Les modifications physiologiques au cours de la grossesse
La grossesse est un état physiologique qui s’accompagne d’un certain nombre de modifications qui concernent tous les organes et fonctions à des degrés divers. Ces changements sont imposés aussi bien par le développement du produit de conception, par les modifications hormonales que par les rôles endocriniens que joue le placenta. Ces modifications s’accentuent au fur et à mesure que la grossesse évolue, elles doivent être connues par tout intervenant dans la prise en charge des femmes enceintes.
Modifications cardiovasculaires
Il y a une augmentation de la volémie de 40%, qui fait augmenter le travail du cœur. La tension artérielle a tendance à baisser par diminution des résistances vasculaires systématiques. Ces modifications apparaissent dès les premières semaines de gestation et deviennent significatives à la fin du premier trimestre. Le retour à l’état normal se fait progressivement après l’accouchement pour revenir à l’état basal vers le sixième mois du post partum. Le syndrome aorto‐cave se manifeste chez la femme enceinte en décubitus dorsal. En effet, la compression de la veine cave inférieure et l’aorte par l’utérus gravide à terme , est responsable de baisse de retour veineux vers le cœur droit donc baisse de débit cardiaque. Ce qui se traduit par : une hypotension, une tachycardie, une pâleur et même un évanouissement. Ce syndrome se voit chez 10% des gestantes à terme. Le simple passage en décubitus latéral gauche permet d’améliorer l’état hémodynamique de la gestante.
Modifications respiratoires
La ventilation minute augmente dès le premier trimestre, par augmentation de divers volumes pulmonaires : volume courant , capacité vitale et la fréquence respiratoire. Cette augmentation qui est de 30% dès la septième semaine d’aménorrhée atteint 50% à terme de la grossesse. L’augmentation de la fréquence respiratoire et du volume courant aboutira par l’augmentation de la ventilation alvéolaire à l’alcalose respiratoire chez la femme enceinte par balayage du C02.
L’augmentation du volume utérin tend à réduire la compliance thoracique ainsi que la capacité résiduelle fonctionnelle , ce qui limite les réserves en oxygène de la femme enceinte. Comme cette dernière connaît une augmentation de sa consommation d’oxygène, elle ne pourra supporter une apnée de plus de 60 secondes. L’engorgement mammaire peut gêner la mise en place du laryngoscope lors de l’intubation trachéale. L’hyper oxygénation maternelle avec une PaO2 même à 600 mm Hg produit rarement une PaCO2au‐dessus de 45 mm Hg et jamais au‐delà de 60 mm Hg chez le fœtus. Les raisons de ce large gradient sont dues à la grande consommation d’oxygène par le placenta et à l’inégale distribution du débit sanguin materno‐fœtal dans le placenta.
Modifications digestives
Au fur et à mesure que l’utérus augmente de volume, alors qu’il était un organe pelvien, il devient abdominal puis même thoraco‐abdominal à terme. L’orientation de la courbure de l’estomac change et tend à s’horizontaliser modifiant l’angle de la jonction œsogastrique, ceci ajouté à la compression de l’estomac par l’utérus ainsi que la baisse du tonus du bas œsophage explique la fréquence des régurgitations au cours de la gestation. La sécrétion supplémentaire de la gastrine par le placenta augmente le volume et l’acidité du suc gastrique. Toutes ces modifications aussi bien anatomiques qu’hormonales expliquent le risque d’inhalation bronchique devant toute perte de connaissance pharmacologique (anesthésie) ou pathologique (tout coma, notamment l’éclampsie). Ces régurgitations sont accentuées lorsque la patiente se met en décubitus dorsal : la femme enceinte pourrait être assimilée à « une bouteille pleine » qui se déverse une fois devenue horizontale.
Modifications hématologiques et hémostatiques
Malgré l’augmentation du volume globulaire, on décèle une anémie dite de dilution, car l’augmentation du volume plasmatique est plus importante que celle des globules rouges. Le taux des plaquettes est bas, et sur une grossesse normale, ce taux ne doit pas imposer de bilan plus approfondi. Cette thrombopénie s’explique par l’hémodilution physiologique et par un mécanisme immunologique. Burrows a noté lors des grossesses normales à terme un taux inférieur à 100 000 mm dans 5,1% des cas et dans sa série de 334 patientes avaient un taux à 34 000/mm sans conséquences cliniques pour la mère et pour le nouveau‐né. Les facteurs de la coagulation sont augmentés durant la grossesse.
