Les origines du Fonds d’Investissement pour le Développement

Economique et Social

Abandon du « mode colonial traditionnel » de financement 

La politique de mise en valeur lancée par le ministre des Colonies Albert Sarraut à partir des années 1920 fut un échec à cause du refus de participation du capital privé. La crise économique de 1929 en entraînant une baisse des denrées exportées ou importées, stabilise à partir de 1933, la relance économique. Conséquences : la production d’arachide retrouve son niveau de 1930 en 1934 et passe en 1937 à 722600 tonnes.
Avec la deuxième guerre mondiale, une nouvelle récession va être constatée avec la suppression des subventions budgétaires de la métropole qui fait passer en 1932 la production à 231000 tonnes. La cassure avec la métropole, favorisée par la guerre, déclenche une première poussée industrielle avec l’établissement des huileries.
Cependant les caractéristiques de l’économie n’ont pas été changées car cette poussée industrielle était surtout liée au contexte de guerre37 en métropole et non pas par une volonté coloniale pour la promotion économique et sociale de la colonie du Sénégal. La doctrine coloniale de 192338 stipulait que les colonies devaient être autonomes en matière de gestion financière pour permettre à la France de se relever des difficultés au lendemain de la grande guerre. Par ailleurs cette position fut appliquée en Afrique Occidentale Française où les caisses de réserve servirent de garantie à des emprunts en France alors que l’activité économique était centrée sur la traite de produits africains et européens. Cette économie s’appuyait également sur un réseau bancaire essentiellement établi dans la colonie du Sénégal à Dakar comme la Banque Commerciale Africaine, le Crédit Foncier de l’Ouest Africain alors que le code de l’indigénat régissait l’ensemble des relations entre les sujets français et le pouvoir colonial. En fait dans le programme de 1923, les colonies furent les principaux bailleurs de fonds pour contribuer au relèvement économique de la France au sortir de la guerre 1914-1918.
Avec le F.I.D.E.S, l’administration coloniale fera apparaitre le concept « d’investissement » qui devait simuler le développement économique et social. En termes d’appréciation historique des changements intervenus dans le mode de financement, ce concept sonne le début d’une amélioration notoire dans l’équipement et les infrastructures.
En fait le F.I.D.E.S. peut être considérée, à sa juste valeur, comme une entité financière qui met fin à l’autonomie financière des colonies, établie par la loi de 1900 qui limitait les investissements dans l’équipement des colonies. Les approches et la gestion financière par rapport au contexte de l’invasion de la France le 10 mai 1940 en imposant la Caisse Centrale de la France Libre (créée par l’ordonnance du 2 décembre1941), lui dévolue l’émission monétaire, le Trésor public et le contrôle des changes du gouvernement du général de Gaulle en exil à Londres et des territoires ultra-marins ralliés au C.F.L.N. L’évolution géopolitique, toujours dans le contexte de la deuxième guerre mondiale, imposa l’ordonnance du 2 février 1944 qui change le nom en Caisse Centrale de la France d’Outre-mer (C.C.F.O.M). Sa compétence fut limitée aux territoires d’outre-mer, le trésor central étant assuré par la Trésorerie Générale d’Alger.
Dans la lignée de la conférence de Brazzaville (6 février 1944), elle s’oriente peu à peu vers la fonction de banque de développement. La loi n° 46-860 du 30 avril 1946 institue le Fonds d’Investissement pour le Développement Économique et Social des territoires d’outremer en mettant en place des plans pluriannuels d’équipement et de développement. Le fonds est compétent pour les territoires d’outre-mer et les quatre nouveaux départements d’outre-mer (la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion). Dans ce cadre, la Caisse Centrale a pour mission de gérer les fonds publics, d’assurer la création de sociétés d’État et d’économie mixte et de jouer le rôle d’une banque de développement. En 1952, un fonds distinct est créé pour les D.O.M., le Fonds d’Investissement des Départements d’Outre-mer (F.I.D.O.M.).
Entre 1955 et 1959, la Caisse centrale abandonne ses fonctions d’institut d’émission monétaire.
Dans la colonie du Sénégal la présence coloniale avec son cortège d’exigences (Impôts, recrutements militaires ou civils, prestations) provoque une prise de conscience de plus en plus forte chez les populations. L’administration coloniale se trouva dans l’obligation de diagnostiquer les causes des résistances sociales et leurs manifestations. Le « contrat social » qui liait l’administration coloniale aux populations indigènes évolua fortement vers la mise en place de politiques d’investissements véritables pour asseoir de bonnes relations de « partenariat » entre la métropole et ses colonies. Une volonté minime sera notée dans le cadre de la création d’institutions nouvelles après la conférence de Brazzaville en 194439 car aux impératifs d’un développement économique et social dicté par la nouvelle conscience collective, succède en 1946, le Fonds d’investissement pour le développement économique et social. Les recommandations de Brazzaville devaient amorcer un renversement du système et fournir aux colonies les moyens financiers de leur développement économique et l’amélioration des conditions de vie des populations d’où la mise en place du Plan de Développement Economique en 1946, étape cruciale dans le cadre de la mise en place des programmes F.I.D.E.S.

