Aigle serpentaire de Madagascar Eutriorchis astur
L’aigle serpentaire de Madagascar est une espèce endémique de la grande île. Il est classé à l’état critique (CR) par l’UICN avant 1990 et étant l’une des espèces classées les plus rares au monde. Un individu et un cadavre de cette espèce ont été respectivement observés en 1988 et en 1990 dans la Réserve Spéciale d’Ambatovaky. Cependant, grâce à un individu capturé dans la presqu’île de Masoala au mois de janvier 1994 par les biologistes du projet «The Peregrine Fund» que le cri de cette espèce est décrit, et que sa distribution et son écologie deviennent mieux connues. Par conséquent, UICN (2006) a classé cette espèce dans la catégorie en danger (EN). Nous l’avons pu observer au niveau de sept sites dont trois dans les parcs nationaux, deux dans les réserves spéciales, un dans un site de conservation et un autre site qui n’a pas encore de statut de conservation. Cette espèce préfère la forêt primaire intacte et pluviale. Nous l’avons observé à partir du niveau de la mer jusqu’à une altitude de 1750 m.
A Masoala, nous l’avons localisé dans 15 endroits différents et cinq couples actifs (avec œufs), voir chapitre sur la «Biologie de la Reproduction» ont été observés. Six individus ont été trouvés dans la forêt de Makira allant au Sud à Lokaitra, dans la Commune de Rantabe et au Nord près du corridor entre Makira et Anjanaharibe-Sud. Trois individus de chaque ont été trouvés respectivement dans le Parc National de Zahamena et dans la Réserve Spéciale d’Ambatovaky en 1997 et en 2003. Nous avons observé un individu dans la Réserve Spéciale d’Anjanaharibe-Sud et un autre dans le Parc National de Marojejy. Depuis 2007, quatre adultes et trois juvéniles ont été observés dans la forêt de Bealanana, au Nord-Ouest de Madagascar. La population totale de cette espèce est estimée au nombre de 35 individus, au minimum.
Aigle pêcheur de Madagascar Haliaeetus vociferoides
Cette espèce est l’une des sept espèces d’oiseaux de proies les plus rares au monde. C’est le plus grand des rapaces existants à Madagascar. En moyenne, les poids du mâle et de la femelle varient, respectivement, de 1500 à 2500 g et de 2000 à 3500 g . Cette espèce est observée dans la partie Ouest de Madagascar allant de Belo-sur-Mer au Sud jusqu’à Antsiranana au Nord. On peut la rencontrer plus abondamment aux complexes de Manambolomaty, dans le District d’ Antsalova. D’où la création d’un centre de recherches par le projet «The Peregrine Fund» en 1992 et l’implantation d’un programme de suivi de cette espèce dans cette zone. Elle s’observe dans la Commune d’Ankavandra, District de Miandrivazo à une distance de 100 Km en vol d’oiseau vers l’intérieur des terres (Rene de Roland, obs. pers.).
Vers les années 1800, l’aigle pêcheur de Madagascar aurait été considéré comme abondant dans les côtes Nord-ouest de Madagascar .
Seules les données (96 individus) publiées par Langrand et Meyburg (1987) sont disponibles sur la densité de cette espèce. Ainsi, depuis 1995, un programme de suivi-écologique de cette espèce a été réalisé périodiquement tous les cinq ans par le projet «The Peregrine Fund» le long de la côte Ouest. Ce suivi a permis d’estimer le nombre de la population vivante à 287 individus en 2006. La faible densité de la population de cette espèce serait liée à la longueur de la période pour atteindre l’âge de maturation, c’est-à-dire des individus qui sont capables de se reproduire. Nous tenons à signaler qu’un individu atteint l’âge adulte au bout de quatre à cinq années après l’éclosion. Du point de vue de la morphologie, nous avons observé que l’adulte a une coloration marron sombre au niveau de la partie ventrale. Il est en outre, caractérisé par une coloration blanche au niveau de la queue et une majeure partie de la tête. Son bec est gris noir et les pattes sont grises pâles. Les yeux sont gris sombres. Son cri est similaire à celui de l’espèce africaine H. vocifer. Le cri du mâle est plus aigu par rapport à celui de la femelle. Cette espèce préfère les zones humides comme les lacs, le long des rivières ainsi que la mangrove et la forêt au bord de la mer. Elle choisit des arbres avec de grandes fourches pour construire son nid. En outre, cette étude nous a permis de voir le dimorphisme sexuel qui n’apparaît qu’au niveau de la taille, la femelle étant plus grande que le mâle.
