Les phases importantes de l’urbanisation de Dakar et la politique d’extension de l’agglomération Dakaroise

Les facteurs de l’urbanisation de Dakar

Il s’agit surtout d’évoquer la poussée démographique de l’agglomération Dakaroise avec comme conséquence une forte pression foncière. Cette forte consommation d’espace dérive de la volonté des autorités de vouloir satisfaire une demande en logement toujours croissante.

L’essor démographique de l’agglomération dakaroise

Les données qui nous permettent d’appréhender la croissance de la population de Dakar nous ont été fournies par les différents recensements au Sénégal(les recensements de 1976, 1988, mais surtout celui de 2002). Ainsi de 813 317 habitants en 1976, la population est passée de 1 309 171 habitants en 1988.
Le dernier recensement de 2002 fait état de 2 168 314 habitants dans l’espace dakarois (RGPH 2002).
Entre 1976 et 1988, le taux d’accroissement de la population de Dakar était estimait à 4% par an (MBODJ 1989. IN : les familles Dakaroises face à la crise, ANTOINE Ph. Et al, 1991).Les résultats découlant du dernier recensement de 2002 montrent que 22% de la population du pays vivent à Dakar.
Cela provoque de fortes densités de populations dans l’agglomération Dakaroises (4415 hbts/km2 ) avec des disparités notables dans la répartition de ces personnes dans les différents départements de la ville.
Cet essor de la croissance de la population Dakaroise est la résultante de la combinaison de deux (2) facteurs : l’accroissement naturel et l’exode rural.
Ce boom démographique rapide a comme composante principale l’exode rural qui draine chaque année des milliers de personnes vers Dakar. On estime à 18 000 le nombre de personnes qui viennent chaque année s’ajouter à la population Dakaroise (d’après ANTOINE Ph. et al : l’insertion urbaine à Dakar in Actualité N°48, ORSTOM ; non daté).
Ce mouvement de ruraux vers Dakar était lié pour la plupart du temps dans les années d’avant indépendance au besoin de main d’œuvre des entreprises industrielles de la capitale de l’A.O.F. A cet effet, Benga N. A. (1996) constate que : « dans les années 1940 et 1950, l’essor de Dakar administratif et industriel, capitale de l’A.O.F sollicite une importante main d’œuvre d’origine locale et sous-régionale ».
Ce mouvement migratoire s’est renforcé au lendemain de l’indépendance par la grande sécheresse des années 1970 ayant appauvri les campagnes. Selon DIENE DIONE dans les Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines N° 22 de 1992 « depuis les indépendances, la péjoration des conditions climatiques qui a stérilisé les régions rurales du Nord et du centre a entrainé des centres migratoires(…) ».
Les migrants proviennent surtout des régions de Thiès (21,2%), Diourbel (14%) et Ziguinchor (14%) d’après les résultats du RGPH de 2002. Ces régions fournissent les vagues de migrants les plus importantes. Mais, dans le cadre général, les migrants proviennent de toutes les régions du SNEGAL. Selon le plan directeur de l’urbanisme dénommé « Dakar 2001 » (BCEOM-SONED Afrique, 1986) chaque famille sénégalaise dispose d’un membre séjournant à Dakar.
La migration jouait au départ les premiers rôles en ce qui concerne la croissance de la population de Dakar. Ainsi nous dit Assane Seck(1970) : « en 1960, 54,6% de la population était née hors de Dakar et de la presqu’ile du Cap-Vert ». Cependant aujourd’hui, une large part du croit démographique de Dakar est due à l’accroissement naturel.
En effet selon les estimations du P.D.U « Dakar 2001 » (BCEOM-SONED Afrique, 1986), le croit naturel participe pour 3% dans la croissance de la population Dakaroise, contre 1,4% pour la migration.
Ceci s’explique par une natalité demeurée jusque là élevée (42‰), une mortalité en baisse (13‰) et le « tarissement » des réservoirs de migrants dans les campagnes. Aujourd’hui « Dakar doit faire face chaque année à un accroissement d’au moins 70 000 personnes par an dont 18 000 par migration, soit l’équivalant d’une capitale régionale moyenne » (Philippe Antoine et al. l’insertion urbaine à Dakar, in : Actualité N°48 non daté).
Ce croit démographique accéléré de Dakar va engendrer une pressante demande en logements.