Du P.D.E. au F.I.D.E.S dans la colonie du Sénégal

Les politiques ou programmes publics sont au centre de toute action gouvernementale. L’action du gouvernement colonial avait défini des objectifs à travers des programmes établis. Après l’échec du crédit colonial42 à travers les Sociétés de Prévoyance et les Sociétés Mutuelles de Développement Rural (S.M.D.R), la conférence de Brazzaville en 1944 avait permis une prise de conscience générale quant à la nécessité de l’administration coloniale d’associer les indigènes à la gestion des colonies dans une dynamique de coopération et non de diktat43. À la fin de la guerre la loi du 30 avril 1946 permet à la Caisse Centrale de la France d’Outre-mer (C.C.F.O.M) de financer les plans F.I.D.E.S. Trois mois plus tard par circulaire 376 SE/CPS du 10 aout 194644, les colonies devaient dresser un plan de développement économique qui devait permettre dans le court et le long terme de créer les conditions d’une augmentation de la production pour une meilleure prise en compte des besoins des populations compte tenu des possibilités des diverses régions considérées. Les conclusions tirées par rapport au Plan de Développement Economique, en permettant l’inventaire des richesses agricoles et minières en A.O.F, jettent les bases de son industrialisation sans oublier que les investissements dans les voies de communication ont occupé une bonne place dans les crédits alloués. Rien que la modernisation des chemins de fer de la fédération a coûté 7 199 000 000 millions de F CFA pour le premier plan contre 4 675 000 000 millions pour le second.
La mise en place du F.I.D.E.S,46 à partir du 1er mai 1946, renforça durablement le cadrage sectoriel avec comme principal objectif la stimulation du développement économique et social des territoires47 avec une participation possible des fonds privés et de l’épargne locale. Au surplus le besoin d’émancipation des colonies rendait de plus en plus objectif le débat sur la mise en place d’infrastructures devant consolider l’assise coloniale en A.O.F généralement et en particulier en territoire sénégalais. Les fonds F.I.D.E.S. permettent
d’engager des crédits publics métropolitains dans le développement économique des territoires. Ainsi des lignes de crédits autorisés dans le budget métropolitain sont affectées au ministère de la France d’Outre-mer ou à d’autres ministères afin d’assurer des investissements dans les opérations de base et préparer l’arrivée d’investissement privés48. En réalité le F.I.D.E.S n’est qu’un compte d’écriture sur les livres de la Caisse Centrale de la France Libre. Ce service financier de l’Etat exécute des opérations décidées par le comité directeur, sous le contrôle du comité de surveillance de la Caisse. C’est donc elle qui accorde les crédits, donne sa garantie aux opérations financières exigées par la réalisation du plan. Tous les ans le ministre de la France d’Outre-mer obtient dans son budget des autorisations de programme ; il en demande le déblocage à la Caisse49.
Nous ne pouvons pas dire plus que Vallet dans les services financiers du fonds. Force est de constater que la réalité était beaucoup plus complexe car il était très difficile d’établir un bilan comptable des opérations budgétaires à cause de la hausse des besoins en crédits. Ces derniers ne sont pas seulement fournis par le budget de l’Etat mais chaque budget de territoire participe aux dépenses d’équipement par d’autres fonds à l’image du Fonds pour la recherche scientifique ou le Fonds routier. La complexité des opérations financières est soit masquée par la multiplication des sociétés mixtes, soit par l’émission d’obligations amortissables par les grandes caisses relevant de l’Etat. Ces obligations n’apparaissent pas par ailleurs dans les budgets annuels50. Le rapport présenté par Monerville définissait ainsi les buts du F.I.D.E.S. avec des crédits régulièrement en hausse.
– Lutter contre l’économie mercantile et la permanence du pacte colonial par l’industrialisation des T.O.M ;
– Assurer un développement harmonieux des économies d’O.M. grâce aux capitaux publics ;
– Assurer un développement social parallèle au développement économique.

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