Les orientations liées à la maîtrise de la langue
Notre travail se situe dans une continuité qui s’étend des propositions du plan Rouchette aux dernières recherches de l’INRP (groupe EVA et ses prolongements). Dès le début des années 70, suite à une enquête de masse, un certain nombre de priorités sont définies. La principale est qu’il faut résolument centrer les efforts sur la didactique du texte écrit. A l’époque le constat est d’évidence qu’on enregistre peu de productions d’écrits dans les pratiques de classe. Le genre dominant est le texte narratif sous forme essentiellement de narration traditionnelle à sujet imposé ou de texte libre. Les principales préoccupations du moment consistent à déterminer quel bon sujet donner, comment corriger et comment mettre au point des textes. Pour les participants du groupe de recherche EVA, le problème est de trouver un levier efficace qui soit susceptible de faire évoluer des pratiques. Dans cet ordre d’idée vient s’inscrire la notion de critères. Progressivement, dans les classes, on voit donc, en matière de production d’écrits, les démarches prendre le pas sur le reste. Il s’agit d’une question qui s’enracine avec force au cœur même du concept de projet d’école et qui constitue un principe institutionnel moteur. Pour des raisons qui sont certainement souvent légitimes (ampleur de la tâche, difficile gestion du temps…), il faut constater que l’élaboration de programmations ne constitue pas une réalité largement répandue lors des moments de concertation des équipes de maîtres. L’une de nos préoccupations premières de formateurs a donc été d’aider les équipes à orienter leurs actions dans ces perspectives, à leur apporter un soutien tangible et durable. L’ensemble du travail présenté ici peut s’interpréter comme la manifestation d’une volonté de proposer des éléments de réflexion ou de réponse à des interrogations, chacun pouvant s’y inscrire à sa convenance. Ainsi les tableaux de programmations proposés constituent des outils de base ou de référence, plutôt que des modèles.
Pour que ces outils puissent avoir une réelle efficacité, il est souhaitable qu’ils fassent l’objet d’une authentique appropriation au sein des équipes (répartition des tâches, échéancier, valeur contractuelle…) Notre travail comporte un versant résolument pragmatique, directement tourné vers la réalité de la classe, d’autant que chacune des illustrations de séance, produite au titre de référence pratique, a fait l’objet de tests initiaux, de réajustements successifs.Depuis quelques années, nous avons constaté que, dans les classes et dans les manuels, une grande place était accordée aux écrits à caractère social dont les contraintes d’écriture sont facilement identifiables. Le texte narratif nous semble bien être le type de texte dont les étapes de l’apprentissage se révélaient les plus difficiles à structurer et à mettre en cohérence. Nous avons tenu à réhabiliter ces pratiques de récit auquel il nous paraît judicieux d’accorder, sur une année, au moins la moitié des projets d’écriture, sinon les deux tiers. Les activités de lecture et d’écriture de récits nous semblent d’autant plus pertinentes qu’elles proposent aux élèves une ouverture culturelle propre à éveiller et nourrir leur imaginaire. Une fréquentation régulière d’albums, de récits lus, racontés, décrits, feuilletés en classe ou à la bibliothèque contribue à la construction de cette dimension culturelle. On peut espérer que cette imprégnation au contact d’oeuvres véritables aidera l’élève à se déterminer en tant que lecteur ou écrivain. Un va-et-vient raisonné est nécessaire entre la lecture, l’écriture, la culture, la maîtrise du code, la pratique orale de la langue.
La forêt se fit moins sombre. Les branches laissaient filtrer la clarté de la lune. Makotro était arrivé. Il y avait une grande clairière circulaire où seuls quelques petits arbres fragiles essayaient de grandir. Sur le sol, on voyait encore les traces d’un étrange labour. Sans perdre un instant, le pêcheur se mit au travail. Agenouillé, il déterra d’abord une pelle en fer. Mokotro sortit sans bruit de la maison endormie. Il ne croisa personne dans les ruelles noires d’Ambataloaka. La mer berçait doucement les bateaux et les pirogues. Le vent tiède séchait les filets tendus sur les perches. Mais Mokotro le pêcheur tourna le dos au port et s’enfonça dans les bois. Silencieux et rapide, il disparut sous l’épais rideau de feuillage. A pas furtifs, il se fondit parmi les ombres ténébreuses de la végétation. Par instants, il s’arrêtait net : retenant sa respiration, il épiait la rumeur nocturne. Au village, personne ne devait savoir. Aucun soupçon ne pèserait sur lui, l’honnête Mokotro. Nul ne l’imaginerait comme le premier voleur venu, dérobant une part du trésor de tous. Mais le métier de pêcheur était trop rude, trop incertain. Là-bas, à la grande ville d’Antseranana, la vie se gagnait sans doute plus facilement. Pour ses enfants, Tida et Zana, qui apprenaient bien à l’école, Mokotro paierait les études. Avec une miette du trésor, il paierait. Il semblait suivre un chemin invisible que la nature cachait avec soin. De temps en temps les cris d’un animal perçaient la nuit. C’était l’heure de la chasse et du sang sur l’île de Nosy Be. Ensuite, il creusa. Toute la nuit il creusa ; le jour n’était pas encore levé quand il découvrit enfin ce qu’il cherchait : un énorme fût métallique rouillé. A coups de pelle, Mokotro fit sauter le couvercle. Il ne put se retenir de rire car sa joie était grande. Il saisit dans le fût un sac en plastique et s’enfuit à l’abri de la forêt, serrant son butin contre lui.