INTRODUCTION
La réinstallation des populations était une recommandation de la Banque Mondiale dans les cas dedéplacement « involontaire » qui ne pouvaient être évités. La Banque tentait de planifier cesréinstallations de façon à limiter l’impact négatif du déplacement dans les projets auxquels elleparticipait51. Le principe des trames d’accueil, qui devaient originellement accueillir les migrantspauvres puis les aider à auto-construire leurs logements sur des trames viabilisées, a changé dedestination pour se muer en sites de recasement à destination des déguerpis. En Janvier 1971, le comité des prêts de la Banque Mondiale définissait les grandes lignes de ce qui allait devenir l’un des principaux champs d’activité de la Banque en Afrique subsaharienne, soit le développement urbain.
De 1960 à 1973, l’Etat avait procédé à l’élimination de plusieurs bidonvilles centraux par des opérations de déguerpissement d’autant plus coûteuses qu’elles étaient suivis d’uneréinstallation des populations déplacées sur d’autres terrains localisées souvent à la périphériedakaroise, comme les départements de Pikine et Guédiawaye. Des sociétés immobilières comme la SICAP, l’OHLM avaient édifié sur les sites libérés par les déguerpis des cités planifiées, contribuant à une extension moderne de la ville. En 1970, le Sénégal avait servi de base de lancement et d’expérimentation des interventions urbaines de la Banque Mondiale en Afrique, suite à l’urbanisation de la capitale au début des années 1970 avec l’installation de la Grande sécheresse dans le monde rural, avec ses variantes et ses effets qui bouleversaient le cadre de vie des populations. Les effets de l’urbanisation étaient l’accumulation des besoinsen infrastructure, en logement et services adjacents ainsi que l’augmentation rapide des bidonvilles, dépourvus d’équipements et l’accroissement du chômage alimenté par l’exoderural (Banque Mondiale 1972a ; Myers 1972). Ces problèmes s’exacerbaient autant à Thiès qu’à Dakar, les principales villes du système urbain sénégalais (Mainet 1991). En 1972, la Banque Mondiale avait financé des projets sur le développement urbain qui visaient divers objectifs de la lutte contre la pauvreté et incluaient des projets de nature sectorielle pour l’aménagement urbain comme eau potable, électricité, éducation et santé (Farvacque V. et Godin 1997).
Le projet des Parcelles Assainies 1972 1981
Les Parcelles Assainies ont été conçues pour faire face à une crise du logement qui résultait de plusieurs facteurs, notamment l’exode rural, l’inflation et les difficultés de financement des sociétés immobilières du secteur étatique. Par suite des deux chocs pétroliers intervenus en 1973/1974 et 1979/1980, il y’avait eu une hausse généralisée du coût des facteurs dans le domaine du bâtiment, cela s’était traduit notamment par un relèvement du loyer de l’argent et du prix des matériaux de construction.
Ces difficultés ont été aggravées par le retrait en 1973 de la C.C.C.E52 de l’habitat, plaçant de ce fait les sociétés immobilières de l’Etat devant l’obligation de recourir à des emprunts aux conditions du marché financier. Dès lors la capacité de production de la SICAP et de l’OHLM s’était amoindrie.
C’était précisément à une telle condition que la Banque Mondiale avait consenti à apporter son aide en 1972 à l’Etat du Sénégal. Il fut convenu que le financement du projet qui se montait à 2,794 millions de FCFA53devait être fourni pour 54 % par la Banque et pour 46 % par la partie sénégalaise, sous la forme de ressources de contrepartie (terrains et viabilisations).
Le pilotage de l’opération a été confié à une Direction autonome des Parcelles Assainies créée au sein de l’OHLM.
