Les phénomènes océanographiques à l’origine de l’hétérogénéité spatiale et temporelle biologique

Les phénomènes océanographiques à l’origine de l’hétérogénéité spatiale et temporelle biologique

La réponse biologique (production primaire) aux phénomènes océanographiques à différentes échelles

La production et la distribution biologique sont modulées par de nombreux processus physiques et biogéochimiques (e.g. Kaiser et al. 2005). La colonne d’eau présente des gradients verticaux en température, en densité, en nutriments et en lumière. Il en résulte globalement une stratification de l’océan avec les eaux les moins denses à la surface. Ces eaux correspondent généralement à une couche de surface éclairée (euphotique) chaude et peu salée avec de faibles concentrations en nutriments. Les eaux denses profondes sont plus froides, plus salées, et riches en nutriments. La production primaire est conditionnée par la quantité de lumière (e.g. Marra 1978) et de nutriments disponibles (e.g. Dugdale & Wilkerson 1992).

Par conséquent, les phénomènes à l’origine d’un mélange ou d’un apport de nutriments en surface contribuent à créer des conditions favorables à l’augmentation de la production primaire (e.g. Eppley & Peterson 1979, Longhurst & Harrison 1989). Les écosystèmes productifs, saisonniers ou permanents, sont basés sur ce principe d’injection plus ou moins continu d’éléments nutritifs dans la couche euphotique (e.g. Carr & Kearns 2003). La variabilité spatio-temporelle de la production primaire est induite par des phénomènes se produisant à différentes échelles. La figure 1.4 montre l’étendue des échelles spatiales et temporelles des phénomènes océanographiques, de l’échelle locale à l’échelle globale. Elle met également en évidence l’inter-liaison des échelles spatiales et temporelles pour l’ensemble des processus océanographiques. Les phénomènes océanographiques à l’origine de l’hétérogénéité spatiale et temporelle biologique. Chapitre I Introduction 10 0.3 -10 km day – week 10 – 300 km week – months Fig. 1.4. Echelles temporelles et spatiales des principaux phénomènes océanographiques.

A l’échelle d’un bassin océanique (exemple de l’Océan Atlantique en figure 1.5), la distribution de la production primaire est influencée par la circulation globale forcée par les systèmes de vents (pompage d’Ekman) (Yoder et al. 1993). Ce transport d’Ekman se traduit par des mouvements verticaux des masses d’eau à grande échelle, composés de remontées d’eau profonde (upwelling) au niveau des circuits subpolaires, à l’équateur et sur le bord Est des bassins, et d’un enfoncement des couches superficielles (downwelling) au niveau des circuits subtropicales. Par conséquent, les zones d’upwellings apparaissent globalement productives, alors qu’à l’opposé, les zones de downwellings sont signées par une faible production (oligotrophe). Une forte discontinuité de la production se distingue au niveau des fronts. Les fronts sont créés par la confrontation des masses d’eau présentant des caractéristiques physiques différentes. De telles discontinuités de grandes échelles sont observées au niveau du Gulf Stream ou encore au niveau des fronts circum-Antarctique de l’Océan Austral (Park et al. 1993, Belkin & Gordon 1996, Moore et al. 1999). Ces fronts correspondent à la frontière entre les eaux polaires et les eaux tempérées et présentent un fort contraste de production primaire révélé par les images satellites de couleur de l’eau à haute résolution (Fig. 1.5 et 1.6).

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Les processus (sub)mésoéchelle et la production primaire

Afin de comprendre comment les structures tourbillonnaires peuvent créer des conditions favorables à l’acquisition des ressources par les prédateurs, il est d’abord nécessaire de définir ces structures et de comprendre leur dynamique. L’imagerie satellitaire, les mesures in situ (e.g. les campagnes océanographiques POMME, ELISA, EDDIES, E-Flux et CROZEX, etc.) et les modèles numériques ont montré de façon concordante l’influence des tourbillons mésoéchelle sur la production des écosystèmes pélagiques (e.g. Taupier-Letage et al. 2003, Lévy et al. 2005, Benitez-Nelson & McGillicuddy 2008). L’amplitude de la  variabilité spatio-temporelle biologique associée aux tourbillons mésoéchelle (Fig. 1.5, e-f) peut être du même ordre de grandeur que celle observée pendant le cycle saisonnier (Fig. 1.5, b à d). Cette amplitude est également comparable à celle observée à grande échelle spatiale, par exemple à l’échelle d’un bassin océanique présentant simultanément des régions productives et des régions oligotrophes (Fig. 1.5, a).

Les tourbillons en domaine océanique ou côtier sont issus de l’amplification et du détachement des méandres, créés par l’instabilité des courants. D’autres mécanismes de formation de tourbillons peuvent se produire à différentes échelles. C’est notamment le cas des tourbillons forcés par la topographie (Tintoré et al. 1991, Aristegui et al. 1994, Pichevin & Nof 1996, Bidigare et al. 2003). Deux types de tourbillons sont distingués. Les tourbillons anticycloniques (dans le sens horaire dans l’hémisphère Nord, et anti-horaire dans l’hémisphère Sud) sont caractérisés par un centre chaud associé à une épaisseur accrue des eaux de surface (dépression centrale des isopycnes). A l’inverse, les tourbillons cycloniques (sens anti-horaire dans l’hémisphère Nord, et horaire dans l’hémisphère Sud) présentent un centre froid associé à une remontée d’eau (isopycnes formant un dôme central). Selon les principes de la photosynthèse évoqués précédemment, les tourbillons cycloniques sont potentiellement les plus favorables pour stimuler la production biologique. Cette stimulation fait suite à la remontée de la nutricline dans la couche euphotique par un mouvement ascendant (upwelling, Fig. 1.7 tiré de McGillicuddy et al. 1998).

De plus, la remontée des isopycnes dans la région centrale d’un tourbillon cyclonique permet de maintenir une couche de mélange peu épaisse. Cette stratification peu profonde est susceptible d’être facilement détruite lors de coups de vents modérés, permettant ainsi de réinjecter des sels nutritifs par mélange vertical dans la couche euphotique. Au centre des tourbillons anticycloniques, l’enfoncement des isopycnes va avoir tendance à maintenir la nutricline au niveau inférieur de la couche euphotique. Un tourbillon anticyclonique sera donc en général peu productif. En revanche, la périphérie du tourbillon anticyclonique est souvent caractérisée par une structure frontale liée à l’inclinaison des isopycnes. Il en résulte un mélange et un transport d’eau le long, ou à travers, des isopycnes (Woods 1977). L’interaction des tourbillons peut également créer localement des mouvements verticaux propices au mélange et à la stimulation biologique (e.g. McGillicuddy et al. 1998, Taupier-Letage et al. 2003).

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