Population d’étude
La population d’étude a été toutes femmes enceintes hypertendues, admises et accouchées dans notre centre pendant la période d’étude.
Critères d’inclusion
Nous avons inclus les patientes diagnostiquées comme prééclampsies sévères (surajoutées y comprises) et présentant : Soit HTA sévère (PAS ≥ 170mmHg ou PAD ≥ 110mmHg) et protéinurie à la bandelette urinaire ≥ 3 croix associés ou non aux signes fonctionnels (céphalées, troubles visuels, phosphènes, barre épigastrique, nausées ou vomissements) et/ouneurologiques (hyperréflexie ostéo-tendineuse) prédictifs d’éclampsie dans le cadre d’une décision d’accouchement ou d’entrée en travail à l’admission.Soit une HTA PAS ≥ 140mmHg Ŕ PAD ≥ 100mmHg et protéinurie positive (pasobligatoirement)présentant d’emblée des signes fonctionnels et/ou neurologiques faisant craindre l’éclampsie imminente, avec ou sans décision d’accouchement àl’immédiat.Les femmes prééclamptiques sévères avec apparition de signes fonctionnels d’éclampsie imminente après la naissance ≤ 48 h (en post-partum immédiat) ont été également incluses.
Critères de non inclusion
Nous n’avons pas inclus les patientes :
– diagnostiquées comme PE modérée ou ayant déjà convulsées avant la thérapie (Eclampsie);
– avec contre-indications au MgSO4;
– certaines complications materno-fœtales associées qui nécessitaient le plus souvent une prise en charge obstétricale urgente (Hémorragie du 3ème trimestre de grossesse dont l’HRP et le placenta prævia hémorragique, OAP, souffrance fœtale aigüe, syndrome de pré-rupture ou rupture utérine, …) laissant peu de temps à l’administration du traitement ;
– dont l’accouchement avait été rapide après le diagnostic.
Critères d’exclusion
Nous avons exclus de l’étude les patientes moins de 28 SA et les patientes à PE sévères d’emblée compliquées de MFIU (sauf le cas d’une grossesse gémellaire dont l’un des fœtus restait encore vivant) ; les patientes n’aboutissant pas à la fin du traitement au MgSO4 comme l’abandon de traitement ou la sortie sans avis médical. Notons aussi les femmes ayant abouti à la fin du traitement mais qui sont quand même sorties sur avis médical, donc pour lesquelles nous ne connaissons pas l’issue de la grossesse.
Mode d’échantillonnage
L’échantillonnage était de type exhaustif.
Protocole et surveillance
Selon le protocole OMS (2015), la dose de charge (DC) est constituée d’un bolus intraveineux de MgSO4 de 4 g (8ml de MgSO4 à 50% dilué avec 12ml du SSI oud’EPPI) en injection lente à un rythme de 1g toutes les 5mn pendant 20 mn, suivi par 5gde MgSO4 à 50% (10ml) en IM profonde dans chaque fesse (dose totale de 10g). Ladose d’entretien (DE) est faite d’une IM de 5g toutes les 4 h en alternant les fesses. Onpeut y ajouter 1ml de Lignocaine à 2% dans chaque seringue pour atténuer la douleur.Dans notre étude, la durée du traitement n’excède pas 28h (soit une DC et six DE) si la femme n’a pas encore accouché pendant la thérapie. Ce groupe a été appelé« groupe anté partum ». Nous avons aussi classé dans ce groupe celle qui a dû stopperprécocement son traitement pour différentes raisons.Les patientes ayant reçu du MgSO4 avant, pendant et après le travail sont dans le« groupe per-partum ». La durée du traitement s’est limitée à 12h du post-partum.
Le « groupe post-partum », a débuté leur traitement dans le post-partum immédiataprès l’apparitiondes signes fonctionnels d’éclampsie imminente après la naissance. Ladurée de son traitement est 12h au minimum, en fonction de la réponse clinique.
La surveillance est uniquement clinique : évaluation des ROT, de la FR et de la diurèse. Une ampoule de gluconate de calcium (1g en IVDL), antidote spécifique du MgSO4, est disponible en permanence en cas de surdosage sévère. La survenue éventuelle d’une crise éclamptique a été suivie jusqu’à 48h post-partum.
En cas d’association MgSO4-Loxen®, la surveillance materno-fœtale devrait être plus rapprochée afin de détecter d’éventuels effets secondaires neuromusculaires et/ou hypotensifs (bien qu’ils soient rares). Un remplissage vasculaire rapide peut s’avérerimpératif pour cette dernière pour assurer un RCF efficace.
Collecte des données
Les cas de PE sévère éligibles ont été recrutés soit d’emblée dès leur entrée à l’ATU soit secondairement dans leur service d’affectation (Unité de grossesse à risque, Salle d’accouchement, Réanimation maternelle). Une fiche d’enquête nous servait de questionnaire et de recueil de données nécessaires dans les carnets de CPN. Par ailleurs, une fiche de surveillance préétablie a été attribuée individuellement pour assurer la prise en charge adéquate pendant tout le traitement. Les dossiers médicaux ont étéparallèlement consultés pour relever les données thérapeutiques associées, les données paracliniques materno-fœtales ainsi qu’à apprécier l’évolution maternelle.
Traitement des données
Les données recueillies ont été saisies sur le logiciel Microsoft Word 2007, traitées et analysées avec le logiciel Microsoft Excel 2007.
Limites de l’étude
Les failles de notre étude résidaient sur les points suivants :
Beaucoup de patientes ne parvenaient pas à effectuer les bilans
paracliniques nécessaires pour leur prise en charge pour faute pécuniaire.