Le projet des Parcelles Assainies mettait l’accent sur les interventions destinées à la production des infrastructures et des services urbains, sur l’aménagement du sol, destiné à la construction de logements, des infrastructures et des services urbains adjacents entre 1972 et 1981. Le contexte d’émergence du projet des Parcelles Assainies était marqué par une urbanisation rapide suite aux effets de la grande sécheresse dans le monde rural, qui générait une pénurie de logements ainsi que des besoins en infrastructures et services urbains voire aussi un contexte de pauvreté accrue, à peine publiée en 1972 par l’ampleur d’un secteur informel en croissance. Son suivi a été confié après le retrait de la Banque Mondiale à la direction des Parcelles Assainies de l’OHLM (Office de l’Habitat à Loyer Modéré) devenue de la SNHLM (Société Nationale de l’Habitat à Loyer Modéré) en 1988. Les premières attributions de parcelles à Dakar datent de 1973, l’occupation a été très lente durant les premières périodes entre 1973 et 1979. Le programme des Parcelles Assainies a été réalisé aussi à Thiès et Kaolack. Cette politique urbaine s’orientait vers l’habitat et les logements des pauvres étaient construits sur des Parcelles Assainies fournies le gouvernement avec l’aide de la Banque Mondiale (Banque Mondiale 1972 a ; 1974 a). Les bénéficiaires s’autoconstruisaient, leurs ressources financières leur logement tout en amortissant les coûts (Kapuret al 1997a). Ainsi donc, le projet des Parcelles Assainies permettait de combattre les effets de la pauvreté urbaine par la production de sites résidentiels et des services publics pour des familles aux bas revenus.
Les objectifs et le peuplement des Parcelles Assainies
Le lotissement des Parcelles Assainies (1974) visait un triple objectif :
– Offrir des logements décents aux salariés à faibles revenus par l’attribution de Parcelles pouvant faire l’objet d’une appropriation et d’une mise en valeur en fonction des moyens financiers des acquéreurs.
– Promouvoir la participation communautaire dans l’aménagement du cadre de vie.
– Créer grâce à l’implantation conséquente d’équipements collectifs, une banlieue moins fortement tributaire du centre-ville.
Le peuplement des Parcelles Assainies résultait des migrations résidentielles à partir dequartiers plus anciennement constitués. Les quartiers qui, en 1984, avaient le plus contribué àleur peuplement étaient les quartiers populaires.Ainsi, les mesures d’accès au financement liés à ce projet permettaient l’accès à un terrainpour construire leur logement et à un minimum de service urbain, par exemple, l’abaissementdes normes d’urbanisme constituait un moyen de rendre l’opération financièrement accessibleà la population visée. C’est pourquoi la taille des parcelles s’était fixée à 150m², avec des services urbains collectifs (latrines publiques, éclairage publique et bornes fontaines) installésdans la majorité de lots. Ces mesures ont été élaborées par la Banque Mondiale en fonction des conditions de succèsdu projet vis-à-vis de l’action gouvernementale, à savoir : cesser les déguerpissements forcés, se tourner vers les programmes à caractère communautaire pour réhabiliter et améliorer les bidonvilles afin d’y installer la population dans des conditions d’existence qui en fassent des citadins productifs, selon les critères de la Banque Mondiale.
LA POLITIQUE DE RESTRUCTURATION DES QUARTIERS SPONTANES
La pratique consistait, pendant la période coloniale puis étatique, chaque fois que le besoin se présentait, à faire déguerpir des occupations spontanées sur les terrains urbains pour y construire des habitations planifiées.
Ces déguerpissements forcés étaient parfois accompagnés d’opération de relogement dans des zones préalablement aménagées. C’était dans ce contexte que la presqu’île du Cap-Vert s’était modernisée par le déguerpissement forcé de vastes zones irrégulièrement occupées (les villages Lébou du centre-ville, Fith Mith, Baye Gaindé, Ndondy, Angle Mousse…).
La politique de restructuration était fondée sur le maintien des habitants dans les quartiers spontanés et leur participation directe à l’amélioration de leur cadre de vie.
La restructuration revêt deux formes distinctes : un délogement vers de nouveaux secteurs périphériques où les déguerpis peuvent construire leurs logements et une restructuration insitu conduisant au remplacement des bidonvilles par un habitat en dur…54
Le programme de réhabilitation par la Fondation « droit à la ville »
La Fondation Droit à la Ville a pour mission, la restructuration et la régularisation foncière de l’habitat spontané dans les villes sur l’étendue du territoire national. Elle réalise des projets au profit de l’Etat et des collectivités locales.55 Rompre le monopole de l’Etat dans la restructuration urbaine en impliquant les acteurs privés (intervention à grande échelle). Concilier mission publique et mode de gestion privé, pour répondre à des critères de transparence et obligation de rendre compte.
