Les obligations à l’égard de l’assureur

Le régime juridique de l’assurance-crédit

Si l’assurance insolvabilité demeure la branche mère de l’assurance-crédit, permettant au créancier de se prémunir contre l’insolvabilité du débiteur, et d’être indemnisé à la constatation judiciaire de cette insolvabilité, ou à l’expiration d’un délai de carence du débiteur, son cadre réglementaire révèle encore des lacunes(1) nous incitant à clarifier la nature juridique du contrat d’assurance-crédit.

Le cadre réglementaire de l’assurance-crédit

Pareillement en France, les opérations d’assurance-crédit ont été expressément exclues par l’article premier de la loi du 13 juillet 1930 relatif au contrat d’assurance, ce qui suscite des interrogations quant à la nature juridique de l’assurance-crédit et son rapprochement avec les opérations d’assurance ou de banque576.
C’est pourquoi le législateur Français a essayé d’y répondre, en consacrant des dispositions particulières relatives à l’assurance-crédit dans la partie réglementaire du code des assurances577, mais ces dispositions n’abordent que les provisions techniques qui doivent être appliquées, dans cette branche d’activité, comme décrit par l’article R331-33, sans pour autant définir les dispositions applicables dans les contrats d’assurance-crédit.
421. En ce qui concerne l’exclusion du contrat d’assurance-crédit du champ d’application des dispositions du code des assurances en France, celle-ci a connu en quelque sorte une dérogation. Celle-ci est prescrite par l’article L111-1 du code des assurances, et vise essentiellement quatre articles qui ont été introduits par la n°94-5 du 4 janvier 1994 et qui se rapportent à :
– l’appartenance de l’assurance-crédit, qui en effet était incorporée au regard de l’article L. 111-6 à la catégorie des grands risques, conformément aux dispositions de la directive Européenne578.
– la formation du contrat, visée par l’article L112-2, et plus précisément l’alinéa 3, en vertu duquel : « la proposition d’assurance n’engage ni l’assuré, ni l’assureur ; seule la police ou la note de couverture constate leur engagement réciproque ». Toutefois, la proposition en assurance-crédit est faite par l’assureur et constitue un engagement effectif par celui-ci, à moins qu’elle soit retirée après l’écoulement d’un délai.
-le respect des mentions obligatoires qui doivent figurer sur un contrat d’assurance. L’article L112-4 précise en outre que les « clauses des polices édictant des nullités, des déchéances, ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ».
-enfin, l’obligation posée par l’article L112-7 qui oblige l’assureur à indiquer au souscripteur préalablement à la signature du contrat d’assurance « le nom de l’Etat membre des Communautés Européennes où est situé l’établissement avec lequel le contrat pourrait être conclu », et ce lorsque le contrat est conclu en libre prestation de services.
A ce propos, on ne peut guère se prononcer sur la qualification du contrat d’assurance-crédit comme étant un contrat d’assurance par le seul fait qu’il revêt les caractéristiques et les éléments constitutifs du contrat d’assurance, étant donné que les opérations d’assurance-crédit ne sont pas intégralement réglementées eu égard à l’exclusion édictée par l’article susmentionné du code des assurances. Ces opérations sont régies en grande partie par le droit commun, cependant, le législateur Français a procédé à l’admission de l’assurance-crédit comme contrat d’assurance en vertu de l’article R321-1 du code des assurances579 en vertu duquel l’assurance-crédit a été classée explicitement au rang des activités qui peuvent être pratiquées par une compagnie d’assurance. Cependant, les assureurs pratiquant l’assurance-crédit doivent se conformer aux mêmes exigences que n’importe quelle autre branche d’assurance, et doivent obtenir préalablement un agrément du Ministère de l’Economie et des finances.
422. Par analogie, on peut affirmer que les règles de contrôle et exigences imposées par le code des assurances sont applicables aux sociétés pratiquant l’assurance-crédit, ainsi que les obligations d’information qui incombent aux assureurs des autres branches d’assurance. Cela nous donne à penser que l’assurance-crédit est considérée comme une véritable opération d’assurance. Pour autant, celle-ci demeure une exception au regard du code des assurances qui continue à être en vigueur, or le contrat d’assurance-crédit trouve sa source dans le droit commun des obligations et l’autonomie de la volonté des parties. Cela dit, les parties peuvent fixer librement le contenu des polices, il est possible toutefois que les parties soumettent conventionnellement leur police au code des assurances580 .
Subséquemment, cette situation suscite une ambiguïté législative, étant donné que le contrat d’assurance-crédit demeure régi par le principe de l’autonomie de volonté des parties et non pas par le code des assurances, tandis que les assureurs-crédits sont soumis aux règles du contrôle des autorités publiques en vigueur pour les assureurs pratiquant d’autres branches d’assurances. Pour autant, le développement de l’assurance-crédit n’avait pas été freiné par cet écueil, et cela n’a pas suscité de doute quant à la nature juridique du contrat d’assurance-crédit.
En revanche, relativement à la subrogation en matière d’assurance-crédit, celle-ci obéit aux règles de droit commun, dès lors que l’assureur-crédit indemnise l’assuré de la défaillance de son débiteur, celui-ci est subrogé dans les droits du créancier, en l’espèce il pourra intenter une action en justice contre le débiteur pour récupérer les créances recouvrées par application de l’article L121-12 du code des assurances.

