Enrichir les Parcours Éducatifs
Les quatre parcours éducatifs (Avenir, de Santé, d’Éducation artistique et culturelle, Citoyen) mis en place théoriquement depuis la rentrée 2015 ont pour objectif de donner à l’élève la possibilité de garder une trace de ce qu’il a accompli et appris durant sa scolarité grâce à l’outil numérique Folios. Ces parcours doivent faire le lien entre ce qui fait l’objet d’une programmation suivant l’organisation pédagogique des établissements et l’expérience personnelle de l’élève vécue sur son temps scolaire, périscolaire ou extrascolaire. Nous pensons que ce cadre institutionnel peut nous aider à construire une programmation renouvelable d’année en année qui donnerait à chaque fois une orientation à l’accueil des élèves et pourrait participer à la construction d’une politique d’accueil. Cette programmation, pensée en priorité avec nos partenaires de la Vie Scolaire et nos collègues de discipline, s’inspirerait desprogrammations culturelles des bibliothèques publiques et s’appuierait sur desobjectifs du Socle commun de connaissances, compétences et de culture, ce dernier étant la référence pour la mise en œuvre des parcours éducatifs. Elle seraitcomplémentaire aux actions menées en cours ou dans le cadre du CVC par exemple. Nous avons pu constater que la question de la mise en œuvre des parcours éducatifs est absente de nos établissements. Le recours à l’outil en ligne Folios est donc inconnu de nos élèves alors même qu’il nous semble être un outil pertinent et performant pour promouvoir l’interdisciplinarité et développer l’autonomie des élèves, ainsi que pour faire le lien entre l’école et le monde extérieur. Apprendre aux élèves à s’ouvrir à la complexité, à la diversité et à la richesse du monde est une des missions du professeur-documentaliste et de tous les enseignants. Philippe Meirieu dans son manifeste “Le plaisir d’apprendre”, nous rappelle qu’accompagner l’élève dans la réalisation de son “chef d’œuvre”, l’aider à devenir l’auteur de sa Vie Scolaire et citoyenne, est un objectif central que l’école doit se donner. Les parcours éducatifs nous semblent être un moyen pour accomplir cette “pédagogie du chef d’œuvre” dont parle le pédagogue français.
Notre place particulière au sein de l’établissement, en tant que professeur à l’identité multiple et en tant que gestionnaire d’un lieu, à la fois refuge et porte ouverte sur le monde grâce aux ressources proposées, est donc une chance à saisir afin de s’emparer de ces parcours qui sont pour l’instant peu souvent exploités. C’est déjà à cette notion de parcours que faisait allusion J.P. Veran (IA-IPR EVS) en 2015 lorsqu’il déclarait dans une interview pour Savoirs-CDI :
Parce qu’il n’est pas un professeur de discipline, [le professeur-documentaliste] propose aux élèves non des cours, mais des parcours, dans lesquels ils sont plus actifs, et acquièrent de l’autonomie, goûtent le plaisir de prendre des initiatives. (Loup, 2015)
Etablir des partenariats
Au regard de nos expériences dans nos établissements scolaires, nous avons pu constater l’impact positif des partenariats dans la mise en place de dispositifs d’accueil de qualité. Outre les partenariats avec les professeurs de disciplines lors de séances pédagogiques dispensées sur les heures de cours, il nous semble primordial d’établir des partenariats avec les structures culturelles locales, voire qui consiste à échanger des connaissances contre des notes (2008). Laura Atlan, Céline Lomidzé, Alexandra Tesorini 52régionales ou nationales d’une part, et avec le service de Vie Scolaire et l’équipe de direction d’autre part.