Modifications rénales
Le débit sanguin rénal augmente de 40 à 90% et la filtration glomérulaire de 50 à 60% par rapport aux valeurs d’avant la grossesse. Ces valeurs augmentent la clairance de la créatinine. Ainsi, les limites supérieures des valeurs de l’urémie et de la créatinémie sont diminuées de 40%, c’est alors qu’une créatininémie de 12 mg/l pourrait être considérée comme pathologique chez la femme enceinte. Si la réabsorption tubulaire de l’eau et des électrolytes augmente de façon proportionnelle avec le débit de filtration glomérulaire, il n’en est pas de même avec le glucose où l’on constate habituellement une glycosurie.
Description des principales complications obstétricales
complications liées à hypertension artérielle
L’hypertension artérielle gravidique est définie par une hypertension artérielle (Pression artérielle systolique ≥ 140 mm Hg et/ou pression artérielle diastolique ≥ 90 mm Hg) survenant après la 20ème semaine d’aménorrhée et disparaissant avant la 6 ème semaine du post‐partum. La pré éclampsie ou toxémie gravidique est définie par l’association hypertension artérielle gravidique et protéinurie (> 0,3 g/24 h). Les taux d’incidence de la Pré éclampsie sont variables et semblent supérieurs aux États‐Unis, d’où proviennent la majorité des études, par rapport à certains pays d’Europe et notamment la France, où l’incidence est estimée entre 1 et 3 % des grossesses chez les nullipares et entre 0,5 et 1,5 % chez les multipares . En cas d’hypertension artérielle gravidique , le risque de développer une pré éclampsie semble compris entre 15 et 25%.La pré éclampsie est une complication spécifique de la grossesse humaine. Sa physiopathologie n’est pas complètement connue mais elle semble associer plusieurs étapes avec, tout d’abord, une hypo perfusion placentaire liée en grande partie à des anomalies d’invasion trophoblastique. Cette ischémie placentaire induit une dissémination de produits toxiques dans la circulation maternelle (radicaux libres, lipides oxydés, cytokines, facteurs de l’angiogenèse…), d’où une dysfonction endothéliale caractérisée par une activation des cellules endothéliales et une augmentation de la perméabilité vasculaire, conduisant aux signes clinicobiologiques de la pathologie . La pré éclampsie s’accompagne des complications diverses, touchant à la fois la mère et l’enfant. Ces complications maternelles sont notamment, outre l’éclampsie et le HELLP syndrome, l’hématome rétro placentaire, l’accident vasculaire cérébral, la coagulation intra vasculaire disséminée, l’œdème pulmonaire et le syndrome de détresse respiratoire aigu, l’insuffisance rénale aiguë, et dans les cas extrêmes, le décès .
La prééclampsie sévère
La Conférence d’experts de la société française d’anesthésie et de réanimation a retenu comme définition d’une forme grave (10 % des pré éclampsies) : – une pré éclampsie dont l’hypertension artérielle est sévère (pression artérielle systolique ≥ 160 mmhg et/ou pression artérielle diastolique≥110 mmhg) ;
– ou une pré éclampsie dont l’hypertension artérielle est modérée, mais associée à un ou plusieurs des symptômes suivants : douleur épigastrique, nausées, vomissements, céphalées persistantes, hyper réflectivité ostéotendineuse, troubles visuels, protéinurie supérieure à 3,5 g/j, créatininémie supérieure à 100 μmol/L, oligurie inférieure à 20 ml/h, hémolyse, ASAT supérieures à trois fois la normale, thrombopénie (< 100000 plaquettes/L). [Eclampsie L’éclampsie est une complication redoutable de la toxémie gravidique. Elle représente l’une des principales causes de mortalité maternelle dans les pays en voie de développement. La crise peut survenir en prépartum dans 60 à 70% des cas, en perpartum dans 10 à 15% des cas et en post partum dans 20 à 25% des cas.C’est une crise convulsive tonicoclonique équivalente au grand mal épileptique évoluant en 4 phases : ‐une phase d’invasion : très brève, elle n’excède pas 30 secondes, et se caractérise par l’apparition de secousses fibrillaires touchant d’abord la face puis atteignant le cou et les membres supérieurs ‐une phase tonique : également brève (20 à 30 secondes) avec contracture de tous les muscles du corps (tête renversée, tronc cambré, membre supérieur en flexion, membre inférieur en extension), cyanose due à l’apnée et parfois morsure de langue) ‐ une phase clonique : marquée par des convulsions qui intéressent la moitié supérieure du corps. Il n’y a pas de perte d’urines. Cette période peut durer plus d’une minute.