Les acteurs du contrat de charter des navires de grande plaisance
Annonce de plan. – Le contrat de charter de navire de grande plaisance est le plus fréquemment mis en place entre trois parties : le propriétaire, l’affréteurlocataire et le coutier. Ce dernier ayant un rôle particulier qui diffère des intermédiaires de l’industrie du shipping. Le contrat a donc un caractère tripartite (Section 1). De plus, l’affrètement d’un yacht comprend de facto la présence d’un équipage à bord qui bien que n’étant pas partie direct au contrat de charter, joue un rôle important dans l’exploitation du navire. A ce titre, il convient d’identifier le régime juridique du personnel de bord (section 2) notamment au vu de l’actualité concernant la protection sociale des marins embarqués sur un yacht.
Les particularités intrinsèques au contrat de charter des navires de grande plaisance
Le contrat de charter des navires de grande plaisance
Le caractère tripartite du contrat de charter
Le propriétaire fréteur et l’affréteur. – Parmi les trois parties au contrat, il convient dans un premier temps d’analyser le rôle du propriétaire. Dans le monde du yachting les navires appartiennent très souvent à des personnes morales soit pour bénéficier de l’écran d’une société, soit pour permettre à plusieurs personnes physiques d’acquérir le navire en contournant la notion de copropriété via les quirats, un système ne permettant pas l’anonymat des copropriétaires et dont lerégime de responsabilité est plus contraignant que celui d’une société. Ces sociétés sont constituées le plus souvent à l’aide de sociétés spécialisées tel que l’« International Registries, Inc. » . D’ailleurs, l’article 18 b) du modèle type de contrat de charter du MYBA définit le propriétaire comme une ou plusieurs personnes physiques ou morales, homme ou femme.
Les propriétaires louent leur yacht principalement pour deux raisons. Premièrement, cela leur permet d’amortir une partie des coûts de fonctionnement de celui-ci (avitaillement, taxes, personnels de bords, et entretien général). En effet, si l’on prend comme référence le prix du yacht, les propriétaires ne font aucun bénéfice par rapport à celui-ci en louant leur yacht. Deuxièmement, la mise en location du yacht permet de pouvoir bénéficier de certaines exonérations de taxes sous conditions (infra, n°48.1).
L’affréteur dans le cadre d’un charter est le client qui va louer le yacht pour une période déterminée. Celui-ci peut également être une personne morale ou une personne physique.
Registre international, Société travaillant principalement pour le Pavillon des Iles Marshall et qui fournit une assistance pour toutes les démarches administratives d’enregistrement des navires et accompagnent les armateurs dans la constitution de société à cette fin.
Le contrat de charter des navires de grande plaisance
Le courtier d’affrètement : « le Broker ». Présentation – Avant toutes considérations, il convient d’insister sur le fait qu’à l’instar de l’industrie du yachting, le statut du broker s’intègre dans un système juridique franco-anglais servant ici de trame de fond à la présentation générale du rôle de broker dans la pratique. Le broker apparaît comme le pilier du monde de l’affrètement maritime des navires de grande plaisance. En effet, ce sont les professionnels de référence sans lesquels l’industrie ne serait pas la même. Ce sont des courtiers d’affrètement avec un rôle et un statut particulier. La profession de broker est une profession bénéficiant d’un statut international dicté par les associations des brokers de l’industrie du yachting tel que the Mediterraneen Yacht Brokers Association, the Yacht Brokers Association of America, the Association of Brokers and Yacht Agents et the Hellenic Yacht Brokers Association51. Toutes les plus grandes compagnies de broker (Camper &Nicholson, Ocean Independance, Burgress etc…) sont membres d’une ou plusieurs de ces associations qui émettent des contrats types et des codes de bonne conduite.
Le rôle du broker. – Le broker est lié au propriétaire du navire par un mandat, celui-ci peut simplement prévoir que le broker n’aura qu’un rôle d’intermédiaire pour la mise en relation de son principal et d’un potentiel client53 , il pourra également être mandaté pour conseiller le propriétaire et lui porter assistance pour toutes lesquestions de financement et d’assurance. De plus, et c’est un des aspects les plus particulier de son rôle, le broker peut prendre en charge la gestion technique et commerciale du yacht mais également le management de l’équipage.
Ces dernières prérogatives sont intrinsèques au broker des navires de grande plaisance.