La demande en logements

Elle est toujours exacerbée du fait du nombre élevé de migrants dans le croit démographique de Dakar. Ces migrants sollicitent un logement dès qu’ils obtiennent un travail en ville. Mais ceux-là, dont les revenus sont pour la plupart du temps modestes, ne sont pas en mesure de faire face à l’habitat planifié. Les logements SICAP et HLM reviennent trop chers pour eux et sont réservés aux classes sociales les plus nanties. L’échelle de prix des logements à location-vente produits par ces deux(2) organismes immobiliers en est révélatrice. En effet le cout de ces logements est compris entre 60.000 et 100.000 francs par mois (P.D.U, « Dakar 2001 » ; BCEOM-SONED Afrique, 1986).
En conséquence, les migrants sont contraints à s’installer dans des zones impropres à la construction. Ce qui se traduit par l’apparition de bidonvilles en nombre considérable dans l’agglomération Dakaroise. De ce fait la construction de cet habitat entraine une délocalisation de populations et par là une demande additionnelle de nouveaux logements et de parcelles. A cet effet la résorption de cet habitat nécessite la réalisation de 3 200 logements soit 200 logements par an en 12 ans (Coopération française pour le développement, 1991).
Par ailleurs, l’évaluation des besoins en logements en fonction de la population supplémentaire de la région de Dakar pour la période 1980-2001 a révélé les résultats suivants : pour une population supplémentaire de 1.820.000 personnes ; le nombre de logement supplémentaire à réaliser s’élève à 230.500 logements (cette estimation est du BCEOM-SONED Afrique, 1986).
Dès lors, la forte demande de logements pose le problème de la disponibilité des terrains à bâtir.

L’évolution spatiale de Dakar

Les limites de l’agglomération Dakaroise avant 1960

Au moment de la création de la ville de Dakar, la presqu’ile du Cap-Vert à l’exclusion de Rufisque ne comptait qu’un ensemble de villages lébous disséminés dans cet espace. Dans ce contexte l’administration coloniale pour des raisons défensives avait construit sur le plateau les premiers établissements, tête de pont de l’urbanisation de Dakar.
En 1862, le premier plan d’urbanisme de Dakar est dressé par PINET LAPRADE. Les limites d’exécution de ce plan s’échelonnaient le long du boulvard de Dakar, la rue des Essarts, la place kermel et la place Protet devenue place de l’indépendance aujourd’hui.
En 1914, la Médina est créée pour accueillir les populations déguerpies du Plateau. La Médina s’est développée par la suite pour donner naissance aux quartiers de Fass, Colobane et Gueule Tapée.
En 1946, le deuxième plan d’aménagement et d’urbanisme de Dakar est établi par la mission d’architectes et d’urbanistes GUTTON LAMBERT et LOPEZ. Ce plan engendre l’extension de la ville vers l’Ouest et vers l’Est. Ainsi, à l’ouest sur la corniche et le long de la route Ouakam, apparaissent les quartiers Fann Résidence, Point E, Zone B, le quartier Grand Dakar date également de cette époque. A l’est on assiste au début de la création d’un noyau industriel à coté du port et le long de la route de Rufisque jusqu’à hauteur de Hann.
En 1952, Pikine est créé pour accueillir les populations déguerpies de la Médina. Ce nouveau quartier est distant de 13 km à l’est de Dakar. Dés lors, la croissance de la ville s’effectuait vers ses deux (2) périphéries : Dakar à l’Ouest et Pikine à l’est.

Les limites de l’agglomération Dakaroise après 1960

En 1967, un nouveau plan d’urbanisme est établi pour répondre aux besoins d’une population estimée à 1.133.000 habitants (BCEOM-SONED Afrique, 1986). Ce plan appelé Ecochard couvrait la presqu’ile du Cap-Vert jusqu’à la forêt de Mbao. L’un des principaux objectifs était d’organiser l’extension de l’agglomération à partir de Dakar à l’ouest et de Pikine à l’Est. Ainsi Dakar s’étendaitprogressivement vers les villages lébous de Ngor, Ouakam, Yoff et plus tard vers Cambéréne.En outre la création de la SICAP en 1951 et de l’OHLM en 1960 avait pour but de solutionner la crise du logement qui frappait la ville. Ainsi ces deux (2) structures vont mettre sur pied des quartiers de type planifié dénommés Liberté et Dieuppeul (confié à la SICAP) et Ouagou Niayes (confié à l’OHLM). Guédiawaye, Banlieue ou Ville rurale ? Analyse des caractéristiques morphologiques et fonctionnelles à travers l’exemple de la commune de Ndiarème Limamou Laye. A partir de 1970, la croissance de Pikine déborde vers le Nord et donne naissance à Guédiawaye etplus tard le déversement atteint la zone de Rufisque toutes aujourd’hui portant le statut de ville (cf.carte 1).

