La menace touristique
Le tourisme est une menace pour l’environnement à divers titres. D’abord, il draine un nombre considérable de personnes sur des espaces restreints. L’exemple méditerranéen est éloquent en la matière. Le pourtour méditerranéen est particulièrement prisé par les touristes du monde entier. Ainsi, environ un tiers des voyageurs de par le monde posent leurs valises sur les rives de la mer Méditerranée chaque année. Cette proportion se traduit par un chiffre impressionnant : 306 millions de personnes. L’effet de masse dutourisme a vocation à prendre davantage d’ampleur : les spécialistes de l’OMT estimentque d’ici 2030 les touristes seront au nombre de 500 millions183. Cela induit nécessairement des pressions démographiques importantes. La France est l’une des victimes de ce phénomène : de très nombreux touristes se pressent pour admirer les côtes françaises. Ce phénomène est appelé à devenir plus important dans l’avenir. Il est possible d’avoir une idée plus précise de l’importance du déplacement de la masse touristique à l’aune des chiffres relatifs aux capacités d’accueil des collectivités territoriales. L’ensemble du littoral de la France, incluant la métropole et l’Outre-mer, est capable d’accueillir 7,7 millions de touristes184 (c’est le nombre de lits destinés aux voyageurs). Une autre statistique permet de se rendre compte du déséquilibre existant entre le littoral et le reste du pays en matière d’accueil touristique : une collectivité.
Les multiples menaces environnementales et leurs effets territoriale dispose en moyenne de 8437 lits pour accueillir les touristes contre 505 pour l’ensemble du territoire français185. Cet afflux touristique est d’autant plus important qu’ilse concentre surtout sur des zones précises : le Languedoc-Roussillon et la ProvenceAlpes-Côted’Azur (ces régions représentent plus de 30% des capacités d’accueil des touristes de l’ensemble du littoral en termes de lits186 ). Ainsi, on peut constater de fortes densités187: 872,4 lits par kilomètre carré pour le Languedoc-Roussillon, 448,8 pour la PACA. Mais la forte concentration des touristes touche d’autres segments du littoral. Le Pays de la Loire est un bon exemple : en moyenne, 721,2 lits188 par kilomètre carré sont présents sur le territoire. Ce phénomène tend à prendre toujours plus d’ampleur en France comme sur tout le pourtour méditerranéen. Cette forte et brutale concentration humaine induit nécessairement des effets négatifs sur l’environnement en général et sur l’environnement marin en particulier. La menace est protéiforme.
Le tourisme de masse implique une urbanisation et une artificialisation des côtes.
L’enseignant L.Rognant, de l’Université de Nice, évoque le lien automatique qui existe entre l’afflux de touristes et la construction urbaine (l’extrait porte sur la Côte d’azur) : « le tourisme apparaît un doux poison qui divise l’espace tel un hologramme : quelle que soit sa taille, chaque commune fait exactement ce que fait le voisin. Cette incidence holographique du tourisme se rencontre dans l’urbanisme comme dans l’économie 5 chacun voulait autrefois son casino, aujourd’hui c’est la marina, le palais des congrès ou le port de plaisance »
Cette artificialisation des côtes se vérifie à travers les chiffres. L’Institut français de l’environnement a publié en 2007 un rapport qui fait état d’une forte artificialisation des communes et de leurs côtes : l’espace des communeslittorales est recouvert par des éléments artificiels tels que les voies de communication,les zones urbaines à hauteur de 13% (2,7 fois plus que la moyenne en métropole)190. Plus problématique encore pour l’environnement, cette proportion s’accroît considérablement pour atteindre 27%191 dans les zones à proximité directe avec la mer (moins de 500 mètres). En 2006, les espaces de la majorité des départements littoraux témoignaient d’un taux d’artificialisation compris entre 5 et 10%192. Plus grave encore, l’artificialisation se propage à un rythme effréné : entre 2000 et 2006 les côtes ont été le siège de la plus forte progression de l’urbanisation (plus de 12%)193. Bien sûr cette dynamique n’est pas seulement due au tourisme. D’autres facteurs rentrent en compte, mais le tourisme joue malgré tout un rôle de premier plan dans cette évolution. Cette artificialisation implique nécessairement des bouleversements pour la biodiversité marine notamment. En effet, les constructions urbaines nécessaires à l’épanouissement des touristes, telles que les casinos, les routes, les hôtels, campings engendrent automatiquement des destructions d’espaces naturels. Espaces naturels qui par leur proximité avec l’environnement marin participent au bon fonctionnement de l’écosystème. Mais l’artificialisation peut atteindre directement le milieu marin quand il s’agit de construire sur la mer. Monaco illustre ce propos avec force avec ses multiples projets immobiliers. L’un des plus récents prévoit d’urbaniser six hectares de mer. Outre l’artificialisation des espaces naturels, le tourisme exerce une influence négative sur l’environnement marin par d’autres biais.
