Les origines de la priere

Sources de la prière 

Les origines hala’hiques de la prière 

Il est écrit : « Or si vous êtes dociles aux lois que Je vous impose en ce jour, aimant l’Eternel, votre D-ieu, Le servant de tout votre cœur et de toute votre âme » (Deutéronome 11,13). Le Talmud (Taanit 2a) s’interroge : « Que désigne “le service du cœur” ? C’est la prière ». Rachi explique à cet endroit : « Le servant » c’est le service du cœur : la prière. La prière est aussi appelée service. Le Yalkout Chimoni identifie la prière aux sacrifices, à partir du verset : « Puisse ma prière être considérée à Tes yeux comme de l’encens, mes mains tendues comme l’offrande du soir » (Psaumes 141,2), celle de l’agneau, qui, chaque jour, concluait les différents sacrifices.

Le devoir de prier correspond-il à une prescription de la Torah ou relève-t-il d’une institution rabbinique ? 

Nous analyserons successivement les opinions respectives de Maïmonide et de Na’hmanide. Il existe une grande divergence d’opinions entre les décisionnaires et Maïmonide quant au fait de savoir si le commandement positif de prier a pour origine la Torah écrite ou s’il s’agit d’une institution rabbinique . La grande majorité des décisionnaires est d’avis que la prière quotidienne est issue d’une institution rabbinique. En effet, le commandement tel qu’il est formulé par la Torah a trait au devoir pour l’homme de demander à D-ieu ce dont il a abesoin. En réalité, il s’agit là d’une sorte de prolongement des racines de la foi, car la prière constitue une prise de conscience de l’existence de D-ieu et de la providence qu’Il exerce jusque dans les moindres aspects de la Création.

L’opinion de Maïmonide :
Le Rambam (1138-1204), cependant, surnommé « le grand aigle », grand décisionnaire du judaïsme médiéval, tranche de manière novatrice en ce qu’il rétablit l’ancienne splendeur de la prière (Rambam Laam, Lois de la prière 1,1) : « Il est un commandement positif de la Torah de prier quotidiennement ». Cette prescription s’applique aux prières quotidiennes ainsi qu’au principe général de la prière adressée à D-ieu en un moment de détresse. Le Rambam se fonde sur un passage du Sifri rapporté dans le Talmud (Taanit 2a) « et pour Le servir de tout votre cœur » (Deutéronome 11,13), qui fait référence à la prière. De même, il est rapporté : « ton D-ieu que tu sers constamment » (Daniel 6,21) : l’Écriture fait ici usage du terme araméen « pala’h » pour désigner le service. Mais existait-il un « service de D-ieu » en Babylonie ? Et le Talmud de répondre : « Il s’agit là de la prière qui, comme le service de l’autel est appelée avoda ».

L’obligation de prier étant instituée par la Torah, celle de prier quotidiennement l’est-elle également ? Ne suffirait-il pas de prier une fois par mois pour s’acquitter de son obligation ? D’où le Rambam infère-t-il que la prière quotidienne constitue elle aussi un commandement de la Torah ? Un des grands rabbins de Safed, contemporain du Beit Yossef (Rabbi Yossef Caro 1488- 1575), Rabénou Moché Mitrani (1505-1580), répond à cette objection faite au Rambam. Dans son livre intitulé Kiryat Séfer (un commentaire du Rambam), il explique que c’est du verset même d’où est tiré le commandement de prier qu’est déduit celui de prier quotidiennement. En effet, il est écrit : « Et vous servirez votre D-ieu » (Exode 23,25), et le verset conclut : « Il bénira ton pain et ton eau ». De même que le pain et l’eau sont vitaux pour l’homme quotidiennement, de même le devoir de prier constitue un commandement à caractère quotidien de la Torah, de solliciter de D-ieu ce dont on a besoin.

Le Rambam établit clairement que :
– la prière constitue un commandement positif de la Torah et que ;
– la prière caractérise le lien de l’homme avec D-ieu.

Le Rambam reste d’avis que le nombre de prières, le moment de leur récitation ainsi que le rite selon lequel on est tenu de prier sont, eux, d’institution rabbinique. Ainsi Rabbi Eliézer fils de Rabbi Yossi Haguelili dans le Talmud, pose la distinction sur laquelle le Rambam a insisté plus tard, à partir de la question suivante : « d’où savons-nous que l’essentiel de la téfila est une mitsva, un commandement positif ? » Le terme « essentiel », (le « ikar »), permet d’attribuer l’institution de la prière quotidienne à un commandement de la Torah (« déoraïta »). En revanche, les autres modalités de la prière (le nombre et l’horaire des prières quotidiennes, et bien sûr les différents rites sont d’institution rabbinique).

