Les modèles en lien avec le perfectionnisme
À partir des années 1990, l’ intérêt envers le perfectionnisme continue de grandir et plusieurs auteurs réfléchissent à des modèles visant à mieux le décrire. Parmi ces modèles, Frost et al. (1990) et Hewitt et Flett (1991) se démarquent en expliquant ce concept à travers des modèles multidimensionnels. Les modèles de ces auteurs suggèrent l’implication d’ une composante personnelle et d ‘ une composante interpersonnelle. Le modèle de Frost et ses collaborateurs (1990) comporte six dimensions: les standards personnels, l’organisation, l’ inquiétude sur les erreurs, les doutes concernant les actions, les attentes parentales et les critiques parentales. Les deux premières correspondent aux dimensions personnelles et les suivantes aux dimensions interpersonnelles. Le modèle de Hewitt et Flett, pour sa part, propose de définir différents traits perfectionnistes et il comprend trois composantes: le perfectionnisme orienté vers soi (POS), le perfectionnisme imposé aux autres (PIA) et le perfectionnisme socialement prescrit (PSP). Le POS signifie que l’ individu s’ impose des hauts standards d’ excellence, alors que le PIA suppose qu ‘ il les impose aux autres et qu ‘ il a tendance à critiquer leurs comportements lorsque ces standards ne sont pas atteints. Enfin, le PSP implique que l’ individu a l’impression que les autres s’ attendent à ce qu ‘ il performe selon des standards élevés.
Bien que ces modèles soient toujours utilisés dans certaines études, la littérature entourant le perfectionnisme suggère désormais que le perfectionnisme est mieux compris à travers deux grands facteurs, soit la fixation de standards élevés et les préoccupations pour les erreurs (Gaudreau & Thompson, 2010; Stoeber & Otto, 2006). Plus précisément, des analyses factorielles ont mis en évidence que les dimensions du perfectionnisme proposées par les différents auteurs présentés ci-haut se regroupent à l’ intérieur de ces deux facteurs. Ainsi, le facteur 1 (standards personnels élevés) comprend les dimensions « standards personnels », « organisation », « perfectionnisme orienté vers soi » et « perfectionnisme orienté vers les autres » alors que le facteur 2 (préoccupations pour les erreurs) comprend les dimensions « préoccupations pour les erreurs », « attentes parentales », « doutes concernant les actions », « critiques parentales » et « perfectionnisme socialement prescrit » (Frost, Heimberg, Holt, Mattia, & Neubauer, 1993). Des études subséquentes ont démontré que le facteur 1 (recherche de hauts standards) est associé, entre autres, à des affects positifs (Frost et al., 1993), à moins de détresse (DiBartolo, Li, & Frost, 2008), à une meilleure efficacité, à la réussite et à la motivation académique, alors que le facteur 2 (préoccupations pour les erreurs) est associé à la dépression et aux affects négatifs (Frost et al., 1993) et à davantage de symptômes psychopathologiques (Dibartolo et al., 2008).
L’étude du perfectionnisme par comparaison de groupes
La nouvelle conception du perfectionnisme à travers les deux facteurs a également amené les chercheurs à étudier ce construit par comparaison de groupes. Ainsi, selon Gaudreau et Thompson (2010), le croisement des facteurs permet de créer quatre groupes de perfectionnistes: le groupe standards personnels purs, le groupe des profils mixtes, le groupe des préoccupations pures et le groupe des non perfectionnistes. Le groupe des standards personnels purs comprend des individus qui présentent une tendance sur le facteur 1 (recherche de hauts standards) sans le facteur 2 (préoccupations pour les erreurs), le groupe des profils mixtes comprend ceux qui présentent les deux facteurs, les individus du groupe des préoccupations pures présentent une tendance sur le facteur 2 sans le facteur 1 et le groupe des non perfectionnistes comprend les gens qui ne présentent aucun des facteurs.
Selon Gaudreau et Thompson (2010), le groupe des standards personnels purs est associé à des affects positifs, à la satisfaction et à la réussite académique ainsi qu’à un niveau plus élevé d’ autodétermination dans le parcours académique. Les auteurs soutiennent que ce groupe se distingue par son niveau élevé d’ internalisation des standards perfectionnistes. Les gens présentant des standards perfectionnistes purs auraient davantage tendance à s’ investir dans des activités qui concordent avec leur système de valeurs et qui les dirigent vers l’accomplissement de leurs objectifs personnels. Le groupe des individus ayant un profil mixte, pour sa part, est défini comme ayant une forme d’internalisation partielle, c’est-à-dire que les standards perfectionnistes proviennent à la fois de standards personnels et de la perception d’une pression sociale. Le groupe des préoccupations pures, quant à lui, est caractérisé par des standards perfectionnistes régulés uniquement de façon externe. En d’ autres mots, les standards imposés sont exclusivement motivés par une pression sociale, accompagnée de comportements d’évitement et d’ une crainte d’échouer. Enfin, le groupe des non perfectionnistes se distingue par le fait que les individus n’ont pas tendance à se fixer des standards perfectionnistes et qu’ils ne perçoivent aucune pression sociale à l’ excellence.
Les deux grands facteurs du perfectionnisme ainsi que l’étude du perfectionnisme par comparaison de groupes ont permis de revenir à la conception du perfectionnisme présentée par Hamachek (1978), selon laquelle certains perfectionnistes peuvent être adaptatifs, alors que d’autres seraient « névrosés » ou « malsains ». Ainsi, considérant qu’ un perfectionniste peut être sain ou non, il devient pertinent de tenter de comprendre les éléments qui permettent de distinguer ce qui fait que certains individus subiront des conséquences du perfectionnisme alors que d’ autres non. Parmi cette recherche de distinctions, on remarque un intérêt pour les émotions (Damian et al., 2014; Fedewa, Burns, & Gomez, 2005; Stoeber et al., 2007; Stoeber, Kempe, & Keogh, 2008; Tangney, 2002).
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