Définition du socioconstructivisme
L’élève est actif dans ses apprentissages, il ne comprend et n’apprend que ce qui fait sens pour lui en fonction de son vécu, de ses expériences, de ses besoins ou de ses intérêts. L’élève construit lui-même ses connaissances ; ainsi dans la théorie constructiviste, on ne transmet pas un savoir, on le fait jaillir chez l’enfant qui construit ses connaissances en conceptualisant pour lui, les savoirs (M.-F. Legendre, 2000). On parle de socioconstructivisme car l’élève construit ses connaissances en étant en interaction avec ses camarades et l’enseignant. L’élève apprend donc par des conflits sociocognitifs avec ses pairs et le maître placé comme médiateur entre l’élève et les savoirs. En somme, tous les apprentissages construits d’une telle manière sont indéniablement dépendants d’un contexte précis. Marie-Françoise Legendre affirme alors que « toute connaissance s’inscrit donc dans un contexte social et culturel qui la caractérise et la définit en partie » (M.-F. Legendre, 2000). Ce mouvement de constructivisme s’oppose au behaviorisme promu par Skinner (1904-1990) qui limitait l’apprentissage à : stimulus réponse et qui définissait les connaissances en terme de comportements observables en fin d’apprentissage. Le socioconstructivisme a été mis en exergue par les travaux de Piaget et de Bachelard, entre autres, dans les années 30, en mettant l’accent sur l’activité du sujet et sur les représentations qu’il a déjà (F. Lasnier, 2000, p.9) et qui se définissent comme le cœur du processus des apprentissages.
Les grands auteurs du mouvement constructiviste
L’organigramme ci-dessous indique que le socioconstructivisme se base sur la psychologie du développement de l’enfant (avec les théories de Piaget et de Vygotsky) et sur l’épistémologie ou plus particulièrement, dans le cadre de ce mémoire, sur la didactique des sciences. Il convient alors de se pencher de plus près sur les théories de Piaget et de Vygotsky pour mieux cerner la pédagogie socioconstructiviste proposée pour l’enseignement des sciences à l’école primaire. Piaget (1896-1980) : «L’intelligence ne débute ni par la connaissance du moi, ni par celle des choses comme telles, mais par celle de leur interaction. … Elle organise le monde en s’organisant elle même.» Jean Piaget, La construction du réel chez l’enfant, 1937, p. 218 Ce psychologue suisse a travaillé sur la psychologie du développement – en définissant les différents stades de développement de l’enfant – et sur l’épistémologie génétique. D’après le Larousse, l’épistémologie génétique est l’ « étude de l’évolution des structures successives des connaissances au cours du développement cognitif de l’individu. Selon J. Piaget, celles-ci s’orientent vers une conceptualisation toujours plus abstraite et générale, la pensée étant une intériorisation progressive des actions sous forme d’un système d’opérations. ».
La perspective psychogénétique de Piaget vise à retracer la genèse, au cours du développement de l’individu, des notions et catégories essentielles de la pensée. La modification de ce qu’il nomme des schèmes se fait par l’accommodation et l’assimilation. Ce processus est continu et tous les apprentissages se font dans le but de conceptualiser les connaissances en mémoire.
Vygotsky (1896-1934) : Lev Semionovitch Vygotski était un psychologue russe qui a travaillé sur la perspective sociohistorique en psychologie du développement. Il s’est intéressé plus particulièrement au rôle de la culture et de la médiation sociale, notamment à travers le langage, dans l’apprentissage de nouvelles connaissances. Il définit également la Zone Proximale de Développement qui fixe selon lui la limite au dessus de laquelle, même avec l’aide d’un médiateur, l’enfant n’a pas accès à de nouveaux apprentissages car ils sont trop éloignés de ce qu’il connait jusqu’alors.
Discordances entre Piaget et Vygotsky : Les théories de ces deux psychologues s’opposent sur différents critères mais constituent d’importants et nombreux apports à la pédagogie constructiviste. (J.-P. Bronckart, B. Schneuwly, 1990, p.95-117)
L’obstacle épistémologique
Bachelard est le précurseur du concept d’obstacle en pédagogie qu’il nomme « obstacle épistémologique » en 1938. Revenons sur la définition qu’il en donne dans La formation de l’esprit scientifique (1938) : l’épistémologue pense que « c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s’agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain : c’est dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c’est là que nous décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. »
Le mathématicien Guy Brousseau (1933) s’est également intéressé à la notion d’obstacle en didactique des mathématiques. Il va plus loin que Bachelard et affirme dans son ouvrage La théorie des situations didactiques de 1998 que pour construire une situation didactique efficace, l’enseignant doit d’abord identifier et caractériser les obstacles didactiques qui bloqueront les élèves dans l’apprentissage d’une nouvelle connaissance.
Obstacle épistémologique et statut de l’erreur
Selon Bachelard, surmonter ces obstacles constitue la rupture qui permet le progrès de la connaissance. Pour Piaget, les apprentissages se font de manière continue en fonction du stade de développement de l’enfant et les obstacles correspondent à un âge limité psychologiquement de ce dernier. Dans le modèle constructiviste, l’erreur n’est plus considérée comme une déficience de l’élève mais comme le cœur du processus d’apprentissage. Le statut de l’erreur entre ces deux contemporains reflète également leur vision de l’obstacle. En somme :
Piaget : Selon Piaget, l’erreur est le marqueur du stade de développement auquel appartient l’enfant. Il désigne les schèmes comme la «structure générale commune à un ensemble d’actions» (J.-P. Astolfi, 1997, p.45). Les erreurs «des élèves peuvent s’interpréter comme la manière particulière avec laquelle, à différents âges sont organisés leurs schèmes» (J.-P. Astolfi, 1997, p.39). Donc, d’après Piaget, les erreurs des enfants s’expliquent par une non adaptation des travaux demandés à leur développement cognitif. C’est l’idée d’une «croissance mentale», la pensée de l’enfant se développe de manière continue en suivant un ordre bien établi ; si l’enseignant va trop vite par rapport à ce développement, l’élève sera face à des obstacles et fera des erreurs.
Bachelard : Il traduit les erreurs comme étant la marque de la résistance à un obstacle. L’erreur est positive, elle atteste d’obstacles à l’apprentissage qui étaient peut être sous estimés et qui sont une «forme de connaissance en soi-même» (J.-P. Astolfi, 1997, p.65). Autrement dit, l’erreur n’en est pas une, elle est la version erronée d’une « connaissance commune » (G. Bachelard, 1938, p 14-19) que l’élève s’est approprié et qui constitue alors un obstacle résistant. L’élève n’apprend pas une nouvelle notion mais il modifie la représentation initiale qu’il s’en faisait.
Les obstacles au raisonnement scientifique
Nous venons de voir que de nombreux concepts scientifiques – comme l’air – sont difficiles à assimiler par les élèves car la représentation initiale qu’ils se font constitue un obstacle particulièrement résistant. Mais, il faut rajouter aux obstacles épistémologiques, les obstacles au raisonnement scientifique qui freinent également les élèves dans leurs apprentissages. En effet, les conceptions initiales des élèves peuvent être inférées à partir des réponses des élèves à une situation problème grâce aux explications qu’ils fournissent et qui constituent alors des obstacles au raisonnement scientifique. Ces derniers sont répertoriés par Guy Robardet et Jean-Claude Guillaud dans Eléments de didactique des sciences physiques. Il existe différents types de raisonnements naturels utilisés par les élèves que l’on peut résumer ainsi : Raisonnement causal : Causalité matérielle : « Le matériau qui constitue un objet est la cause de propriétés ou d’actions de l’objet. » Exemple : le ballon de baudruche gonfle parce qu’il est élastique.
Causalité efficiente : « Une cause produit un effet. » Exemple : Dans le cas de deux ballons de baudruche reliés par un tuyau, le ballon se gonfle à cause de la compression du premier. Causalités formelles et finales : « Elles s’opposent à la causalité efficiente. La fonction de l’objet est utilisée pour prédire ou interpréter. » Exemple : Les glaçons vont faire exploser le sac plastique parce que les glaçons servent à refroidir un liquide. (V(eau liquide) < V(eau solide) – Raisonnement linéaire causal : « Il réduit la complexité en la transformant en un exemple de relations binaires et éventuellement temporelles. » Exemple : l’air sort par la paille, fait des bulles puis repasse par la paille pour que la personne ait de l’air. Les exemples proviennent des activités sur l’air réalisées en classe de Grande Section.
Table des matières
I- Etude théorique
1) La pedagogie (socio)-constructiviste
a) Définition du socioconstructivisme
b) Les grands auteurs du mouvement constructiviste
2) La notion d’obstacle
a) L’obstacle épistémologique
b) Obstacle épistémologique et statut de l’erreur
c) Les obstacles au raisonnement scientifique
II- L’enseignement des sciences à l’école primaire
1) Lien avec la main à la pâte
2) Les dispositifs d’enseignement-apprentissage
a) La situation problème
b) Le conflit sociocognitif
c) Les difficultés de ces deux dispositifs
3) L’air dans les programmes officiels
III- Recueil de données en grande section
1- L’air abordé en maternelle
a) Elaboration de la séquence sur l’air en Grande Section
b) Mise en œuvre de la séquence dans la classe
c) Analyse des conceptions des élèves
2- L’air abordé au cycle 3
a) Elaboration de la séquence sur l’air pesant en CM1-CM2
b) Mise en œuvre de la séquence dans la classe
c) Analyse des conceptions des élèves
3- Evolution des conceptions sur l’air entre la maternelle et le cycle 3
a) Les obstacles résistants
b) Les obstacles qui ont été dépassés
c) Tableau récapitulatif
Conclusion
Bibliographie
Annexes