les pratiques culturelles des Français.
Alors que nombre d’augures prévoyaient un repliement général des pratiques sur un espace privé saturé d’écrans de toutes sortes, les enquêtes montrent au contraire que les lieux publics (théâtres, cinémas, manifestations artistiques, etc.) connaissent une fréquentation de plus en plus grande. Tandis que la télévision est de moins en moins l’occasion d’un partage familial et se voit pratiquée individuellement à la carte, au contraire, salles obscures, concerts, sont vécus comme des lieux de partage, voire comme de grandes messes d’émotion partagées collectivement. Jacques Ion, S’engager dans une société d’individus, A Colin, Coll. Individu et société, 2012. NB : cet extrait s’appuie sur l’enquête « Pratiques culturelles », données 2008, DEPS, ministère de la culture, 2011. Pour en savoir plus : http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/08resultat.php Rappels sur l’intégration (cours de 1ère sur l’Etat-providence et la cohésion sociale) • Cohésion sociale : situation où les liens sociaux sont forts, où les individus ont un sentiment fort d’appartenir à la société. La cohésion sociale est assurée par les liens qui relient les individus entre eux, la cohésion sociale = lien social fort = ce qui permet de vivre ensemble, sentiment d’appartenance à la société, d’être intégré. La cohésion sociale est assurée par trois types de liens : liens communautaires (famille, voisinage, religion, parti politique, réseaux), liens marchands, liens politiques. • Liens sociaux : relations économiques (marchandes), politiques (citoyenneté), interindividuelles (sociabilité) qu’entretient un individu avec les autres membres d’un groupe social. • Anomie : absence de règles, relâchement des normes, situation dans laquelle les normes sont inexistantes ou contradictoires de sorte que l’individu ne sait plus comment orienter sa conduite, perd ses repères. • Désaffiliation : selon Robert Castel, le parcours des exclus consiste à traverser trois zones (de plus en plus perméables) : la zone d’intégration se caractérisant par l’association « travail stable-insertion relationnelle solide » (liens sociaux solides et multiples), la zone de vulnérabilité : précarité du travail et « fragilité des supports de proximité » (mais la précarité du travail peut être compensée par une relative insertion dans le cercle familial), zone de désaffiliation : absence de participation à toute activité productive, sociale, isolement relationnel = exclusion, repli sur soi. Dans la dernière zone, se trouvent les individus que Castel qualifie de « vaincus ». • Disqualification : pour Serge Paugam, la disqualification sociale est un processus qui comprend 3 phases : La fragilité : les difficultés sont essentiellement dues à la dégradation du marché du travail. Naissent des personnes fragiles. La dépendance : les personnes fragiles deviennent alors des assistées (même si dans un premier temps elles peuvent rejeter ce statut). La rupture les personnes deviennent des marginaux. Le cumul de handicaps engendre une forte marginalisation. Ces concepts de désaffiliation et de disqualification correspondent à l’idée que l’exclusion est un cumul de handicaps, de ruptures de liens sociaux. L’exclusion n’est pas seulement due à une rupture avec le monde du travail, s’y ajoutent la rupture avec la famille, les amis (réseau de sociabilité). • Intégration : processus par lequel un individu devient membre d’un groupe social grâce à l’établissement de liens sociaux. Quelqu’un qui est intégré, c’est une personne qui partage des normes et des valeurs d’un groupe social. Plan et dossier documentaire du cours de terminale I / Comment les formes de solidarité évoluent-elles ? A / La thèse d’E Durkheim : de la solidarité mécanique à la solidarité organique Document 1 : les deux formes de solidarité selon Emile Durkheim (1858-1917) La question initiale de la sociologie selon Durkheim est celle du lien social : comment les hommes forment-ils ensemble une société ? Sous différentes formes, cette question traverse toute son œuvre. Dans sa thèse De la division du travail social, il pose le problème de la transformation des formes du lien social quand on passe des sociétés traditionnelles aux sociétés industrialisées et s’interroge sur les possibilités de concilier l’autonomie de l’individu et la cohésion sociale dans les sociétés contemporaines. […] Les deux formes du lien social : solidarité mécanique et solidarité organique La solidarité mécanique est dominée par la primauté de la conscience collective définie comme « l’ensemble des croyances et de sentiments communs à la moyenne des membres d’une même société ». Dans les sociétés à solidarité mécanique, les individus ont des pratiques similaires et partagent les mêmes valeurs, croyances et sentiments. Dans ce type de société, la conscience collective est maximale et la conscience individuelle réduite à presque rien. La solidarité est maintenue par la sanction pénale qui exprime la réaction de la collectivité contre quiconque offense les sentiments collectifs. L’individu est donc soumis à une forte pression du groupe et ne peut développer une personnalité propre. La solidarité organique repose sur la division du travail qui rend les hommes économiquement dépendants les uns des autres. La conscience collective devient plus indéterminée et laisse plus de place aux variations individuelles. […] Cependant, si la conscience collective s’altère, les individus restent soumis à des systèmes de normes et valeurs communes dans chacun des groupes particuliers auxquels ils appartiennent. Simplement, ces règles n’ont pas la même force et n’exercent pas la même contrainte que celles nées de la conscience collective. H Mendras, J Etienne (dir.), Les grands auteurs de la sociologie, Hatier, coll. Initial, 1996.