La conférence HABITAT 1 des Nations Unies à Vancouver en 1976 a été déterminante du faitque les déguerpissements forcés des habitats spontanés ont été de moins en moins pratiquéspar les autorités dans les pays africains. L’habitat spontané a été reconnu comme forme dominante d’urbanisation et sa réhabilitation a été intégrée comme un élément importantdans l’Agenda pour l’habitat signé par les Etats membres de l’ONU au sommet mondial des villes HABITAT en 1996. D’ailleurs, le droit à un logement convenable a été reconnu comme faisant partie intégrante du droit à un niveau de vie suffisant dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966. Le droit à un logement convenable recouvrait des libertés, comme la protection contre les déguerpissements forcés et la destruction ou la démolitionarbitraire de son logement ; le droit de ne pas subir d’ingérences arbitraires dans sonlogement, sa vie privée ou sa famille et le droit de choisir sa résidence, de décider du lieu où l’on souhaite vivre et de circuler librement, voire la sécurité d’occupation, c’est-à-dire qu’unlogement n’est pas convenable si ses occupants n’ont pas un degré de sécurité d’occupation qui leur garantit une protection juridique contre les déguerpissements forcés, le harcèlement et d’autres menaces. C’est ainsi que l’Etat avait initié la politique de réhabilitation et de régularisation foncière des quartiers spontanés dans les années 1990 afin de les doter d’infrastructures de base grâce à une planification participative, par exemple le quartier de Dalifort. Le 07 Avril 1995, l’Etat et ses partenaires publics et privés avaient institué la Fondation Droit à la Ville (FDV), opérateur spécialisé dans la restructuration urbaine et la régularisation foncière qui a été reconnue comme d’utilité publique par le décret 2000-996 du 11décenbre 2000. La Fondation Droit à la Ville intervenait dans les quartiers spontanés par les opérations comme la mise en œuvre de la restructuration des quartiers spontanés, la mise en place des infrastructures (voiries, adduction d’eau, électrification et assainissement), larégularisation foncière matérialisée par la délivrance des titres de propriété (droits de superficie) aux ayants droits. La Fondation Droit à la Ville investissait d’une mission de service public et était sous la tutelle du Ministère de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire puis du Ministère de l’Economie et des Finances.
Les Principes de la Restructuration des quartiers spontanés
L’implantation de plusieurs milliers de familles, dans un espace qui n’avait pas été destiné originellement à l’habitat urbain crée une situation de fait qui est difficilement réversible sansune action de violence lourde de conséquences.56 Il est économiquement impossible de reloger globalement la population d’un habitat spontané en une seule opération, parce que lesoccupants sont inégalement solvables et sociables.
La nouvelle approche rompt avec la pratique de déguerpissement. Cette nouvelle intervention consiste en l’achèvement des divers réseaux (assainissement, eau potable, électricité,voirie…) et en l’apport des équipements manquants (école, dispensaires…).La politique de restructuration continue certes à faciliter l’intégration des quartiers nonréglementaires à la ville, mais n’aboutit pas à freiner le processus qui les produit.Ainsi, les recasements et les destructions étaient remplacées par les restructurations in situ. La restructuration consiste au maintien sur place des habitants par la régularisation foncière despropriétaires, le raccordement des parcelles au réseau public et le dégagement d’emprisespubliques pour l’implantation d’équipements (école, éducation, culture).57
Les pouvoirs publics se rendent compte de la nécessité de mettre à la disposition des ménages bidonvillois des équipements et des services urbains de façon à mieux intégrer ces quartiers à la ville, plutôt que de continuer à mener une politique de déguerpissements et de recasement. Cette approche fut toutefois l’objet de vives critiques pour être rejetée par les architectes, parles urbanistes qui considèrent que la restructuration conduit à une bidonvilisation en dur.
Les ménages ne sont pas délogés mais restent sur place, les ménages réinstallés sur des sites bénéficiant de toutes les commodités.Les ménages obtiennent une sécurité foncière par la délivrance d’un titre de propriété (droitde superficie) et se réorganisent les uns par rapport aux autres.L’implication des populations dans les choix des options d’aménagement et à toutes les étapes du processus de mise en œuvre de la restructuration et régularisation foncière est nécessaire. Susciter et dynamiser des activités économiques dans les quartiers restructurés et régularisés, d’où la promotion de l’emploi.
Lutter contre les déguerpissements forcés qui menaçaient plusieurs quartiers irréguliers.