La nature juridique du contrat d’assurance-crédit

Les parties en matière du contrat d’assurance-crédit sont tenues d’établir un écrit en vertu de l’article L112-3 du code des assurances, et doivent faire figurer dans la police d’assurance les mentions obligatoires soulignées par l’article L112-4. Mais en principe, ce contrat requiert seulement l’échange de volonté des parties. Le contrat devient parfait dès la rencontre des volontés des parties, même en cas d’absence d’un document signé581, en l’occurrence le contrat d’assurance n’étant pas un moyen de validité, il n’est qu’un moyen de preuve ou de présomption de l’assurance582, ce qui ne laisse pas de doute sur le caractère consensuel du contrat d’assurance-crédit583 , laissant entendre que ce contrat repose essentiellement sur les règles du droit commun des obligations. Cependant, des règles d’ordre public ont été mises en place par le législateur auxquelles il ne peut absolument pas être dérogé, ayant pour objectif de protéger le consommateur dans le contrat d’assurance eu égard à l’intérêt social que l’institution d’assurance présente, ce qui confère également un caractère d’ordre public à ce type de contrat.
Certes, le contrat d’assurance-crédit présente la même nature juridique qu’un contrat d’assurance ordinaire ou appartenant à d’autres branches d’assurances plus courantes, néanmoins, il dégage quelques spécificités qu’il convient d’élucider.
Tout d’abord, le contrat d’assurance-crédit est caractérisé par la bonne foi qui doit être présente préalablement à l’établissement du contrat, et tout au long de sa vie. En effet, le caractère de bonne foi se traduit à l’égard de l’assureur par son devoir de loyauté vis-à-vis de l’assuré, qui consiste généralement à lui proposer les garanties les plus adaptées à ses besoins, et à lui porter conseil chaque fois que le besoin s’impose. De même, l’assureur doit diligenter les dossiers d’indemnisation des assurés en cas de défaillance de leurs débiteurs, et non pas recourir à des manœuvres dilatoires de nature à retarder ou à faire refuser le règlement desdites défaillances.
Par rapport à l’assuré, celui-ci est tenu de répondre avec exactitude sur la déclaration du risque assurable lors de la conclusion du contrat, et déclarer en cours de contrat les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux, en l’occurrence l’assuré doit déclarer le chiffre d’affaires total réalisé avec sa clientèle assurable, il doit en outre faire preuve de bonne foi quant à la déclaration de la défaillance de son débiteur.
Deuxièmement, en ce qui concerne le caractère d’adhésion du contrat d’assurance-crédit, il faut souligner qu’en dépit de la protection du législateur Français relative à ce type de contrat, l’assurance-crédit constitue un contrat d’adhésion par excellence, du fait que c’est l’assureur qui s’occupe de la proposition du contrat à l’assuré, même si l’interprétation du contrat en l’espèce est en faveur de l’assuré, au sens de l’article 1162 du code civil584. Ces  contrats demeurent difficilement négociables, particulièrement par les particuliers, et notamment les clauses comme celle de désengagement ou encore celles imposées par des compagnies selon lesquelles l’indemnisation de l’assureur n’intervient que postérieurement à l’échec de toutes les voies de recours ordinaires de l’assuré dans le cadre d’un recouvrement judiciaire. D’ailleurs, ce caractère d’adhésion constitue l’un des inconvénients majeurs de l’assurance-crédit585. Nonobstant, les entreprises de grande taille, et qui ont souvent recours à cette technique, ont la possibilité de négocier quelques stipulations contractuelles, notamment la franchise, les conditions de garantie, ou encore le taux de prime.
426. Troisièmement, comme pour tout contrat d’assurance, le contrat d’assurance-crédit est aléatoire, étant considéré qu’aucun des contractants ne peut mesurer ses chances de gain ou de perte en amont au moment de la conclusion du contrat. Ceux-ci visent à se prémunir contre une perte éventuelle consécutive à un évènement incertain, la défaillance du débiteur de l’assuré en l’occurrence, car l’application du contrat d’assurance-crédit exige en premier lieu l’insolvabilité du débiteur de l’assuré, et que cette insolvabilité soit constatée et que cette insolvabilité représente un préjudice pour l’assuré. Enfin, il faut établir un lien de causalité entre l’insolvabilité et le préjudice, par voie de conséquence, les parties ignorent la survenance de cette insolvabilité, ce qui attribue à ce contrat son caractère aléatoire.
Outre ces caractéristiques du contrat d’assurance-crédit, ce contrat présente un caractère synallagmatique, qu’on essayera d’aborder en s’intéressant aux droits et obligations de chacune des parties au contrat d’assurance-crédit.