la solidarité organique.
Il faut donc que la conscience collective laisse découverte une partie de la conscience individuelle, pour que s’y établissent ces fonctions spéciales qu’elle ne peut pas réglementer ; et plus cette région est étendue, plus est forte la cohésion qui résulte de cette solidarité. En effet, d’une part, chacun dépend d’autant plus étroitement de la société que le travail est plus divisé, et, d’autre part, l’activité de chacun est d’autant plus personnelle qu’elle est plus spécialisée. Sans doute, si circonscrite qu’elle soit, elle n’est jamais complètement originale ; même dans l’exercice de notre profession, nous nous conformons à des usages, à des pratiques qui nous sont communes avec toute notre corporation. Mais, même dans ce cas, le joug que nous subissons est autrement moins lourd que quand la société tout entière pèse sur nous, et il laisse bien plus de place au libre jeu de notre initiative. Ici donc, l’individualité du tout s’accroît en même temps que celle des parties ; la société devient plus capable de se mouvoir avec ensemble, en même temps que chacun de ses éléments a plus de mouvements propres. Cette solidarité ressemble à celle que l’on observe chez les animaux supérieurs. Chaque organe, en effet, y a sa physionomie spéciale, son autonomie, et pourtant l’unité de l’organisme est d’autant plus grande que cette individuation des parties est plus marquée. En raison de cette analogie, nous proposons d’appeler organique la solidarité qui est due à la division du travail. E Durkheim, De la division du travail social, PUF 1991 (1893). Questions sur le document 2 : 1 / Expliquez le premier passage souligné (lignes 3 à 5). 2 / Expliquez le deuxième passage souligné (lignes 13-14). 3 / Pourquoi Durkheim qualifie-t-il d’organique la solidarité dans les sociétés modernes ? Questions de synthèse des documents 1 et 2 : 1 / Quelles sont les formes de solidarité selon E Durkheim ? 2 / Complétez le tableau suivant : Sociétés traditionnelles, primitives, segmentées Sociétés modernes, différenciées Solidarité Division du travail Echanges Conscience collective Conscience individuelle Droit Documents complémentaires pour synthétiser la thèse de Durkheim : Document a) : les deux formes de solidarité selon Durkheim Nature de la société Individuation(1) Rapport de l’individu au groupe Type de solidarité Ensemble organisé de croyances et de sentiments communs Faible Direct Mécanique Système de fonctions spéciales unies par des rapports définis Forte Indirect par l’intermédiaire de groupes spécialisés Organique P. Steiner, La sociologie de Durkheim, La Découverte, coll. Repères, 1998. (1) : L’individuation signifie que l’individu est de plus en plus autonome dans sa manière de penser et d’agir. Sa personnalité se développe. Document b) : la conception durkheimienne de la solidarité mécanique et de la solidarité organique Fonction Fondements Liens entre les individus Conscience collective Système juridique Solidarité mécanique (caractéristique des sociétés traditionnelles) Intégration sociale 1 Homogénéité Valeurs et croyances partagées Nombreux rituels Similitudes des individus et de leurs fonctions Forte Existence commandée par des impératifs et des interdits sociaux Droit répressif Sanction des fautes et des crimes Solidarité organique (caractéristique des sociétés modernes) Intégration sociale 1 Diversité Valeurs et croyances distinctes Interdépendance comme effet de la division du travail Différenciation des individus et complémentarité des fonctions Pluralité des liens sociaux et variation de leur intensité selon les individus Faible et en déclin Marge d’interprétation plus étendue aux impératifs sociaux Droit restitutif ou coopératif Le but est de réparer les fautes et de favoriser la coopération entre les individus 1 : au double sens d’intégration des individus à la société et d’intégration de la société. S. Paugam, Le lien social, PUF, coll. Que sais-je ?, 2009. B / De nouveaux liens dans des sociétés où s’affirment le primat de l’individu 1 / L’affirmation du primat de l’individu Document 3 : les deux versions de l’individualisme (bac) Le thème de l’individualisme peut être