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Source : CSE

En 1973, démarre le premier projet Parcelles Assainies réalisés par SN-HLM et sous l’initiative de la Banque Mondiale. Ce projet devait couvrir 400ha et concerne la production de 12.000 parcelles. Le site devant abriter ce projet se situe à 15 km du centre ville sur les dunes littorales du domaine de Cambéréne.
En 1980, le plan directeur d’urbanisme de Dakar est institué et confié aux bureaux d’Etudes BCEOM-SONED Afrique. La période d’application de la planification spatiale de la région urbaine de Dakar contenu dans ce plan s’étend de 1980 à 2001. Il est dénommé « P.D.U Dakar 2001 » et couvre toute la presqu’ile du Cap- vert. Ces premiers travaux sont axés sur le diagnostic de la situation globale de Dakar en 1980. Ainsi l’analyse de ce diagnostic a permis de définir la politique d’urbanisation de Dakar.

L’urbanisation de Dakar depuis les années 1980

Aujourd’hui Dakar est devenue une véritable métropole urbaine dont les limites se confondent avec celles de la région administrative de Dakar. Son taux d’urbanisation est estimé aujourd’hui à 96,6% (RGPH 1988). La presqu’il du cap- vert est devenue une véritable conurbation. Celle-ci s’étale sur une trentaine de km. L’axe principal de cette conurbation est sans doute la route nationale N°1. Le long de cette voie s’alignent les agglomérations urbaines de Dakar, Rufisque, Bargny dont les banlieues ont tendance aujourd’hui à se rattacher ou à se rejoindre.

La situation spatiale de Dakar en 1980

C’est le cadre administratif et urbain de Dakar qui à été emprunté par le BCEOM-SONED Afrique pour établir le mode d’occupation du sol pour toute la région du cap- vert en 1980.
Les variables utilisées pour la désignation de l’occupation du sol sont : l’habitat, les espaces publics et protégés, les superficies mises en culture et les zones non édifiées et divers.
L’analyse de l’occupation de l’espace en 1980 d’après BCEOM-SONED Afrique, 1982 montre une situation contrastée selon les circonscriptions. Par conséquent on se rend compte du fait qu’une grande part de l’espace de la circonscription de Dakar est urbanisée (65%).
La deuxième circonscription(Pikine) dispose d’importantes réserves de terres urbanisables car le taux d’occupation de son espace est inférieur à 50% (46%). Quant à la troisième circonscription(Rufisque), ses réserves foncières urbanisables sont immenses. Ce secteur demeure aujourd’hui pour une large part rural.
Ce cadre d’occupation de l’espace régional en 1980 détermine les possibilités d’extension de l’agglomération de Dakar. Ainsi, si l’on fait abstraction des superficies non encore urbanisées, les zones déclarées non édifiées, l’extension de Dakar cible pour une large part les superficies agricoles.
A cet égard, on constate que la majorité des superficies agricoles se rencontrent dans la deuxième et la troisième circonscription.
Ainsi on se rend compte que la circonscription de Dakar est presque arrivée à saturation pour ce qui concerne l’urbanisation de son espace. Les espaces qui y demeurent « vacants » se répartissent entre :
 les alentours de la foire
 le secteur de la pointe des Almadies
 le secteur de Hann Mariste qui devait accueillir le projet SICAP II, projet qui semble aujourd’hui être rangé dans les tiroirs de l’oubli.
 une partie de Grand Yoff et de la Patte d’Oie
La deuxième circonscription(Pikine) quant à elle, renferme un bon potentiel urbanisable. Celle-ci se situe dans le secteur oriental de la ville de Pikine entre les villages traditionnels de Malika et Keur Massar. La commune de Guédiawaye qui occupe le Nord de la circonscription de Pikine demeure à cet effet un espace incontournable dans le processus d’extension urbaine de l’agglomération Dakaroise.
La troisième circonscription (Rufisque) marquée par sa ruralité possède elle aussi des terres urbanisables. Ce cadre spatial de la région urbaine de Dakar en 1980 a servi de support à la politique d’urbanisation du cap- vert. Celle-ci est consignée dans le dernier Plan Directeur d’Urbanisme de Dakar (P.D.U. Dakar 2001).

