Technique « couche par couche »
La technique appelée « couche par couche » ou « Layer by Layer » (LbL) (Doshi et al. 2009) (She et al. 2013) consiste à construire des microcapsules de polymères à l’aide de particules modèles qui sont biconcaves et discoïdales, c’est-à-dire de même forme que les GRs, comme sur la Figure 5. Pour cela, la méthode « jetting électrodynamique » ou « pulvérisation électronique » (« electrospraying ») est appliquée. Une solution d’acide poly (lactique-co-glycolique) (PLGA) est d’abord mise dans une seringue qui est poussée par un pousse-seringue. Puis un capillaire est connecté à l’aiguille au bout de la seringue et une tension positive est appliqué entre la seringue et une feuille d’aluminium (à tension=0), placée en dessous du capillaire pour collecter les particules pulvérisées. Leur taille est influencée par le débit et la tension appliqués. Puis, ces particules sont incubées dans le propan-2-ol, ce qui transforme la forme de sphérique en biconcave et discoïdale. Le même effet peut être obtenu en mettant le PLGA et le propan-2-ol dans deux seringues différentes avant d’effectuer le processus de « jetting électrodynamique ».
Ensuite, des polymères anioniques et cationiques sont ajoutés à leur surface de manière alternative. Après le dépôt d’un certain nombre de couches, la réticulation est réalisée pour renforcer la stabilité. Le noyau en PLGA est ensuite dissous en utilisant un mélange de tétrahydrofurane (THF)/propan-2-ol, ce qui donne des microcapsules de même forme que les GRs. Basée sur le même principe, d’autres matériaux peuvent aussi être choisis pour construire le noyau et les couches. Par exemple, She et al. utilisent des particules d’hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) préalablement traitées par du sulfate de dextran, comme noyau (She et al. 2013). En outre, la méthode « LbL » est performante pour retrouver les propriétés des GRs comme la taille, la forme, le module élastique et les fonctionnalités. Cependant, le processus comprend plusieurs étapes physiques et chimiques ce qui prend quelques jours pour une préparation. De plus, l’utilisation de produits chimiques toxiques comme le THF demande des précautions supplémentaires pendant la préparation. L’étude des méthodes existantes de préparation de mimes de GRs montre les avantages d’une part de l’émulsification en termes de quantité de microparticules produites dans un temps court et de simplicité de mise en oeuvre et d’autre part des techniques « digitales » en termes de contrôle en taille, en forme et en propriétés des microparticules. Cependant, pour les applications en mesures optiques et ultrasonores, nous sommes surtout intéressés par la production d’une grande quantité de microparticules monodisperses avec une taille et des propriétés mécaniques contrôlées proches des GRs et sans présence de tensioactifs.
Choix de l’hydrogel
Les hydrogels sont définis par « des réseaux polymères réticulés hydrophiles, capables d’absorber et de garder une quantité significative d’eau dans leur structure » (Rosiak and Yoshii 1999) (Hoffman 2012) (Caccavo et al. 2018). Ainsi ils peuvent présenter des propriétés mécaniques variées suivant le taux de réticulation et/ou la teneur en eau. Ce sont donc des matériaux adaptés pour mimer les GRs. La définition ci-dessus se focalise sur la structure chimique et l’interaction avec l’eau, mais sans imposer l’existence d’eau à l’intérieur. C’est pour cette raison que la nomination de « hydrogel sec » est trouvée dans certaines publications (Fonteno and Bilderback 1993) (Satarkar and Zach Hilt 2007) (Hoffman 2012). D’ailleurs, on mesure la capacité de gonflement des hydrogels, en comparant l’hydrogel avant et après hydratation (Lee et al. 2000) (Wu et al. 2018). Ainsi, deux propriétés sont reconnues pour les hydrogels :
1) les hydrogels gonflent en présence d’eau dû aux groupes fonctionnels hydrophiles ;
2) les hydrogels ne se dissolvent pas dans l’eau dû à la structure du réseau formé après gélification (processus qui est détaillé en III.
3.) (Ahmed 2015). Les hydrogels sont activement étudiés depuis plus de 50 ans, dans des domaines variés comme en biomédical et en pharmaceutique (Maitra and Shukla 2014) (Ahmed 2015).
La première application biologique d’hydrogels a été publiée en 1960 par (Wichterle and Lim 1960), en tant que matériau compatible avec les tissus, capable de contenir de l’eau et perméable aux métabolites. Ces propriétés de biocompatibilité et de similarité avec la structure intracellulaire ont ainsi motivé l’utilisation des hydrogels en biomédecine (Hoffman 2012) (Agüero et al. 2017) et en ingénierie tissulaire (Lee and Mooney 2012). Avec le développement des technologies biomédicales, les microparticules d’hydrogel sont souvent utilisées comme matrice pour encapsuler des agents bioactifs (médicaments, protéines, cellules, etc.). Ces agents sont ainsi protégés avant d’être libérés. L’encapsulation peut aussi fournir un environnement in vivo qui permet la prolifération des cellules pour réparer ou régénérer des tissus, mais aussi pour générer des produits biomédicaux (Utech et al. 2015). Grâce à la biocompatibilité des hydrogels, il n’y a pas d’irritation ou de rejet par le système immunitaire du patient, ce qui garantit la réussite de la circulation dans le corps et de la libération des objets encapsulés.
Mélange après la génération de gouttes
Pour mélanger l’alginate et le cation après la génération des gouttes, Xu et al. ajoutent une entrée supplémentaire d’eau au moment du mélange, jouant le rôle de tampon entre les 2 solutions d’alginate et de cation, ce qui permet d’éviter le contact direct entre alginate et Ca2+ dans le canal (Figure 24 (a)). Ce fluide est ensuite « pincé » par deux flux d’octanol par « flow-focusing », générant des gouttes d’alginate de calcium (Ca-alginate). Dans le canal en forme de serpentin qui suit, la gélification a lieu transformant les gouttes en microparticules qui sont monodisperses (Figure 24 (b)). Une autre méthode consiste à faire fusionner une goutte d’alginate et une goutte de CaCl2 (Liu et al. 2006). Dans une puce en PDMS (Figure 25 (a)), les gouttes d’alginate (Figure 25 (b)) et celles de CaCl2 (Figure 25 (c)) sont générées séparément dans de l’huile de soja par « flow-focusing ». Elles se rejoignent dans une jonction en T et deux chambres circulaires successives (Figure 25 (d, e)) permettent de les fusionner. Puis les gouttes du mélange gélifient dans le canal. En variant les débits et la géométrie des canaux, des microparticules de gel de différentes formes et tailles sont obtenues (Figure 25 (f)).
Cependant, afin de garantir l’homogénéité de la composition des microparticules, la fusion des gouttes doit être effectuée de manière reproductible, ce qui demande beaucoup d’essais. Cette méthode est donc relativement compliquée à mettre en oeuvre. Une méthode alternative de fusion consiste à faire rencontrer les gouttes d’alginate avec un flux de cation. La Figure 26 montre le montage pour envoyer un flux de solution aqueuse de BaCl2 dans des gouttes aqueuses d’alginate générées par « flow-focusing » en amont (Figure 26 (a)) (Trivedi et al. 2010). Comme l’énergie interfaciale entre l’huile et les phases aqueuses est importante, à chaque passage de gouttes, le flux de solution de BaCl2 préfèrera fusionner avec la goutte d’alginate. L’efficacité de la fusion est validée à l’aide d’un colorant (Figure 26 (b)). 38 Figure 26. (a) Montage pour la génération de gouttes d’alginate dans de l’huile de silicone en utilisant des capillaires en Téflon. (b) Un flux de BaCl2 dans une jonction en T (Trivedi et al. 2010) Le risque de cette méthode est la génération de gouttes de BaCl2 entre les gouttes d’alginate (Trivedi et al. 2010). C’est le cas lorsque l’huile est peu visqueuse ou lorsque l’énergie interfaciale entre l’huile et les phases aqueuses est faible. Pour chaque méthode présentée, les gouttes du mélange (alginate + cation) gélifient rapidement, avant que la diffusion de cation soit homogène dans les microparticules (Utech et al. 2015). Ainsi la structure interne des microparticules ne doit pas être homogène. Pour ralentir la gélification, il faut que le cation soit libéré lentement dans les gouttes du mélange.
Forme inactive du cation dans l’élément X2+Y2- Zhang et al. utilisent du carbonate de calcium (CaCO3) dont le cation Ca2+ est libéré seulement en présence d’un pH acide (Figure 27 (a)) (Zhang et al. 2007). Ils dispersent du CaCO3 dans la solution d’alginate. Ce mélange aqueux est émulsifié par de l’huile de soja par « flow-focusing », donnant des gouttes d’alginate/CaCO3 (Figure 27 (b)). Comme l’huile contient de l’acide acétique, le pH diminue et les cations Ca2+ sont libérés du CaCO3, déclenchant la gélification de l’alginate. Les microparticules de gel sont alors formées et collectées dans l’huile (Figure 27 (c)). Cependant, ils observent que les microparticules se dissolvent dans l’eau. De plus les modules de Young mesurés sont faibles (𝑬=3,9±0,19kPa). Ceci est dû à une gélification insuffisante dans le canal microfluidique. La gélification peut être renforcée en ajoutant du CaCO3. Mais l’ajout de CaCO3 risque de produire des agrégats, ce qui cause des problèmes de colmatage du canal. Le même principe est appliqué à la préparation de microparticules encapsulant des cellules (Akbari and Pirbodaghi 2014). Puisque le contact mécanique avec CaCO3 réduit la viabilité cellulaire, dans la puce microfluidique (Figure 28 (a)), le fluide de cellules coule en coaxial avec celui de CaCO3 afin de limiter le temps de contact entre les cellules et le CaCO3 (Figure 28 (b)).
L’huile de fluorocarbure contenant du tensioactif est ensuite ajoutée par « flow-focusing » pour générer des gouttes. Après la collection, l’acide acétique est ajouté pour réaliser la gélification « off-chip » (Figure 28 (c)). Dans ce cas-là, des agrégats de CaCO3 sont présents de manière non homogène dans le canal. Par conséquent, la quantité de calcium varie pour chaque microparticule, ce qui cause l’inhomogénéité en termes de la composition. Afin de régler ce problème, Utech et al utilisent le Ca-EDTA, complexe de Ca2+ de l’EDTA (éthylènediaminetétraacétique) qui est soluble dans l’eau (solubilité relativement faible) comme source de Ca2+. En pratique, le Ca-EDTA est d’abord dissous dans une solution d’alginate marqué par de l’isothiocyanate de fluorescéine (FITC), pour être visualisé en microscopie de fluorescence. Ensuite, dans un dispositif microfluidique (Figure 29 (a)), les gouttes d’alginate/Ca-EDTA sont générées dans l’huile fluorée de carbone qui contient du tensioactif, par « flow-focusing » (Figure 29 (b)). L’acide acétique ajouté dans l’huile libère le Ca2+ du Ca-EDTA (Figure 29 (c)), conduisant à la gélification (Figure 29 (d)). Grâce à la solubilité de Ca-EDTA, la distribution de calcium est homogène dans les gouttes. Cela garantie l’uniformité de la composition ainsi que la structure interne (Figure 29 (e)).
Résumé |