La foule de personnes induite par le tourisme de masse conduit nécessairement à un accroissement du nombre et de la fréquence des activités de loisirs sur la mer. La présence humaine en mer peut prendre plusieurs formes : véliplanchistes, bateau à voile, kitesurf… Cette présence peut gêner l’avifaune.C’est ce que révèle une thèse de Nicolas le Corre194. Cet impact peut se traduire par une baisse de la reproduction du fait notamment de l’abandon par les oiseaux des nids. Le tourisme a un effet négatif sur l’espace des oiseaux. Ces derniers sont acculés sur des aires qui se réduisent. La menace touristique est aussi une menace qui pèse directement sur les ressources halieutiques d’un espace marin. En effet, la pêche de loisir est pratiquée de façon massive. Selon une enquête d’Ifremer et BVA, entre 2005 et 2006 plus de 2,5 millions de personnes195 se sont adonnées au plaisir de la pêche de loisir. Cette menace est d’autant plus forte qu’elle se concentre essentiellement sur des espèces ciblées : la pêche du bar, maquereau, lieu, de la daurade et du sar représente 15,5 milles tonnes (le tiers du volume de pêche a porté sur le bar)196 . Le tourisme nuit à l’équilibre écologique à cause aussi des férus de plongée. Les fres plongeurs, souvent par inadvertance, entrent en contact avec le fond, donnent des coups de palme. Le tourisme induit aussi la présence de navires de plaisance qui sont à l’origine de déversements d’eaux usées dans la mer.
Enfin le tourisme stimule les activités de transport polluantes par voie marine, aérienne ou routière. Mais le tourisme n’est pas la seule menace pour l’environnement.
Les autres menaces
Le tourisme n’est pas le seul vecteur de dangers pour l’environnement marin. Loin s’en faut. Le transport maritime, par exemple, constitue aussi une menace à prendre au sérieux. Le transport est un élément perturbateur du bon fonctionnement de l’écosystème marin pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les navires contiennent des réserves d’hydrocarbures conséquentes. Ainsi, en cas d’accident, les navires déversent des tonnes d’hydrocarbures qui se répandent dans le milieu marin avec les conséquences néfastes que l’on connaît. Plusieurs accidents ont défrayé la chronique ces dernières années : Torrey Canyon (1967), Amoco Cadiz (1978), Exxon Valdez (1989), Erika (1999) et le Prestige (2002). Mais le transport maritime se concilie mal avec les impératifs environnementaux pour d’autres raisons encore. Le ballastage est une problématique environnementale dans la mesure où il trouble considérablement l’équilibre des rapports de force entre les différentes espèces marines. Le ballastage est une opération qui consiste à remplir ou vider d’eau de mer les ballasts des navire pour des questions d’équilibre. Les activités de pompage et de déversement ne se produisent pas dans les mêmes eaux. Or les eaux pompées et déversées contiennent des espèces marines. Par conséquent, des espèces se voient propulsées dans un milieu marin qui leur est inconnu ce qui provoque des bouleversements hiérarchiques dans la chaîne alimentaire : ceux qui dominaient dans un espace donné se font dominer par d’autres espèces originaires d’une autre zone marine. Il s’agit des espèces invasives : espèces qui se développent rapidement. En outre, le transport maritime occasionne aussi des collisions avec des espèces marines telles que les tortues de mer par exemple. Le transport maritime est à l’origine aussi de nuisances sonores qui perturbent notamment les communications entre espèces. De plus, les navires sont coupables de déversements réguliers d’hydrocarbures dans la mer quand il s’agit par exemple de laver les soutes.