Selon l’opinion du Rambam, le service de D-ieu est indissociable de la prière qui est l’expression même de l’âme qui aspire à D-ieu. En effet, la Torah ordonne d’aimer et de craindre D-ieu, de se dévouer complètement à D-ieu et de s’attacher à Lui à travers l’intellect, la voix mélodieuse, les pleurs et les supplications par le biais de l’étude de la Torah et de la prière. Et, si la Torah n’avait pas désigné la prière comme l’unique moyen d’expression du service intérieur, l’homme dont l’âme a soif de D-ieu n’aurait pas su comment réaliser cette aspiration. A ce niveau, le Rambam entend prouver que la prière constitue un pilier essentiel de l’identité juive.

L’opinion de Na’hmanide :
Contrairement à Maïmonide, pour qui l’obligation de prier chaque jour est une loi de la Torah, Na’hmanide (1194-1270) considère que la prière est un commandement d’institution rabbinique. Ainsi, il écrit que la prière ne constitue nullement une obligation, mais la jouissance d’une faveur divine, celle d’être écouté, voire exaucé chaque fois que l’on s’adresse à D-ieu. Quant au verset « et pour Le servir de tout votre cœur » (Deutéronome 11,13), la Torah n’y désigne pas spécifiquement la prière mais l’ensemble des 613 commandements ; autrement dit, ce sont toutes les lois qui doivent être appliquées avec ferveur. Na’hmanide reconnaît néanmoins que bien qu’il n’y ait pas de commandement proprement dit dans la Torah de prier quotidiennement, le principe et le modèle mêmes de la prière sont d’origine sinaïtique.

Réduisant encore l’écart entre sa position initiale et celle de Maïmonide, Na’hmanide se dit également d’avis que pour quiconque connaît la détresse, la prière constitue une règle de la Torah. Il n’en demeure pas moins que c’est par le Rambam qu’a été d’abord soulignée l’importance particulière de la prière lors d’un moment de détresse, dans le cadre des lois relatives au jeûne : « C’est un commandement positif de la Torah de crier et de sonner les trompettes pour chaque détresse » (Taanit 1a-b). La sonnerie constitue en effet à la fois l’action de crier et celle de prier. On peut situer la parole comme une forme de distance par rapport au vécu, tandis que le cri en est la manifestation pure, antérieure à toute formulation. Sonner du chofar exige à la fois une intériorité véritable de la part du sonneur en même temps qu’une maîtrise technique. Le Rambam fut le premier à identifier le commandement de sonner des trompettes à celui d’exprimer plainte et supplication.

Table des matières

INTRODUCTION ET DONNEES A CARACTERE GENERAL
De la pensée kabbalistique à la Hassidout
Problématique
Choix du sidour de l’Admour Hazaken et note biographique
Historiographie
Tentative de définition du terme de « prière »
CHAPITRE PREMIER : LES ORIGINES DE LA PRIERE
1.1 Sources de la prière
1.1.1 Les origines hala’hiques de la prière
1.1.2 Le devoir de prier correspond-il à une prescription de la Torah ou relève-t-il d’une institution rabbinique ?
1.2. De l’importance de la prière
1.3. Le dit inlassable de la prière
1.4. Institution des trois prières quotidiennes par les Patriarches
1.4.1 Cha’harit, prière d’Abraham
1.4.2 Les prières comme offrandes : Min’ha, la prière d’Isaac
1.4.3 Prière d’Arvit, instituée par Jacob
CHAPITRE DEUX : LA PRIERE INSTITUTIONNALISEE
La prière instituée par les hommes de la Grande Assemblée (Aneché Knesset Haguedolah)
2.1 La prière jusqu’à sa fixation par les hommes de la Grande Assemblée
2.2 La formule des bénédictions
2.3 Règles régissant les bénédictions
2.4 Différents regards de la prière
La conception rabbinique
La conception médiévale
La conception hassidique
2.5 L’origine des différents rituels de prière
2.6 Les premiers rituels de prière
2.7 Les Sidourim hassidiques
CHAPITRE TROIS : L’ESSENTIEL DE LA PRIERE
3.1 Où réside l’essentiel de la prière?
3.1.1 L’obligation de prier avec ferveur
3.1.2 Importance de la ferveur
3.1.3 Degrés de ferveur
3.1.4 La routine et la ferveur
3.1.5 La prière de ‘Hanna
3.1.6 Prière pour autrui
3.2 Le serpent d’airain cause ou simple support technique du sauvetage des Enfants d’Israël?
3.3 La prière comme substitut des sacrifices
3.4 La prière et ses modalités
On ne saurait commencer de prier que lorsque l’on s’est pénétré d’humilité
Donner une pièce au pauvre avant le début de la prière
Méditer
Conseils relatifs aux pensées étrangères susceptibles de surgir au cours de la prière
CHAPITRE QUATRE : LES FONDEMENTS SPIRITUELS DE LA PRIERE
4.1 L’echelle de Jacob et le service divin
4.2 Etre dans les quatre mondes
4.3 Le service, le sentiment, la perception et l’annulation de soi
4.4 Les quatre niveaux de perception dans le service divin
4.5 Ezrat avoténou, préparation au Chemoné Esré
CONCLUSION

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *