Les performances neuropsychologiques

Les caractéristiques électroencéphalographiques

Il est souvent difficile de distinguer les crises généralisées des crises partielles par l’inspection visuelle de la sémiologie des crises surtout chez l’enfant [52]. Seul l’enregistrement électroencéphalographique peut permettre de distinguer les éléments épileptiques des éléments non épileptiques. Mais nous devons relever le fait que le foyer critique dans l’épilepsie frontale est souvent difficile à localiser à l’EEG standard du fait de la situation profonde ou basale de ce foyer critique que les électrodes de surface ont du mal à capter, la profondeur du lobe frontal, de la complexité de l’organisation fonctionnelle et des nombreux circuits d’intégration qu’il supporte. [53]. Dans notre étude l’EEG intercritique a retrouvé à la veille un rythme de fond normal pour la majorité des patients et un sommeil bien organisé pour tous ceux qui l’ont réalisé. Sur ces activités de fond, se sont greffées des pointes, des pointesondes lentes et des pointes- ondes rapides dans les régions frontales, ces anomalies diffusent dans l’hémisphère controlatéral, donnant des lésions bi-frontales ; on relève également des foyers d’ondes lentes dans les dérivations frontales, parfois des pointesondes amples dans les régions frontales. Ces anomalies diffusent parfois dans les régions centrale et temporale. Ces résultats sont en accord avec ceux retrouvés par Beleza et al [12] qui décrivent des pointes focales à l’EEG intercritique des épilepsies frontales ainsi que des pointes- ondes amples dans les dérivations frontales. Les anomalies épileptiques bi-frontales vues sur les EEG intercritiques chez nos patients sont concordantes avec celles décrites par Yu HJ [54]. Ce phénomène est expliqué par le fait que les anomalies épileptiques du lobe frontal peuvent rapidement diffuser dans l’hémisphère opposé via le corps calleux et donner cette synchronie bilatérale [55]. La morphologie des anomalies inter-critiques des EEG de nos patients est donc en accord avec la description des Kellinghaus et al qui ont retrouvé des activités rapides paroxystiques, des pointes isolées ou des polypointes isolées, des complexes de pointes-ondes dans les régions frontales [9].
Pour 4 patients sur les 7 de l’étude, nous avons pu enregistrer des EEG per- critiques.
Les patterns observés sont des polypointes-ondes et des pointes- ondes rapides dans les régions frontales avec diffusion dans les régions controlatérales et homolatérales, des bouffées pseudo-rythmiques de pointes frontales diffusant parfois dans les électrodes temporales. Les décharges sont précédées d’un aplatissement pour un, de rythmes rapides prédominant dans les régions bi-fronto-temporales pour 2 autres. Les anomalies sont suivies d’ondes lentes pseudo -rythmiques. L’activité critique est contaminée par l’artéfact musculaire ou de mouvement. Ces résultats correspondent à ceux de Belaza et al qui ont retrouvé des anomalies rapides épileptiformes dans 36% des cas, des activités rythmiques delta dans 26% des cas et un aplatissement dans 14% des cas. Ces activités sont liées à un foyer critique dans les régions dorso-latérale, gyrus central, cortex prémoteur et préfrontal. Les artéfacts musculaires contaminant les patterns EEG critiques sont également décrits par la même équipe dans 20% des cas et concerneraient la région mésiale frontale (aire motrice primaire, aire somato-motrice supplémentaire, le gyrus cingulaire antérieur et la région préfrontale) ; les ondes lentes amples critiques puis électrodécrément (29%) ou activité rapide (33%) sont caractéristiques de cette région.
En général la latéralisation de l’EEG critique est minime (25%) et pour 75% le pattern n’est pas latéralisé ou localisé. La propagation des crises frontales est vue dans les régions voisines dans 80% des cas environ dans l’étude de Kellinghaus [9]. . Les crises de la région mésiale se propagent plus rapidement que celles de la région orbitaire ou dorso-latérale. Kellinghaus [9]. La latéralisation est également retrouvée à l’EEG pour 4 patients sur les 7 et non pour tous les patients. Yu HJ et al ont retrouvé une latéralisation précise du foyer épileptique pour 19% de leurs patients qui présentaient tous une épilepsie frontale [54]. Les études de localisation précise de foyers frontaux ont été faites à l’aide de SEEG ou d’imagerie fonctionnelle car il est décrit une difficulté de localiser les foyers frontaux du fait du volume et de la profondeur de ce lobe [17], [53]. Dans notre étude nous avons relevé une bonne concordance électroclinique pour tous nos patients à partir d’EEG de surface et ainsi nous avons pu confirmer le diagnostic d’épilepsie frontale pour tous nos patients.