Comme on l’a vu avec le tourisme, les menaces pour l’environnement marin peuvent provenir des terres. L’eutrophisation est un phénomène problématique pour la protection marine. Il s’agit d’une croissance anormalement rapide du phytoplancton (c’est l’ensemble des espèces végétales vivant en suspension dans l’eau) due à des déversements de nutriments provenant des activités terrestres. Les deux principales sources de cette menace sont à rechercher du côte des usines de traitement des eaux usées et des terres agricoles. Ces dernières sont nocives du fait de l’écoulement desengrais. L’eutrophisation représente un danger certain à divers titres.
Tout d’abord, l’eutrophisation conduit à bouleverser l’équilibre écologique. En effet, le phénomène a pour conséquence la disparition d’algues croissant à un rythme lent qui jouent un rôle majeur dans l’alimentation et la protection des poissons. De plus l’eutrophisation met à mal la présence d’oxygène dans l’eau. Les algues, davantageprésentes, consomment énormément d’oxygène soit en vivant soit en étant en état de décomposition. Ainsi, une trop forte concentration d’algues cause des situations d’hypoxie (faible quantité d’oxygène dans l’eau) ou d’anoxie ( absence totale d’oxygène). Cet appauvrissement en oxygène nuit considérablement à la vie des autres organismes vivants du milieu marin. En Méditerranée par exemple, des espèces disparaissent (lesétoiles de mer notamment). Selon le programme MED POL d’évaluation et de maîtrisede la pollution marine dans la région méditerranéenne197, trois espèces de crustacés et environ quinze espèces de mollusques auraient payé de leur vie la présence exacerbéedes algues.
Les nuisances terriennes affectant le milieu marin ne se résument pas seulement à l’eutrophisation. Les détritus exercent une influence néfaste sur l’environnement. Outre le tourisme qui est un pourvoyeur important (le deuxième en Méditerranée) de déchets, un nouvel acteur fait son apparition : les ménages. Jusqu’ici, on n’en avait pas parlé. Les ménages sont les premiers producteurs de détritus marins. La pluralité de la menace s’en voit renforcée. Selon le programme sur l’environnement des Nations Unies, les ménagesrejetteraient plus de 16%198 des détritus marins. Selon un document intitulé «Assessmentof the status of marine litter in the mediterranean » 199 provenant du programme sur l’environnement des Nations Unies, le plastique représente la moitié des détritus marins.
Le plastique est particulièrement malfaisant. En effet, les espèces marines peuvent s’enchevêtrer dans de pareils détritus. De plus, il arrive qu’elles en mangent se mettant ainsi en danger. Les tortues par exemple, prennent les plastiques pour des méduses,espèce prisée par elles.
Outre les agriculteurs et les ménages, les industriels constituent aussi des menaces pour l’environnement marin. Les industries produisent des métaux lourds qui pèsent de façonconsidérable sur l’écosystème marin. La pollution des eaux marines se fait selon divers modes. Les métaux lourds peuvent atteindre la mer par le biais des fleuves et autrescours d’eau. Ces derniers drainent les pollutions situées en amont pour les déverser enmer. Mais les métaux lourds contaminent les mers à cause aussi de la pollutionatmosphérique. Enfin, les industriels déversent directement dans la mer des métauxlourds. Ces métaux sont toxiques et portent atteinte à la vie des espèces marines qui évoluent aux abords des côtes ou en haute mer. Une étude du PNUE200 (programme des Nations unies pour l’environnement) montre clairement la présence de plusieurspolluants dans les organismes des moules par exemple. La présence de métaux lourdsdans l’environnement marin représente un danger pour la faune et la flore. On peutnotamment évoquer l’affaiblissement des systèmes immunitaires comme l’une des conséquences de l’intrusion industrielle.