compris de deux manières, l’une pessimiste, l’autre optimiste. La version pessimiste, se représentant l’individualisme essentiellement sous sa forme particulariste, impute l’affaiblissement du lien social et du sens de la solidarité au déclin de l’adhésion aux valeurs transcendantes1. La montée de l’individualisme évoque alors la diffusion d’une conception de la liberté assimilée au principe du chacun pour soi, entraînant la perte du respect des règles sociales et un déclin de préoccupations altruistes2. La version optimiste, qui correspond à la variante universaliste de l’individualisme, voit au contraire dans le déclin de la transcendance un progrès de la liberté de choix des individus et un progrès de la reconnaissance de leur égalité en valeur et en dignité, dans le cadre de vie en commun s’appliquant à tous. E Schweisguth, « La montée des valeurs individualistes », L’évolution des valeurs des Européens, Futuribles, n ° spécial, juillet-août 1995. 1 : valeurs transcendantes : valeurs dont la légitimité est fondée sur un ordre de choses réputé supérieur aux consciences individuelles. 2 : altruisme : disposition à s’intéresser et à se dévouer à autrui. Question : 1 / Quelles sont les deux conceptions de l’individualisme ? Illustrez-les par des exemples (pensez par exemple au mariage). Autre document sur ce thème : Chacun est autonome, pense librement, sans dépendance à des autorités supérieures, mais est invité à se préoccuper d’autrui. […] Dans les principaux domaines de la vie, les individus veulent faire des choix personnels et originaux, par rapport à toutes les appartenances assignées. Le slogan qui pourrait le mieux résumer ce mouvement serait « A chacun son choix ». On peut distinguer de ce processus l’individualisme en tant que volonté de toujours choisir ce qui maximise le plaisir ou l’intérêt matériel de l’individu. Selon ce critère, le slogan de l’individualiste serait très différent du premier, se résumant à un « Chacun pour soi ». L’individualisation ne remet pas clairement en cause le lien social puisque l’individu peut choisir de s’identifier à des collectifs ou chercher sa réalisation personnelle dans des liens sociaux solidaires. Par contre, l’individualisme utilitaire, calculateur, égoïste semble peu compatible avec les solidarités sociales. Le chacun pour soi tend à exclure les autres.
Le fait que les individus contemporains soient « individualisés » ne signifie pas qu’ils aiment être seuls, que leur rêve soit la solitude. Il veut dire que ces individus apprécient d’avoir plusieurs appartenances pour ne pas être liés par un lien unique. Pour l’exprimer schématiquement, le lien social serait composé de fils moins solides que les fils antérieurs, mais il en comprendrait nettement plus. […] Le refus de l’enfermement est une des caractéristiques du fonctionnement des sociétés modernes. Le lien ne doit pas être une attache fixe. Il doit rassurer par son existence même. Il doit, aussi par sa souplesse et sa réversibilité, permettre l’affirmation d’un soi indépendant et autonome. […] L’appartenance n’est pas supprimée dans la société moderne ; elle est transformée, idéalement, en une appartenance choisie. […] Ce n’est pas le désengagement permanent qui importe, c’est la possibilité de désengagement qui compte. […] Le sujet moderne balance entre le désengagement et l’engagement, entre l’attachement et le détachement. […] Bref, le désengagement comme affirmation de soi ne conduit ni à un désengagement permanent, ni à l’absence de tout attachement. L’instabilité est inhérente1 à la modernité, elle ne suffit pas à la définir. Le désengagement nécessaire ne supprime ni le besoin de la « vie commune » (T. Todorov, 1997), ni l’énergie sociale de refaire des relations. Cependant, dans certaines conditions, il peut aussi produire des individus désengagés qui ne parviennent plus à re-nouer des nouveaux liens, qui ne peuvent plus s’intégrer (S Paugam, 1993). C’est la face négative de l’individualisme. […] L’appartenance à une communauté inventée est réversible, les individus ne sont pas figés dans une identité. […] En devenant « la cellule de base de la société », l’individu est d’abord défini par sa liberté, par la reconnaissance sociale de son droit à appartenir et désappartenir à tels ou tels groupes. Le seul lien incontestable qu’il a avec les autres individus est, à ce niveau, leur commune humanité. […]Les engagements contractuels de l’individu individualisé lui laissent la possibilité de rompre d’anciens engagements non choisis, ou devenus non satisfaisants. François de Singly, Les uns avec les autres, Quand l’individualisme crée du lien, Fayard/Pluriel, 2010. 1. Inhérente à : liée à, caractéristique de. Questions : 1 / Quelles sont les caractéristiques des individus dans les sociétés modernes ? 2 / Montrez que ce document évoque les deux versions de l’individualisme. 3 / Illustrez le passage souligné avec des exemples (transition vers le paragraphe suivant du cours) Document complémentaire : Si l’individu reste évidemment un être social qui n’existe pas indépendamment du monde qui l’entoure, la façon dont il se trouve socialement défini se transforme. Du fait notamment de l’accroissement des mobilités géographiques et professionnelles, il s’avère de moins ne moins inséré dans des systèmes d’appartenance (ethnies, religions, villages ou quartiers, etc.) ou dans des corps intermédiaires (familles, corporations, etc.) Conduit à assumer en quelque sorte successivement, voire simultanément, plusieurs vies (professionnelle, familiale), il acquiert forcément une relative indépendance vis-à-vis de ses multiples appartenances. Beaucoup de ces appartenances se font en fait à travers la médiation d’institutions. L’individu apparaît comme de moins en moins définissable seulement par son statut dans ces différentes institutions qui participent à son existence sociale, que ce soit la famille, la nation, l’église, l’entreprise ou l’école. Jacques Ion, S’engager dans une société d’individus, A Colin, Coll. Individu et société, 2012. Questions : 1 / Comment l’auteur explique-t-il l’individuation ? (Ressemblance avec la thèse de Durkheim ?) 2 / Expliquez le passage souligné. 3 /… mais continuant à partager des croyances et valeurs communes Document 5 : la solidarité mécanique existe toujours On observe que le nombre de liens sociaux contemporains entretenus par des groupes, des mouvements ou des institutions conservent des dimensions relevant de la solidarité mécanique. Des communautés basées sur la coutume locale, la langue ou l’appartenance ethnique certains nouveaux mouvements sociaux défendant un style de vie particulier ou encore des mouvements religieux ou spirituels, plus ou moins rattachés à la tradition, continuent de rassembler les individus autour de croyances et de valeurs partagées. Ils manifestent une forte capacité d’intégration et exercent une socialisation dont les effets sont perceptibles sur les identités individuelles. Les liens qu’ils tissent, fondés sur la similitude et la proximité d’origine (l’ethnie), de lieu (régionalisme et coutumes), de croyances (groupes religieux ou spirituels), de culture (style de vie) ou de valeurs (causes à défendre), apparaissent caractéristiques de la solidarité mécanique. Source : fiche éduscol Questions : 1 / Quels sont les exemples de groupes, mouvements ou institutions cités dans ce document ? 2 / En quoi ces exemples témoignent-ils du maintien de la solidarité mécanique ? Document 6 : Taux d’adhésion selon l’âge et le sexe pour certains types d’associations en 2008, en % Ensemble Action sanitaire et sociale ou humanitaire et caritative Sport Culture Loisirs Défense de droits et d’intérêts communs Clubs de 3e âge, de loisirs pour personnes âgées* Syndicat, groupement professionnel** Sexe Hommes Femmes Âge 16-24 ans 25-39 ans 40-59 ans 60 -74 ans 75 ans et + Ensemble Champs : France métropolitaine, *personnes dont l’âge est strictement supérieur à 59 ans ; ** personnes occupant un emploi, chômeurs et retraités. Source : Insee, Enquête SRCV-SILC 2008, in INSEE première n° 1327, décembre 2010. Questions : 1 / Quelles sont les associations correspondant à un engagement altruiste ? 2 / Illustrez par des exemples les valeurs et croyances communes qui peuvent être partagées dans des associations telles que les associations sportives, les syndicats.