Les performances neuropsychologiques

Il a été réalisé chez cinq sur sept de nos patients un examen neuropsychologique préliminaire. Pour un seul d’entre eux, les tests n’ont montré aucun déficit. Pour les autres il a été relevé des troubles de la mémoire procédurale, de la perception visiospatiale, difficultés de planification et de flexibilité mentale et des troubles de l’inhibition ; un d’entre eux a présenté des troubles de la concentration et un autre des troubles de l’attention. Ces résultats concordent avec les déficits neuropsychologiques retrouvés dans la littérature concernant les épilepsies frontales chez les enfants [56]. Il convient toutefois de faire d’autres évaluations neuropsychologiques pour confirmer ces résultats préliminaires, car les résultats des tests neuropsychologiques dans les épilepsies frontales peuvent varier avec le temps du fait de la fréquence des crises [57]. Ces difficultés aux tests neuropsychologiques traduisent des troubles cognitifs qui ont un retentissement sur les performances scolaires et expliquent probablement le retard scolaire observé chez tous les enfants inclus dans l’étude [58]. La fréquence importante des crises a conduit à la déscolarisation d’un de nos patients. Nous évoluons dans un contexte socioculturel où l’épilepsie est considérée comme « transmissible », donc est un facteur d’exclusion sociale ; dans ce contexte les parents estiment à 52% [59], qu’il ne faut pas scolariser un enfant épileptique. De plus, l’éviction scolaire est de règle en cas de crise épileptique. L’épilepsie frontale a pour caractéristique principale la fréquence importante des crises et est de ce fait très handicapante dans notre contexte pour les patients et les performances scolaires en sont perturbées du fait de l’absentéisme lié aux crises mais également des troubles cognitifs importants qui en découlent [60].

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Les étiologies

Les épilepsies du lobe frontal sont liées à des étiologies multiples dont les plus fréquentes sont les tumeurs et les dysplasies focales corticales [61]; aucune étiologie n’a pu être retenue chez nos patients. Le coût élevé de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale et l’indisponibilité des tests génétiques limitent la recherche étiologique dans notre contexte.

Les aspects thérapeutiques et évolutifs

La majorité de nos patients est sous monothérapie anti épileptique: phénobarbital pour 3 d’entre eux, un est sous carbamazépine et une autre sous valproate de sodium. Pour tous ceux- ci, il a été noté une diminution de la fréquence des crises et pour un d’entre eux un arrêt des crises depuis 2 mois.
Deux patients sont sous polythérapie antiépileptique. On note chez ces patients une diminution de la fréquence des crises. Une épilepsie est dite réfractaire lorsqu’il y a un contrôle inadéquat des crises malgré une polythérapie bien menée et une bonne observance thérapeutique durant 1 à 2 années ; nos patients sous polythérapie antiépileptique durant plus de 2 ans de polythérapie n’ont pas noté l’arrêt de crises.
Nous relevons ainsi la pharmacorésistance des épilepsies frontales chez ces patients et une éventuelle indication à la chirurgie devrait être considérée. Ce qui est en accord avec les données de la littérature qui relate que l’épilepsie du lobe frontal engendre fréquemment des formes résistantes au traitement antiépileptique chez les enfants. [62]. Beleza et al ont noté que 25% des patients référés en chirurgie pour épilepsie réfractaire ont une épilepsie frontale.

Conclusion

Le lobe frontal est caractérisé par une organisation fonctionnelle complexe du fait de la vaste superficie de son cortex, de son volume important et des nombreux circuits d’intégration qu’il supporte. Il joue un rôle clé dans les comportements moteurs simples et complexes, mais également dans la cognition. L’épilepsie frontale constitue une entité faite de crises multiples et variées, motrices simples et complexes ; elle a également un impact important sur les fonctions exécutives qu’il est important de souligner. La localisation de ces foyers critiques frontaux constitue un challenge en épileptologie. Ces crises sont décrites comme résistantes aux médicaments antiépileptiques et conduisant très fréquemment à une indication de chirurgie.
L’analyse des résultats de notre travail montre une concordance avec ceux de la littérature sur le plan clinique, par une description la plus exhaustive possible des crises qui confirment les résultats électroencéphalographiques aussi bien inter-critiques que critiques. La recherche étiologique est infructueuse liée au coût élevé de l’IRM et à l’indisponibilité des autres moyens de recherche étiologique. Sur le plan thérapeutique et évolutif l’évolution est favorable par une diminution de la fréquence des crises quoique dans deux cas on est en accord avec les données de la littérature qui décrivent la pharmaco-résistance et l’indication fréquente de la chirurgie dans le contrôle des crises frontales.
Ce travail est un précurseur d’autres études plus longues sur les épilepsies frontales dans leurs aspects évolutifs cliniques, neuropsychologiques et électroencéphalographiques.

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