le gardien. Pour cet homme, la présence des dieux est tout aussi certaine que l‟existence des choses et des actes est démontrée de façon indéniable. Dans divers passages de l‟Iliade et de l‟Odyssée, nous lisons que l‟apparition d‟un dieu ou d‟une déesse suscite étonnement et admiration. Il ne s‟agit pas de sentiments religieux devant le surnaturel mais de réactions devant le « beau ». Les belles femmes et les héros vigoureux sont admirés tandis que l‟armement exécuté avec art est également « merveilleux à voir ». Le mot « ζαπκάδεηλ » = admirer dérive du verbe « ζεάζζαη » = voir, tout comme les mots « ζεόο, ζεά, ζέα » et « ζέαηξν » = dieu, déesse, vue et théâtre. Ce sentiment d‟admiration est une caractéristique propre aux premiers Grecs. Ils admirent les personnes et les choses qui ne leur sont ni étrangères ni inconnues, mais qui sont plus belles et plus parfaites que celles de leur vie de tous les jours. Pour eux, les dieux sont plus beaux et plus parfaits qu‟eux-mêmes, car les dieux « ξεία δώνληεο », c‟est-à-dire mènent une vie douce et sans soucis. La vitalité particulière qui caractérise l‟existence des dieux est due à deux raisons. D‟abord, ils échappent à la tristesse et à l‟imperfection liées à la mort ; ensuite, – et c‟est peut-être la raison la plus importante Ŕ ils vivent une vie consciente parce qu‟ils connaissent le sens et le but de leurs actes, contrairement aux mortels. Les querelles, les contestations, les machinations et les déconvenues, les fêtes, les joies et les peines ne sont pas inconnues des dieux. Au contraire, elles rendent leur vie parfaites. Les dieux seraient morts s‟ils ne connaissaient pas la jalousie, l‟ambition, la victoire et la défaite, la colère, la joie et la peine295. Ainsi, le rire comme les bouffons des dieux ne pouvaient pas être absents de la vie quotidienne des Olympiens.

 Homère décrit le tour qu‟il joua à Apollon quelques heures après sa naissance : « Né au matin, il joua de la cithare au milieu du jour, et, le soir, il vola les bœufs de l’Archer Apollon. Et la vénérable Maïa l’enfanta le quatre du mois. Dès qu’il eut jailli du corps immortel de sa mère, il ne resta pas plus longtemps couché dans le berceau sacré ; mais, se levant, il chercha les bœufs d’Apollon. Puis, sortant de l’antre élevé, et, ayant trouvé une tortue, il posséda une richesse infinie. Certes, Hermès construisit le premier la tdmosortue sonore qui s’offrit à lui auprès des portes de la cour, paissant, devant la demeure, l’herbe fleurie, et marchant lentement.comme l‟inventeur de la lyre et de la flûte de Pan306. Quant à Priape, aux Satyres, au Vieux-Silène ou Papposilène, à Pan Ŕ tous fils d‟Hermès Ŕ ce sont des divinités qui, à cause de leur dimension carnavalesque et phallique, ont un rapport immédiat avec la comédie, les danses phalliques et les bouffons. Il y a encore une autre divinité, le dieu Momos (ou Momus) qui pour certains spécialistes, est lié aux mimes. D‟après Hésiode : « La Nuit les engendra seule, sans s’unir à aucune autre divinité. Ensuite elle fit naître Momus, et la cruelle Douleur307. » ( Théog. vers 213-214) Donc le fils de la Nuit était l‟incarnation de la dérision et de l‟ironie, de la moquerie et de la réprobation. C‟était le « bouffon de cour » des Dieux de l’Olympe. Le mythe dit que, quand les hommes devinrent nombreux, Zeus, face au problème de la surpopulation, demanda leur avis aux dieux. Alors Momos, fils de la Nuit, – pour certains fils de Thémis et d‟Hypnos, et pour d‟autres de père inconnu Ŕ lui conseilla de concevoir le projet d‟une grande guerre qui sera connue plus tard sous le nom de guerre de Troie. Momνs est représenté avec une apparence effrayante, tenant une marotte, symbole de la folie. Il vécut d‟abord sur l‟Olympe et il critiquait tous les dieux ainsi que leurs créations, leur trouvant toujours un défaut. D‟après la tradition, il s‟enfuit parce qu‟il ne put trouver le moindre excellent309. (Pl. Rép. I, 487 α) Le mythe raconté par Ésope est caractéristique : « Zeus, Prométhée et Athéna, ayant fait, l‟un un taureau, Prométhée un homme, et la déesse une maison, prirent Momos pour arbitre. Momos, jaloux de leurs ouvrages, commença par dire que Zeus avait fait une bévue en ne mettant pas les yeux du taureau sur ses cornes, afin qu‟il vît où il frappait, et Prométhée aussi en ne suspendant pas dehors le cœur de l‟homme, afin que la méchanceté ne restât pas cachée et que chacun laissât voir ce qu‟il a dans l‟esprit. Quant à Athéna, il dit qu‟elle aurait dû mettre sur roues sa maison, afin que, si un méchant s‟établissait dans le voisinage, on pût se déplacer facilement. Zeus indigné de sa jalousie, le chassa de l‟Olympe.

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