La taille de l’échantillon et le type monocentrique du travail ne suffisent pas à refléter la fréquence de la prééclampsie sévère à Madagascar. Ainsi,nous sollicitons ultérieurement d’améliorer cette étude de façon multicentrique.
La comparaison entre le sulfate de magnésium, en tant que vasodilatateur, et la nicardipine (Loxen®) n’était pas faite.
Considérations éthiques
Avant la réalisation de la présente étude, nous avons reçu l’autorisation de la direction d’établissement et le personnel du centre a été informé. Toutes les patientes concernées auraient donné leur consentement à leur admission. En effet, les bénéfices et risques éventuels leurs ont été expliqués et la confidentialité a été respectée. Le traitement au MgSO4 restait gratuit en tant que dons.
RESULTATS
Paramètres épidémiologiques
Fréquence de la prééclampsie sévère
Parmi les 4748 accouchements pendant la période d’étude dans le CHUGOB, nous avons recensé 223 prééclampsies (4,7%). Cent-dix-huit patientes ont été jugées sévères suivant les critères que nous avons définis et ont reçu du MgSO4, soit 2,49%. Nous avons pu retenir 90 cas de PE sévères après avoir exclu 28 autres patientes. Ils représentaient une fréquence de 1,9%.
Répartition dans le temps
La répartition mensuelle des cas durant la période d’étude est représentée par le graphique ci-dessous. Deux pics avaient été observés en juin et en septembre.
Age maternel
Dans notre étude, la moyenne d’âge était de 28,89 ± 7,08 ans avec des âges extrêmes de 16 et 44 ans. Nous avons observé une nette prédominance des patientes âgées de 35 ans et plus avec 26,67% des cas comme nous montre la figure 5.
Origine ethnique et localisation du domicile
Nous présentons dans la figure suivante l’origine ethnique et la localisation en zone urbaine ou rurale du domicile des patientes enregistrées
Avortement
La notion d’avortement provoqué et/ou spontané, n’avait pas été retrouvé chez 74 femmes soit 82,22%. Dans notre étude, le nombre maximal d’avortement était de deux cas représentant une moyenne de 0,2 ± 0,45.
Grossesses multiples
Il s’agissait de grossesses gémellaires, représentant 7,78% des gestantes (n=7).
Intervalle intergénésique
L’intervalle moyen était de 4,40 ± 3, 53 ans avec des extrêmes de 1 et 18 ans. Les intervalles intergénésiques de 1 à 4 ans étaient les plus observés selon cette figure 11 :
Suivi de grossesse
Environ la moitié des cas soit 53,33% a fait plus de 3 CPN. La prise de tension artérielle a été effectuée dans 95,56% des CPN avec une notion de prise d’antihypertenseur chez 50 patientes soit chez 55,56% des cas.
Antécédents
Le tableau suivant détaille les antécédents familiaux, médicaux et obstétricaux de certains cas.
Signes cliniques prédictifs d’éclampsie imminente
Parmi les 90 femmes recrutées, les signes cliniques prédictifs d’éclampsieimminente étaient présents dans 65,56% (n=59) des cas, très souvent en association. La répartition de ces différents signes cliniques maternels est rapportée dans le tableau IV.
Œdèmes des membres inférieurs
La plupart des femmes soit 71,11% (n=64) des cas en avaient présenté.
Terme de la prééclampsie et terme de l’accouchement
Selon le tableau V, la majorité des PE sévères survenait avant 37 SA (62,22% soit56 cas) dont une grande partie avant 34 SA (35,56% soit 32 cas).Les termes d’accouchement étaient superposables, avec un délai entre la découverte de la PE et l’accouchement inférieure de 48h dans 77,78% (n=70) des cas.
Dans l’accouchement immédiat (<48h), la plupart des patientes restaithypertendues dans 73,33% des cas (n=66). Quatre femmes ont présenté une hypotension artérielle passagère en post-partum. Aucun cas de décès maternel n’a été déploré.
Paramètres fœtaux
Nous allons considérer les principaux caractéristiques d’une population constituée de 92 bébés qui ont été en effet exposés in utéro au MgSO4.
Poids à la naissance
Le poids de naissance moyen dans cette population était de 2081,41 ± 725,56 g avec des extrêmes de 760g et 4180g. Soixante six bébés soit 71,74% des cas avaient moins de 2500g à la naissance.
D’après le tableau VI, 21 bébés soit 22,83 % avaient un poids de naissance <3ème percentile.
Complications fœtales
Dans ce travail, nous avons répertorié 95,65% de naissances vivantes et 4,35% de naissances décédées dont 3 MFIU et 1 mort-né. La prématurité et les RCIU (poids de naissance <10ème percentile) étaient les complications les plus représentées.
Paramètres paracliniques
Protéinurie
Le dosage de la protéinurie effectué à toutes nos patientes a donné le résultat exposé dans la figure 17.
Quantité du liquide amniotique
Nous retrouvons dans le tableau VII que parmi les 59 échographies obstétricales réalisées, 27 cas soit 30% ont été normales.
Paramètres liés au traitement MgSO4
Nous avons classé les mères en 3 groupes distinctes selon le moment d’administration et de terminaison du MgSO4 par rapport à l’accouchement :
Groupe « anté-partum » : celles qui ont été traitées mais n’ayant pas accouché pendant la thérapie
Groupe « per-partum » : celles traitées et ayant accouché pendant la thérapie
Groupe « post-partum » : celles ayant accouché bien avant le début de la thérapie
Les données obtenues de ce classement sont présentées dans la figure 18.