Le cadre géographique et géologique régional du bassin de Sbaa
La plate-forme saharienne, située au Sud de la flexure sud-atlasique s’étend sur une superficie de 8.000.000 km2 , concernant plusieurs pays du Nord du continent africain. Elle constitue un domaine cratonique stable depuis le Paléozoïque. En Algérie, deux unités géologiques et structurales majeures sont séparées par le grand accident Sud-atlasique (Figure IV.1) : l’Atlas (ou domaine alpin) dans la partie Nord, qui correspond à une chaîne intracontinentale résultant essentiellement de la tectonique alpine ; et la plate-forme saharienne dans la partie Sud, relativement stable, qui a été structurée en majeure partie au Paléozoïque. Au sein de la plate-forme saharienne, une subdivision existe entre la province Ouest riche en gaz et la province Est où se trouvent à la fois des gisements d’huile et de gaz. L’exploration des bassins occidentaux révèle des potentialités majeures en gaz, mais également en huile dans la cuvette de Sbaa. La séparation entre les deux provinces est située au niveau de la ride d’Amguid, orientée approximativement N-S. La différence entre ces deux provinces est liée à leur histoire mésozoïque et cénozoïque. Les sédiments mésozoïques et cénozoïques sont bien développés et fortement tectonisés dans la province Est, alors que dans la province Ouest ils sont plutôt stratiformes et moins développés. De plus l’histoire de la formation et du piégeage des hydrocarbures dans les bassins paléozoïques est différente entre ces deux provinces (Figure IV.2), avec une histoire méso/cénozoïque à l’est et paléozoïque à l’ouest. Sur la carte géologique (Figure IV.1 et 2), les affleurements du Carbonifère montrent clairement la distribution des bassins paléozoïques dans ce contexte régional. Dans la partie algérienne de la plate-forme saharienne, les bassins les plus importants sont : – à l’extrême-est : les bassins d’Illizi et de Berkine ; – au centre-est : le bassin de l’Oued Mya ; – à l’ouest : les bassins de Tindouf, de Béchar, de Reggane, de Sbaa, de Timimoun-Gourara et d’Ahnet. Le bassin de Sbaa, la zone d’étude, se situe dans la province Ouest de la plate-forme saharienne. Les bassins de l’Ouest saharien (Figure IV.2) sont liés à l’existence de deux cratons d’âge et de comportement différents : à l’ouest le craton Ouest-Africain (ou bouclier Reguibat), très ancien (environ 2 milliards d’années) et très stable ; et à l’est le craton du Sahara Central (ou bouclier Targui/Tuareg), résultant de la tectonique panafricaine du supercontinent Gondwana (fin Protérozoïque), et au comportement dit « mobile ». La zone de collision entre ces deux cratons est appelée « suture panafricaine ». Elle coïncide avec la chaîne de l’Ougarta (chaînon Sud : Kahal Tabelbala) qui se prolonge au sud-est vers le Bled El Mas et l’Azzel Matti, puis vers la bordure Ouest du Hoggar. La suture panafricaine forme alors une nouvelle subdivision au sein de la province Ouest saharienne. Cette zone de collision est encore très active au Paléozoïque, provoquant ainsi une structuration différente entre les bassins situés au nord et à l’est de la suture (Béchar,Timimoun-Gourara, Sbaa, Ahnet), et les bassins au sud et à l’ouest de la suture (Reggane et Tindouf). Le bassin de Sbaa (appelé également Cuvette de Sbaa) correspond à une étroite dépression synclinale dans l’axe NW-SE de la chaîne de l’Ougarta (Figure IV.2). Il s’étend sur une surface d’environ 32000 km² et est délimité par les hauts structuraux qui l’entourent : au nord et au nord-est le chaînon de la Saoura et son prolongement vers la Voûte d’Azzène, le séparant du bassin de Timimoun ; et au sud-ouest le faisceau du Kahal Tabelbala (un des chaînons ougartiens), se prolongeant plus au sud par le Bled El Mas et individualisant le bassin de Sbaa du bassin de Reggane. Le bassin de Sbaa est une entité structurale singulière par rapport aux bassins voisins de la province Ouest-saharienne. Son histoire est étroitement associée à la chaîne de l’Ougarta, qui représente le principal trait structural de l’Ouest saharien. La chaîne de l’Ougarta s’ennoie vers le sud au niveau des points hauts du Bled El Mas et de l’Azzel Matti. En revanche vers le nord, l’Ougarta se raccorde par l’Anti-Atlas à la véritable chaîne varisque affectée par des déformations intenses, du volcanisme et du métamorphisme sur toute la marge nord de la plate-forme saharienne.