Les différents types de proies capturées par les 12 espèces étudiées
Proies capturées par l’aigle serpentaire de Madagascar à Masoala : Parmi les nids observés, nous avons relevé 381 proies dont 310 sont identifiées. La nature et le pourcentage des proies se présentent de la façon suivante : 264 (85,1 %) reptiles (caméléons et lézards), 41 (13,2 %) grenouilles, 02 (0,7 %) dont un serpent et une chauve-souris; 01 (0,3 %) insecte.
Les caméléons des genres Calumma et Furcifer sont les plus représentés. Nous avons remarqué que toutes les proies capturées et emmenées aux poussins dans le nid sont déjà dépourvues de leur tête. Après analyses des résultats obtenus, nous avons constaté que l’aigle serpentaire de Madagascar se spécialise à la chasse aux reptiles. Ces résultats pourraient être dictés par la richesse spécifique en reptiles (caméléons) de notre zone d’étude et également par son comportement de chasse qui se déplace au niveau de la strate basse. Nous avons observé que l’aigle serpentaire de Madagascar manifeste un autre comportement de chasse à l’approche de la saison pluviale. Il n’emmène pas tout de suite les proies au nid mais les stocke dans une touffe de plantes épiphytes non loin de l’arbre de nidification. Ce comportement serait-il en prévision du mauvais temps ?
Proies capturées par l’autour de Henst : Les données présentées ici ont été collectées sur les trois couples étudiés dans le Parc National de Masoala en 1995, 1996 et 1997 .
Pendant la période de reproduction de ces trois années consécutives, nous avons observé 145 proies dont 112 ont été identifiées, parmi lesquelles, 86 (76,8 %) sont composées par des espèces d’oiseaux de taille moyenne tels que le coua bleu Coua caerulea, le Rail à front gris Canirallus kioloides. Le reste, au nombre de 25 proies, est constitué de lémuriens. Donc, les oiseaux constituent la majorité des proies capturées par cette espèce, en particulier le coua bleu. L’autour de Henst cherche sa proie au niveau de la canopée et des strates moyennes. Pour les lémuriens, trois espèces sont identifiées comme proies telles que Eulemur fulvus, Lepilemur microdon et Avahi laniger. Nous tenons à signaler que les adultes d’E. fulvus pèsent en moyenne 2,3 Kg, alors que l’autour de Henst ne pèse que 1,2 Kg. De ce fait, l’autour de Henst est capable de chasser des individus dont le poids est le double du sien. Pour y parvenir, l’oiseau déploie une technique de chasse qui consiste à rester perché au niveau d’une branche et à se camoufler à l’intérieur des feuilles des arbres pour repérer sa proie. Une fois que le groupe de lémuriens se déplace près de sa perche, il vole à grande vitesse en piquant les serres de l’une de ses pattes vers leurs yeux et la nuque de sa proie. Aveuglée, le lémurien rate les branches en sautant et tombe par terre où il est alors capturé par son prédateur.
Spécialisation en nourriture
Comme sus mentionnés, nous avons été amenés à noter deux types de régime alimentaire: un régime alimentaire généraliste, c’est-à-dire constitué de divers groupes taxonomiques comme proies et un régime alimentaire spécialiste, pratiquement formé en majeure partie d’un seul taxon. Dès lors, nous nous sommes demandés quelles sont les conditions qui amènent une espèce de prédateur à se spécialiser dans son régime alimentaire et d’autre à consommer différents groupes de proies.
D’après les études sur terrain et les analyses des données obtenues sur 12 espèces de rapaces, nous avons pu conclure que leurs proies sont composées d’insectes, d’amphibiens, de reptiles, de poissons ainsi que de mammifères. Mais d’une part, l’épervier de Madagascar se nourrit essentiellement d’oiseaux de petite taille ; l’aigle serpentaire de Madagascar préfère les caméléons et l’aigle pêcheur de Madagascar chasse principalement des poissons. Donc ce sont toutes des prédations spécialistes. D’autre part, l’épervier de Frances et le faucon de Newton se nourrissent à la fois d’amphibiens, de reptiles et de petits oiseaux ; tandis que l’autour de Henst et le polyboroides rayé chassent les oiseaux de taille moyenne et/ou de grande taille ainsi que des mammifères, plus précisément les lémuriens. Ce sont des espèces du groupe des généralistes au niveau du régime alimentaire.
En effet, la catégorisation en spécialiste ou généraliste a aussi des relations avec la morphologie des espèces. Par exemple, nous avons constaté qu’une espèce chasse strictement des oiseaux comme proies si son doigt central est plus long comparé aux autres. C’est le cas de l’épervier de Madagascar. Par contre, si les doigts intérieurs et postérieurs sont les plus longs, l’espèce concernée chasse surtout des reptiles. C’est le cas du faucon à ventre rayé.