A titre de comparaison, les courtiers d’affrètements maritimes dans l’industrie du shipping sont le plus souvent cloisonnés à un rôle de simple intermédiaire dans la mise en relation des deux parties, l’une cherchant un navire pour acheminer ses marchandises et l’autre cherchant à assurer l’exploitation de son navire.
Ainsi, le broker est l’opérateur incontournable pour l’affrètement d’un navire de grande plaisance. Contrairement aux armateurs de la marine marchande, les propriétaires de yacht ne peuvent pas être considérés comme de véritables professionnels. Ces derniers étant pour une majorité d’entre eux des millionnaires cherchant dans l’affrètement de leurs navires une moindre compensation financière aux prix et coûts incommensurablement élevés de leur yacht.
Le broker apparaît comme un professionnel de confiance ayant comme prérogative principale la bonne gestion du ou des navires dont il a la charge. Afin de mener à bien cette mission, la plupart des brokers sont soumis à des modèles types de mandat qui gouvernent les relations avec leur client. D’ailleurs, il est très important que ce mandat soit clair et précis et qu’il prévoit clairement quelles sont les attributions du broker en prévention de conflit qui apparaissent fréquemment et concernant notamment la commission du broker.
Les responsabilités diverses du broker. – Concernant la responsabilité des brokers, il convient tout d’abord de faire état d’un arrêt de la Cour d’appel d’Anger du 9 janvier 2007 (Navire Key Largo)
En l’espèce dans cette affaire, un navire loué a subi une avarie occasionnant des voies d’eau en raison d’un défaut d’origine du navire. Dans le mécanisme des responsabilités, trois personnes étaient mises en cause, le propriétaire, le chantier naval, et le mandataire-loueur (broker).
Concernant la responsabilité du broker, celle-ci a été retenue au motif que « selon les termes du Mandat de gestion, le mandataire avait l’obligation de vérifier que le bateau pouvait être proposé à la location, ce qui emportait nécessairement l’obligation de contrôler la conformité et le bon fonctionnement des équipements de sécurité. »
Cette solution permet de dessiner la responsabilité particulière qui pèse sur les brokers, qui ne sont pas des simples intermédiaires commerciaux. A noter qu’en l’espèce, le navire était un petit navire de 7.90m, alors que pour les yachts plus importants la charge du contrôle du navire est répartie entre le capitaine et le broker.
Au vu de ce qui vient d’être dit ci-dessus, il convient de brosser un panel des responsabilités du broker. Le broker, à l’instar de tout bon professionnel a une obligation de conseil et d’information envers son client. Il doit parfaitement connaître les yachts tant sur le plan technique que commercial. Cette obligation est largement entendu (voir affaire Key Largo) et constitue un élément primordial pour sa réputation. De plus, le broker doit bien évidemment faire preuve de diligence dans l’administration du navire qui lui est confié et le maintenir en bon état de navigabilité. Bien qu’il n’emploie pas lui-même l’équipage, il en aura la gestion courante pendant toute la durée de son mandat si celui-ci prévoit une telle prérogative, notamment vis à vis du capitaine qui recevra des directives de la part du broker dans le cadre du contrat de charter59
Le régime juridique du personnel de bord
Introduction. – Contrairement aux petites embarcations de plaisance, les yachts et superyachts possèdent un équipage nécessaire à son fonctionnement. Les yachts sont des petites entreprises à eux tout seul, il y a des règles générales pour tous les navires mais également des spécificités intrinsèques à chaque navire. De manière générale, l’équipage est constitué des trois groupes de spécialités suivants :
Le pont : capitaine, second, bosco…
La machine : chef mécanicien, adjoints, électricien…
L’hôtellerie : chef cuisinier, stewardess, commissaire…
Les yachts pour la plus grande majorité naviguent sous pavillons étrangers, par conséquent, les équipages sont soumis à la législation des Etats du pavillon notamment en terme de sécurité sociale. Pour le reste, il y a des conventions internationales qui régissent le droit des marins et gens de mer. En effet, sous l’impulsion de Organisation Internationale du Travail (OIT) a été créé la Convention du Travail Maritime (CTM, mais plus couramment appelée Maritime Labour Convention : MLC) en 2006 laquelle regroupe de nombreux textes précédents concernant le droit du travail maritime afin qu’il y ait une meilleure visibilité et applicabilité de ce type particulier de droit social. La MLC est visée par la majorité des contrats d’engagement des équipages de yacht. Il y a également l’Organisation Maritime internationales (OMI) qui est à l’origine de nombreuses conventions ratifiées pas ses membres concernant notamment la sécurité, la sureté et la pollution maritime à l’échelle internationale, les principales conventions sont : La convention SOLAS de 1974, la Convention MARPOL de 1973 et la Convention STCW de 1978. Ensemble ces textes encadrent la vie des marins dans le monde.