Evolution géodynamique de la plate-forme saharienne /naissance du bassin de Sbaa
La phase panafricaine
La phase panafricaine est responsable de la convergence de plusieurs cratons s’amalgamant pour former le supercontinent Gondwana. La chaîne panafricaine est issue de la collision entre les cratons Ouest et Est-Africain à la fin du Protérozoïque (Black et Fabre, 1980 ; Coward et Ries, 2003 ; Bumby et Guiraud, 2005). Elle provoque la surrection du massif du Hoggar et la mise en place de grands linéaments de socle orientés N-S. Cette phase est ainsi à l’origine d’un grand réseau de failles caractérisé par des accidents subméridiens sub-verticaux. Ces derniers sont interprétés comme des décrochements (NW – SE et conjugués) résultant d’une compression horizontale orientée EW. La phase panafricaine tardive autour de la limite Précambrien-Cambrien qui clot la structuration du Hoggar a été suivie d’une période d’érosion importante qui nivelle les reliefs. La plate-forme saharienne a connu plusieurs zones subsidentes qui ont conduit au développement d’importants bassins sédimentaires qui se développent entre les boucliers. Ainsi, la collision panafricaine engendre la structuration du socle précambrien sur l’ensemble de la plate-forme saharienne. Les structures panafricaines seront héritées au cours des événements tectoniques du Paléozoïque. La phase panafricaine s’achève au Protérozoïque terminal et sera suivie d’une longue période de subsidence post-orogénique favorisant le développement des bassins paléozoïques.
Le Paléozoïque pré-hercynien
Suite à l’orogenèse panafricaine, une phase de distension majeure orientée NW-SE provoque une subsidence générale et une pénéplaination de la chaîne panafricaine : il s’agit de l’extension cambro-ordovicienne, liée au basculement général de la plate-forme Nord gondwanienne vers le nord-ouest, formant des structures en demi-graben conduisant à l’individualisation des bassins de la plate-forme saharienne (Beuf et al., 1971). Le refroidissement post-extension de la lithosphère du nord-ouest de l’Algérie provoque une WAZIR, 2014 123 subsidence généralisée de la plate-forme (fin Cambrien à Permien), avec des directions de paléocourants orientés généralement du sud vers le nord. A l’Ordovicien supérieur, des mouvements compressifs orientés E-W génèrent des plis d’axe N-S à l’échelle régionale. Cette compression d’âge caradocien est associée à la phase taconique (440 Ma) du cycle calédonien, elle engendre une inclinaison globale de la plateforme vers le sud. C’est à cette période que s’installe la calotte glaciaire fini-ordovicienne sur le Gondwana (Beuf et al., 1971 ; Scotese et al., 1999). La zone Nord-gondwanienne est subsidente au Silurien, elle constitue un plateau continental (marge océanique). Cette marge au pendage très faible était alors composée de sous-bassins intracratoniques peu profonds. La remontée du Gondwana vers le nord fut rapide durant cette période. Des variations climatiques de grande ampleur entraînent la fonte quasi-totale de la calotte glaciaire provoquant ainsi une transgression marine majeure et le dépôt des argiles siluriennes. La phase compressive calédonienne provoque une réactivation des structures du socle panafricain et accentue les reliefs pré-existants (Lüning et al., 2005). Plusieurs discordances locales témoignent de cette phase tectonique débutant entre la fin du Silurien et le Dévonien inférieur. Cependant, cette phase n’affecte pas vraiment les structures dans le bassin de Sbaa. Elle est suivie d’une période d’érosion conduisant à l’individualisation de hauts structuraux (Bled El Mas). Une phase d’extension durant le Gedinnien-Siegenien provoque le rejeu synsédimentaire de failles et de structures préexistantes. Le Dévonien inférieur est marqué par un basculement plus ou moins important des bassins vers le nord-ouest, se prolongeant jusqu’au début du Carbonifère. Les réductions d’épaisseur (du nord vers le sud) des séries transgressives du Dévonien moyen à supérieur ne semblent pas accompagnées d’une phase tectonique compressive (phase calédonienne) ayant pu engendrer des structures. En revanche, bien que les phases tectoniques majeures pré-hercyniennes ne structurent pas particulièrement le bassin de Sbaa, elles contrôlent les événements de transgression/régression et ainsi les variations d’épaisseur des dépôts voire les lacunes dans le bassin de Sbaa.
Les mouvements hercyniens du Carbonifère
La plate-forme saharienne qui occupe une très grande surface de la partie septentrionale du continent africain correspond à l’une des plus grandes plates formes précambriennes au CHAPITRE IV 124 monde. Elle est aujourd’hui constituée de l’association de plusieurs bassins intracratoniques d’âge paléozoïque. Dans cette plate-forme, deux grands ensembles de bassins sont situés de part et d’autre de la suture panafricaine marquée, entre autres, par l’alignement des monts d’Ougarta. D’après les données sismiques, aucune phase tectonique majeure ne peut être précisément mise en évidence avant l’Hercynien, hormis la phase panafricaine témoignée par l’importante discordance à la base du Cambrien. L’héritage des structures panafricaines influence l’individualisation du bassin de Sbaa au sein d’un demigraben d’orientation NWSE, contrôlant ainsi la distribution des apports sédimentaires au cours du Paléozoïque. La phase hercynienne est donc considérée dans la région étudiée comme étant la phase tectonique la plus importante depuis l’orogenèse panafricaine, ayant provoqué une intense structuration, la création et la réactivation de nombreux systèmes de failles, et enfin une érosion importante se prolongeant probablement jusqu’au Lias. Les mouvements hercyniens sont partagés en mouvements précoces (Viséen) et majeurs (Post-Namurien). Les mouvements de cette phase d’orientation NE-SW ont joué un rôle majeur dans la structuration des différents bassins de la plate-forme saharienne, dans la formation du piégeage des hydrocarbures et donc dans la mise en place des systèmes pétroliers (Figure IV.3).