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ITINERAIRE SCIENTIFIQUE
A. PRESENTATION DES ESPECES ETUDIEES
A.2. Autour de Henst Accipiter henstii
A.3. Epervier de Madagascar Accipiter madagascariensis
A.4. Epervier de Frances Accipiter francesii
A.5. Busard de Madagascar Circus macrosceles
A.6. Aigle pêcheur de Madagascar Haliaeetus vociferoides
A.7. Faucon de Newton Falco newtoni
A.8. Faucon à ventre rayé Falco zoniventris
A.9. Faucon pèlerin Falco peregrinus
A.10. Hibou de Madagascar Asio madagascariensis
A.11. Effraie de Soumagne Tyto soumagnei
B. HABITATS
B.1. Introduction
B.2. Méthodes
B.2.1. Méthode directe
B.2.2. Méthode indirecte
B.2.3. Analyse horizontale et verticale de l’endroit de nidification
B.3. La disponibilité des habitats
B.4. La sélection des habitats
B.4.1. Fidélité au site de nidification
B.4.2. Le choix en fonction du sexe
B.4.3. La structure des habitats
B.4.4. Territoire de chasse
C. LES REGIMES ALIMENTAIRES
C.1. Introduction
C.2. Méthodologie
C.3. Les différents types de proies capturées par les 12 espèces étudiées
C.3.1. Proies capturées par l’aigle serpentaire de Madagascar à Masoala
C.3.2. Proies capturées par l’autour de Henst
C.3.3. Proies capturées par l’épervier de Madagascar
C.3.4. Proies capturées par l’épervier de Frances
C.3.5. Proies capturées par le busard de Madagascar
C.3.6. Proies capturées par l’aigle pêcheur de Madagascar
C.3.7. Proies capturées par le faucon de Newton
C.3.8. Proies capturées par le faucon à ventre rayé
C.3.9. Proies capturées par le faucon pèlerin
C.3.10. Proies capturées par l’hibou de Madagascar
C.3.11. Proies capturées par l’effraie de Soumagne
C.3.12. Proies capturées par le petit duc de Madagascar
C.4. Spécialisation en nourriture
C.5. Type de proies capturées par rapport à la période de reproduction
C.6. Type de proies et mode de chasse
C.6.1. Cas des espèces du milieu ouvert
C.6.2. Cas des espèces forestières
D. BIOLOGIE DE LA REPRODUCTION
D.1. Données biologiques des 12 espèces étudiées
D.1.1. Cas de l’aigle serpentaire de Madagascar
D.1.2. Cas de l’autour de Henst
D.1.3. Cas de l’épervier de Madagascar
D.1.4. Cas de l’épervier de Frances
D.1.5. Cas de busard de Madagascar
D.1.6. Cas de l’aigle pêcheur de Madagascar
D.1.7. Cas du faucon de Newton
D.1.8. Cas du faucon à ventre rayé
D.1.9. Cas de faucon pèlerin
D.1.10. Cas de l’hibou de Madagascar
D.1.11. Cas de l’effraie de Soumagne
D.1.12. Cas du petit duc de Madagascar
D.2. Entraves à la reproduction
D.2.1. Prédateurs
D.2.2. «Caïnisme»
D.2.3. Action anthropique : cas du feu de brousse
D.2.4. Effet de la forte pluviosité
D.2.5. Compétition interspécifique
D.2.6. Compétition avec autres taxons que les oiseaux
E. NOUVELLES INFORMATIONS SUR LES ESPECES RARES ET SUPPOSEES
DISPARUES
E.1. Recherche sur l’aigle serpentaire de Madagascar
E.2. Prospection et redécouverte de l’effraie de Soumagne
E.3. Découverte du nid de l’oriolie de Bernier
E.4. Redécouverte de fuligule de Madagascar
E.5. Nouvelle répartition géographique des espèces
E.5.1. Oiseaux d’eau
CHAPITRE II. GESTION DES ECOSYSTEMES, ENCADREMENT ET PARTICIPATION AUX ACTIVITES DE FORMATION D’ETUDIANTS ET DE LA POPULATION LOCALE
A. ENCADREMENT DE LA POPULATION LOCALE ET DES TECHNICIENS LOCAUX DANS LA GESTION DES SITES MANAMBOLOMATY ET MANDROZO
B. FORMATION DES ETUDIANTS
B.1 Encadrement technique sur terrain
B.2. Analyse des données
B.3. Formation aux étudiants des universités de Madagascar
B.4. Participation en qualité de Membre de Jury à la soutenance de mémoires
A. A L’ECHELLE INTERNATIONALE
B. AU NIVEAU NATIONAL
CONCLUSION