Terminologie. – La MLC donne une définition commune pour les marins et les gens de mer, elle prévoit que les « gens de mer ou marin désigne lespersonnes ou engagées ou travaillant à quelque titre que ce soit à bord d’un navire auquel la présente convention s’applique » . Cette définition communepour les marins et gens de mer permet d’éviter des débats sur la qualification de tel ou tel membre d’équipage devant être soumis à des règles particulières selon son statut. Contrairement à la MLC le Code des transports français défini séparément les gens de mer comme « toutes personnes salariées ou non salariées exerçant à bord d’un navire une activité professionnelle à quelque titre que ce soit. » 62 et les marins comme « les gens de mer salariés ou non-salariés exerçant une activité directement liée à l’exploitation du navire ».
En droit français la différence de statut se fait par rapport au travail lié à « l’exploitation du navire » définie comme « les activités professionnelles relatives à la marche, à la conduite ou à l’entretien ainsi que celles qui sont nécessaires pour assurer l’ensemble des fonctionnalités du navire. ».
La forme de contrat de charter la plus utilisée, la charte MYBA
Présentation. Annonce de plan. – L’affrètement des yachts se fait grâce à un contrat d’affrètement, lequel, à l’instar des contrats d’affrètements pour les navires de la marine marchande, est un contrat type édité par des organismes spécialisés. Dans le monde du yachting, il y a plusieurs organismes qui ont créés des modèles types de contrats de charter afin de faciliter le travail des professionnels et d’uniformiser le marché. Cependant, la charte-partie la plus fréquemment utilisée est la charte MYBA considérée comme le modèle de l’ouest de la Méditerrané (Méditerrané occidentale) s’opposant au modèle de l’est de la Méditerrané (Méditerrané orientale)78 . Il faut noter que, malgré que le MYBA soit établi en France sur la Côte d’azur, la charte MYBA appelée « MYBA Charter agreement » est un contrat rédigé en anglais qui ne connaît aucune traduction officielle en français.
Cette charte reste néanmoins le modèle de contrat le plus utilisé sur le pourtour méditerranéen car elle offre une sécurité juridique et une stabilité judiciaire.
Il Convient dès lors d’analyser l’articulation générale de la charte MYBA (Section 1). Une charte pour laquelle il importe également de relever ses particularités en pratique (Section 2).
L’articulation générale de la charte MYBA
Différences générales des chartes types portant sur l’exploitation des yachts. – Avant d’analyser les clauses de la Charte MYBA, il convient rapidementde comparer les convergences et divergences générales des trois modèles de contrat d’affrètement de yacht les plus connus.
D’une part, il y a le « Eastern Mediterraean Terms » (EMT), lequel, comprend dans le prix de l’affrètement : la location du yacht, le salaire de l’équipage, l’assurance maritime et la responsabilité civile, les équipements d’alimentations, l’huile de carburant et de lubrification pour les générateurs, ainsi que la consommation de carburant pendant quatre heures par jour d’utilisation des moteurs principaux à vitesse de croisière. Il comprend également, les frais de port et de pilote (n’inclus pas les frais de passage de canal) y compris les frais d’électricité prélevés à quai, l’eau douce et les matériaux de nettoyage. Toutes les autres dépenses opérationnelles telles que la nourriture pour les invités, le bar et les boissons, les télécommunications, le carburant pour les moteurs hors-bords et les jet-skis, etc… et les taxes doivent être payées en plus par l’affréteur.
D’autre part, le « Caribbean Terms » (CT) stipule les mêmes élémentsque pour l’EMT en y ajoutant trois repas par jours pour les invités ainsi que l’accès au bar pour ces derniers.
Enfin, la charte MYBA inclue dans le prix du charter les mêmes éléments que l’EMT sauf les quatre heures de carburant journalier et ne prévoit pas non plus les repas journalier pour les invités de l’affréteur contrairement au
Caribbean Terms.
En conclusion, au regard des trois modèles de contrat d’affrètement des
navires de grande plaisance, la charte MYBA apparaît comme celle offrant le moins de prestation dans sa forme standard non modifiée. Cela n’est pas sans marquer un certain déséquilibre entre le fréteur et l’affréteur.