LES MESURES PRÉVENTIVES D’UN ENLÈVEMENT D’ENFANT
Un enlèvement d’enfant peut être évité par le biais de mesures préventives. Celles-ci s’avèrent malheureusement parfois insuffisantes et n’empêchent pas toujours la commission de l’enlèvement. Le parent qui craint l’enlèvement de son enfant par l’autre parent n’est pas dénué de moyens. En effet, différents intervenants se trouvent à sa disposition. Il existe tout d’abord des associations qui ont pour objectif d’accompagner les parents en conflit, notamment par la médiation. Cette dernière peut s’avérer utile et aider à prévenir un enlèvement à un stade très précoce du conflit relatif aux enfants3. Si l’un des parents souhaite s’installer à l’étranger avec l’enfant après la séparation du couple, le déménagement et les conditions d’exercice du droit d’hébergement peuvent être envisagés en médiation4. L’association Child Focus5, connue pour apporter son aide en cas d’enlèvements d’enfants, est également compétente en ce qui concerne la prévention de ces enlèvements6. Les parquets et les services de police peuvent également intervenir afin de prévenir un enlèvement et l’éviter. Leurs interventions peuvent avoir lieu indépendamment de toute poursuite pénale. « Sans même qu’une plainte ne soit déposée, la police est compétente pour accomplir certains devoirs, par exemple pour procéder à des auditions ou mener des investigations »7.
Les parents peuvent s’adresser au juge afin que celui-ci ordonne des mesures destinées à éviter l’enlèvement. L’hébergement de l’enfant peut tout d’abord faire l’objet d’un encadrement, par exemple par le biais d’une décision confiant l’hébergement principal de l’enfant au parent qui a connaissance de l’intention de l’autre parent de déménager à l’étranger8. La reconnaissance de décisions belges à l’étranger offre également certaines garanties10. Une décision rendue en Belgique statuant sur l’hébergement de l’enfant, reconnue en dehors du pays, permet, en cas de non-retour de l’enfant suite à une période d’hébergement à l’étranger, au parent resté en Belgique de faire directement appel aux autorités de l’État étranger afin de récupérer son enfant11. Le juge de paix d’Uccle, le 26 octobre 1995, a fait usage de cette possibilité en subordonnant la décision relative à l’exercice du droit de visite du père à l’obtention de l’exequatur de cette décision auprès des juridictions algériennes12. À cet égard, le Règlement Bruxelles IIbis instaure une innovation. Conformément à l’article 21 de ce Règlement, les décisions rendues dans un État membre, hors Danemark, sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure13. Quant à l’exécution des décisions rendues dans un État membre sur l’exercice de la responsabilité parentale à l’égard d’un enfant, elles sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée14. Il s’agit d’une procédure d’exequatur simplifiée15.
Une décision judiciaire statuant sur l’hébergement de l’enfant mineur laisse la porte ouverte à l’application de l’article 432 du Code pénal réprimant le délit de non-représentation d’enfant, étant donné que cette décision est un des éléments constitutifs de cette infraction. La mesure préventive à l’enlèvement prise par le juge belge consistant à statuer sur l’hébergement de l’enfant interagit dès lors positivement avec l’application de l’article 432 du Code pénal. Cette décision semble être devenue inutile car en Belgique, l’autorité parentale est conjointe à défaut de décision judiciaire contraire, c’est-à-dire que les deux parents doivent prendre ensemble les décisions importantes concernant leur enfant19. Un des parents ne pourrait donc pas décider de transférer la résidence de l’enfant à l’étranger sans avoir obtenu préalablement le consentement de l’autre parent20. Cette mesure d’interdiction conserve toutefois un intérêt sous deux angles : d’une part, elle permet de faire procéder par les autorités policières à un signalement préventif national et international du parent interdit de déplacement et d’autre part, elle peut être assortie d’une astreinte21. Par contre, l’interdiction faite à certains parents d’emmener leur enfant avec eux en vacances dans leur pays natal peut s’avérer contre-productive et même avoir pour effet d’inciter à l’enlèvement22. Les juges sont dès lors prudents en présence d’une demande d’interdiction de tout séjour à l’étranger d’un enfant, comme le démontre l’ordonnance du tribunal de la jeunesse du 9 avril 199123. Le tribunal souligne d’abord que les deux parents sont d’origine yougoslave et peuvent être amenés à se rendre en Yougoslavie avec l’enfant lors de périodes de vacances24. Ensuite, le tribunal fait mention que cette possibilité de se rendre dans le pays d’origine avec l’enfant commun ne semble pas avoir causé de difficultés alors que les parents sont séparés depuis trente-cinq mois25. Pour ces raisons, le tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’interdire au défendeur de quitter le territoire de la Belgique en compagnie de l’enfant commun sans l’accord exprès de la demanderesse26.