Les partenaires culturels
Les partenaires culturels (centres d’art, conservatoires, archives, médiathèques, institut de l’image, musée d’histoire naturelle…), sont des acteurs incontournables dela vie culturelle. Ils sont à même d’apporter une expertise dans leurs domainesrespectifs, de prêter des expositions, des ouvrages, de proposer des dispositifs demédiation (c’est le cas, par exemple, du FRAC PACA qui propose des “valises” pédagogiques). Des intervenants peuvent réaliser des conférences ou des ateliersen milieu scolaire, offrant une aide précieuse au professeur-documentaliste. L’apportde ces partenaires est donc matériel (œuvres, expositions…) mais aussi pédagogique (médiations). De tels partenariats avec des structures culturelles contribuent à mener à bien l’une des missions du professeur-documentaliste : participer à l’ouverture de l’établissement sur son environnement39. Ce faisant ceséchanges fructueux contribuent à l’élargissement de l’univers culturel des élèves. Lanécessité d’établir des partenariats constructifs au moment de la programmation culturelle des établissements est soulignée par Emmanuèle Payen dans son article consacré à l’action culturelle en bibliothèque. Les partenariats avec les intervenants extérieurs “témoignent de la capacité d’ouverture de l’établissement vers d’autres structures, de nouveaux savoir-faire, d’autres cultures professionnelles et d’autres organisations” (Payen, 2016). En milieu scolaire, la DAAC constitue un acteur incontournable. Chargée de diffuser l’information sur les ressources et les dispositifs culturels auprès des équipes pédagogiques et des personnels d’encadrement, elle facilite également “la mise en relation des établissements scolaires avec lespartenaires professionnels ou institutionnels qui interviennent dans les différents champs culturels, artistiques et scientifiques”40. Ce service du rectorat est ainsi uninterlocuteur privilégié, et le recours à ses services nous semble un moyen de réaliser despartenariats fructueux. Si nous avons mis en place certains partenariatsavec des institutions culturelles (artothèque, bibliothèque), l’analyse de nos pratiquesà mis en exergue la nécessité de renforcer et d’anticiper ce type de collaboration.
L’équipe Vie Scolaire, un partenaire incontournable
Mais l’organisation du temps et des espaces d’accueil ne peut faire l’économie d’un autre type de partenariat, en interne : la collaboration entre le professeur documentaliste et la VieScolaire. Le Conseiller Principal d’Éducation et les Assistants d’Éducation sont les premiers interlocuteurs du professeur-documentaliste dans l’organisation de la prise en charge des élèves hors temps de cours, ces derniers devant être répartis dans divers lieux dont le CDI fait partie, sous la responsabilité de divers adultes. Comme leur titre l’indique (CPE, AED), les personnels de Vie Scolaires sont des éducateurs dont les missions vont bien au-delà de la surveillance, de l’application de sanctions ou de la gestion des absences. On sait à quel point un manque de réelle collaboration entre CPE et professeurdocumentaliste peut s’avérer source d’incompréhension, de conflits ou de frustration. Pourtant, échanger sur nos objectifs et nos contraintes respectives peut amener à une compréhension mutuelle, à des accords, à l’élaboration d’actions communes et,in fine, à la mise en place d’un dispositif d’accueil, voire d’une politique d’accueil, qui soit source de bien-être et d’enrichissement personnel à la fois pour les personnels d’éducation et pour les élèves (l’un n’allant d’ailleurs pas sans l’autre, comme nous le verrons lorsque nous parlerons du climat scolaire), et qui donne “un sens éducatif à ces temps suspendus” (Tuchais in Loup, 2015). Denis Tuchais, professeurdocumentaliste, témoigne des répercussions positives qui résultent de la concertation sur les aspects inhérents à l’accueil des élèves, comme les planningsd’occupation des lieux, les actions éducatives, ou encore le suivi des élèves. Un accueil qui, pour être “pertinent”, doit “être pensé au niveau de l’établissement donc avec la direction, les CPE et le service de la Vie Scolaire” (Tuchais, id). Dans sonétablissement, le partenariat vie-scolaire/professeur-documentaliste a abouti à la mise en place d’activités et d’ateliers pour des groupes d’élèves ciblés en fonction de Laura Atlan, Céline Lomidzé, Alexandra Tesorini 54 leur emploi du temps, sous la responsabilité de différents personnels d’éducation (qu’il s’agisse d’assistants d’éducation ou du professeur-documentaliste). Les assistants d’éducation proposent des activités qui intéressent les élèves, leur permettent de mieux réussir au collège, favorisent un climat apaisé (ateliers dessin, informatique, cinéma, aide aux devoirs, jeux en ligne, jeux de société). Grâce à cette organisation, le CDI est utilisé même si le professeur-documentaliste n’est pasphysiquement présent. Une distinction est donc opérée entre l’activité du professeur documentaliste et l’activité du CDI “qui peut fonctionner sans sa présence mais soussa responsabilité en la déléguant aux assistants d’éducation ou pédagogiquesprésents” (Tuchais, id). Si l’assistant d’éducation joue alors un vrai rôle, cela permet aussi de libérer le professeur-documentaliste qui peut se consacrer à la constructionde séquences pédagogiques, et contribue aussi au sentiment de bien-être desélèves et à leur éducation. Il semble donc que tous les acteurs de la communauté éducative aient à gagner de ce type de collaboration. Dans l’un de nos établissements, le partenariat avec la CPE s’est avéré constructif, et a permisd’anticiper les flux d’élèves, de mettre en place des actions ciblant des classes ayant des heures libres inscrites dans leur emploi du temps. Par ailleurs, un chariot de livres a été installé en salle de permanence41, et les élèves comme les AED ont apprécié d’avoir de la lecture à disposition. Cependant, la tentative de collaborationavec les AED s’est révélée infructueuse, qu’il s’agisse de projection de films ou de lamise en place d’ateliers. Le manque d’implication de ces derniers est dû, à n’en pasdouter, au fait qu’ils n’aient pas été impliqués dans le choix des activités mais plutôtsollicités comme “exécutants”, et qu’il n’y ait pas eu de temps de concertation. Il semble donc impératif de programmer des concertations en début d’année scolaire afin que chacun puisse s’approprier les objectifs éducatifs liés au temps d’accueil et être source de propositions concrètes. Cet impératif est d’autant plus crucial qu’il concerne également les usages d’Internet : dans l’un de nos établissements, les élèves ont parfois accès à la salle multimédia pendant leur temps libre, sous la surveillance d’un AED. Si la charte informatique est globalement respectée, l’usage du Web et des ressources numériques, les incitations et les interdits diffèrent largement de ce qui est préconisé et appliqué par le professeur-documentaliste. Il regrettable que les AED n’aient pas plus été impliqués dans l’appropriation par les élèves des ressources numériques agrégées par la professeur-documentaliste, ou qu’ils n’aient pas incité les élèves à réaliser des productions numériques.