Les obligations des parties dans un contrat d’assurance-crédit

A l’instar d’un contrat d’assurance ordinaire, le contrat d’assurance-crédit répond aux mêmes principes, et met à la charge des parties des obligations réciproques, vis-à-vis de l’assuré(1) ce dernier est tenu de payer la prime d’assurance, de déclarer avec exactitude les risques assurables, et de déclarer le sinistre dans les délais fixés légalement ou par la police d’assurance. Quant aux obligations de l’assureur(2), celui-ci a comme obligation principale d’indemniser l’assuré en cas de défaillance de son débiteur.

Les obligations à l’égard de l’assuré

L’assuré doit avant toute chose déclarer à l’assureur le risque à garantir, sa nature et son importance. Il est à noter que dans ce type de contrat l’assuré est tenu de mettre à la disposition de l’assureur l’ensemble de son portefeuille client ou de s’assurer pour l’ensemble de son chiffre d’affaires et non pour les encours élevés seulement, ou pour les seuls débiteurs dont le risque d’insolvabilité est important. L’assurance-crédit est également régie par le principe de globalité tout comme la technique d’affacturage car à travers ce principe l’assureur-crédit pourra compenser l’ensemble des risques garantis. Cependant les entreprises d’assurances, disposent d’un pouvoir d’appréciation qui leur permet, après examen de la solvabilité du client de l’assuré d’accepter ou de rejeter le risque en question, ce qui constitue d’ailleurs l’un des rôles les plus importants que joue un assureur-crédit, à savoir, celui de la prévention. C’est la raison pour laquelle l’assuré doit fournir des renseignements exacts sur le risque à assurer et notamment, les informations relatives à son débiteur. Dans le cas inverse, l’assuré court le risque de voir son contrat frappé de nullité si sa mauvaise foi est établie. Si ce n’est pas le cas, il peut encourir une réduction proportionnelle de taux de prime en vertu de l’article 113-9 du code des assurances.
De surcroit, l’assuré est tenu de payer la prime586 selon le mode convenu entre les parties587 conformément à la loi en vigueur588, et le taux de prime est subordonné à l’importance du risque assurable déclaré par l’assuré lors de la conclusion du contrat. Par ailleurs, les compagnies s’appuient sur plusieurs paramètres déterminants pour la fixation du taux de prime applicable sur le risque assuré, le plus important relève de l’expérience propre de la compagnie, qui lui permet de recueillir un nombre non négligeable de statistiques sur tel ou tel risque, voire sur les débiteurs eux-mêmes et sur leur risque d’insolvabilité. Il convient de souligner que plus la compagnie est anciennement implantée sur le marché, plus elle dispose d’amples renseignements statistiques. C’est à partir de ces données conjuguées avec l’assiette du chiffre d’affaires traité que l’assureur-crédit fixe le taux de prime. Nonobstant, le mode de calcul peut être différent selon la police ou le type du risque589.
En revanche, cette obligation de payer la prime d’assurance par l’assuré demeure l’obligation principale, et en cas d’absence de paiement de prime ou d’une fraction de prime, l’assureur peut procéder à la mise en demeure de l’assuré, qui dispose quant à lui d’un délai de 15 jours à partir de la réception de la mise en demeure pour s’acquitter. En cas d’abstention, l’assureur a la possibilité de résilier de plein droit le contrat d’assurance après écoulement d’un délai de dix jours590.

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