La politique actuelle d’extension de l’agglomération Dakaroise

Elle est fonction du contexte spatial de la région urbaine de Dakar. En effet c’est la disponibilité de terrains urbanisables qui oriente l’extension de Dakar.
Par ailleurs, la politique d’urbanisation actuelle de l’agglomération Dakaroise et celle de la conurbation du Cap-Vert est définie par le P.D.U Dakar 2001. C’est le document d’urbanisme de base qui permet de faire fonctionner l’élaboration ou la planification de l’espace régional. Sa période d’application s’étale de 1980 à 2001. Il se décompose dans l’espace en plan d’urbanisme de détail pour chaque commune. L’étude du P.D.U Dakar 2001 a montré qu’à l’horizon 1989, la commune de Pikine occupait le centre de gravité de la région urbaine. Ainsi les programmes d’urbanisation retenus par le P.D.U concernent pour une large part la commune de Pikine. De ce fait l’espace à urbaniser entre 1980 et 2001 occupe 2040 hectares ce qui représente 47% des extensions de Dakar pour cette période (P.D.U « Dakar 2001 », BCEOM-SONED Afrique, 1986). Quant aux circonscriptions de Dakar et Rufisque, elles abritent chacune un quart des programmes d’urbanisme.Pour Dakar, il a été décidé l’urbanisation des espaces demeurés jusque là « inoccupés ».
Il s’agit des programmes Nord Foire et Sud Foire, le lotissement des Almadies, les opérations Grand Yoff et Patte d’Oie. La mise en exécution de ce programme a permis aujourd’hui l’occupation complète de ces zones.
D’autre part, un programme de densification du bâtit de certains quartiers a été défini par le P.D.U et cela par l’autorisation d’y construire des immeubles.
Les zones concernées par cette décision sont : le Plateau, la Médina et une partie de Grand Dakar. Cette mesure a pour objectif de favoriser la production de logements supplémentaires dans la ville de Dakar. Le programme d’urbanisation de Dakar retenu par le P.D.U couvre 925 hectares.
La saturation de l’espace de la première circonscription s’est traduite par un « développement privilégié de Pikine et Rufisque » (BCEOM-SONED Afrique, 1986).
A cet effet, le développement actuel de l’agglomération Dakaroise se fait vers l’Est de la presqu’ile. L’urbanisation actuelle du secteur oriental de la commune de Pikine entre en concurrence avec les activités agricoles.
Ce programme d’urbanisation couvre 2040 hectares et a pour site l’espace rural situé entre les villages de keur Massar et de Malika et les environs du camp Faidherbe. Les opérations retenues s’établissent comme suit :
 L’opération Camp Faidherbe qui doit abriter la construction d’équipements sociaux et d’immeubles pour logements et bureaux. Mais ce programme n’a pas encore été exécuté.
 La création d’une zone d’immeubles au centre secondaire de Keur Massar.
 La mise en place d’une zone de villas dans les environs de la foret de Mbao et la restructuration de Thiaroye-Gare.
Ces deux (2) derniers programmes sont aujourd’hui en plein exécution ; ce qui se traduit par l’occupation progressive des espaces retenus pour les accueillir.
Quant à Rufisque, la centralité du programme d’urbanisation de Dakar sur son espace est prévue pour la période post-2001. Cette période verra l’épuisement des réserves foncières de Pikine.
Actuellement la seule opération de lotissement qui concerne la circonscription urbaine de Rufisque est celle de Rufisque Nord.
Le taux de croissance de la population de Pikine devrait dépasser pendant cette période ceux des autres circonscriptions urbaines de l’agglomération Dakaroise.

CONCLUSION

L’extension du front d’urbanisation de l’agglomération Dakaroise vers l’Est du département de Pikine et vers le département de Rufisque a complètement métamorphosé certains espaces périphériques de Dakar à l’image de GUEDIAWAYE. En effet cette localité en relation avec la politique d’urbanisation du cap- vert est gagnée par le fait « étalement » urbain. De ce fait, elle est progressivement intégrée dans le tissu urbain Dakarois. Cependant ce nouveau statut de Guédiawaye, érigée en ville va buter sur des particularités tant morphologiques que fonctionnelles qui tendront à faire de cette ville une exception dans le cercle des zones urbaines.

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