La collaboration entre professeurs-documentalistes et personnels de Vie Scolaire a fait l’objet de différents séminaires et rencontres, avec des thématiques proches de celles qui nous intéressent : “Comment les documentalistes et les C.P.E. peuvent-ils améliorer ensemble les conditions d’accueil et de travail des élèves ?”42 ou encore “Cpe-Prof Doc : de la collaboration à la co-élaboration de situations d’apprentissage protéiformes”43. Ces rencontres ont pour objectif d’élaborer des » outils pour cette gestion du temps hors la classe de l’élève qui est un temps fort d’apprentissage pour les élèves « .
Accueil et amélioration du climat scolaire
Aménager le temps d’accueil au CDI en partenariat avec la Vie Scolaire, c’est aussi participer à l’amélioration du climat scolaire, notamment grâce au sentiment de bien être à l’école. L’établissement d’un climat scolaire épanouissant pour l’élève nous semble primordial, d’une part parce que la relation entre le climat scolaire positif et la réussite des élèves a été bien établie internationalement (Cohen, 2006), mais, audelà, parce qu’il en va du bien-être et du développement personnel des élèves45.
La qualité de la Vie Scolaire des élèves n’est pas seulement façonnée par le fait de se sentir ou non en sécurité : l’engagement, la motivation, le plaisir comptent également. Le climat scolaire reflète le jugement qu’ont les parents, les éducateurs et les élèves de leur expérience de la vie et du travail au sein de l’école. Pour autant il ne s’agit pas d’une simple perception individuelle. Cette notion de » climat » repose sur une expérience subjective de la Vie Scolaire qui prend en compte non pas l’individu mais l’école en tant que groupe large et les différents groupes sociaux au sein de l’école.
Politique d’accueil / Politique documentaire
Impulser une politique d’accueil suppose, comme nous l’avons vu, de nouer des partenariats et de collaborer avec nos collègues afin de proposer à l’ensemble de la communauté éducative une vision cohérente et des objectifs précis quant à l’accueil réservé aux élèves sur leur temps libre. La notion d’accueil apparaît comme partie intégrante de la politique documentaire que les professeurs-documentalistes sont appelés à mettre en œuvre dans les établissements scolaires48. Dans les textes institutionnels qui encadrent notre pratique professionnelle (référentiel des métiers du professorat de 2013 et circulaire de missions des professeurs-documentalistes de 2017), il est question de “l’accueil pédagogique”49 des élèves, “d’accueil et d’accompagnement des publics”50 en lien avec la politique documentaire, mais jamais l’appellation “politique d’accueil” n’est employée. Dominique Terrien, IA-IPR EVS de l’académie d’Aix Marseille a proposé un document de cadrage lors d’une réunion de bassin dans l’académie d’Aix Marseille51, dans lequel le terme de “politique d’accueil” apparaît en tant que composante de la politique documentaire qui représente elle-même un volet du projet d’établissement. Si nous partageons la définition qu’en fait Dominique Terrien (à savoir l’« articulation du CDI et des autres espaces de l’établissement en ce qui concerne le travail personnel de l’élève, la diffusion et la valorisation de l’information et des productions »), nous avons davantage développé dans ce mémoire l’aspect ouverture et médiation culturelle, sans toutefois nier l’importance que nous devons accorder à l’accompagnement du travail personnel de l’élève.