La pêche est une des principales sources de dangers pour l’environnement marin.
L’activité de la pêche revêt un caractère nocif pour les espaces marins à deux égards : lapêche porte gravement atteinte au volume des stocks des poissons et ses techniquesmettent à mal l’intégrité des fonds marins.
La surpêche, c’est-à-dire le fait de pêcher sans considération de la capacité régénérative des stocks de poissons, constitue un vrai fléau pour l’espace marin. Cette surpêche est due à plusieurs facteurs. La demande en poissons s’est considérablement accrue dans le monde. Selon un rapport de la FAO, intitulé «Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture », la consommation de poissons dans le monde n’a jamais été aussi importante. Dans les années 1960 la consommation par personne et par an, dans le monde se situait aux alentours de 10 kilogrammes. En 2013, cette consommation s’est considérablement accrue pour s’élever à environ 20 kilogrammes201. Outre l’explosion de la demande, la surpêche s’explique aussi par l’évolution technique des navires qui les rend plus efficaces. Le phénomène de la surpêche est très nuisible pour l’équilibre del’écosystème marin. Il conduit non seulement à l’appauvrissement des espèces pêchées mais aussi de l’ensemble de la biodiversité. Ce double effet est dû aux espèces ciblées par les pêcheurs. Très souvent, ces derniers capturent les plus gros poissons en vue d’une meilleure rentabilité. Or les plus gros poissons sont la plupart du temps des prédateurs qui occupent les places suprêmes des chaînes alimentaires. Ainsi, le bouleversement s’opère en ce que les proies des prédateurs du haut de la chaîne prennent la place de ces derniers qui disparaissent. Par conséquent, les pêcheurs capturent les nouveaux prédateurs suprêmes. Ce processus est, selon une expression connue des scientifiques notamment, la descente vers les espèces de plus faible niveau trophique. La disparition des prédateurs aboutit à un déséquilibre écologique qui peut s’avérer à terme très préjudiciable pour l’ensemble d’un milieu naturel. L’importance de la place et de la permanence des prédateurs s’est clairement avérée à la lumière de deux expériences202. Au Canada, la surpêche a provoqué la quasi-disparition des morues. Ces dernières ont été surexploitées, surtout dans les années 1970, avant de voir leur nombre considérablement réduit dans les années 1990. La présence très réduite de la morue au Canada a profité à ses proies qui sont le crabe, la crevette et de petits poissons. Ces proies ont vu leur nombre augmenter de façon exponentielle. Le problème réside dans l’alimentation de ces proies : le zooplancton, c’est-à-dire le plancton animal.
L’accroissement des proies de la morue a causé une diminution du zooplancton. Ainsi, le phytoplancton, nourriture du zooplancton, s’est répandu bouleversant ainsi l’équilibre écologique.
Des scientifiques californiens se sont livrés à une expérience pour vérifier l’importance primordiale de la place du prédateur dans la chaîne alimentaire. L’étoile de mer a été retirée du circuit écologique ce qui a conduit à un appauvrissement de la biodiversité : l’écosystème a perdu 7 espèces soit près de la moitié de sa richesse.
La surpêche produit des effets dévastateurs dès à présent. Près de 30% des stocks de poissons commerciaux sont surexploités. Plusieurs espèces font l’objet d’une inscription sur la liste rouge de l’UICN. Le thon rouge et le mérou noir sont les cas les plus dramatiques : signalés en danger par les responsables de la liste. La pêche est problématique aussi par rapport aux captures faites par erreur. Un poisson sur cinq est pêché par erreur et donc rejeté à la mer203. La plupart de ces poissons sont donc gaspillés204. Ces prises sont dues aux équipements des navires qui brassent large, emportant tout sur leur passage (les tonnailles, les lignes de fond, les filets dérivants….).
L’activité de la pêche représente un danger aussi pour les fonds marins. Le chalutage dégrade grandement les fonds marins de diverses manières. Par exemple, le chalutage arrache des espèces présentes au fond l’eau ou encore provoque le soulèvement de sédiments.