Les Mémoires magnétiques à accès aléatoire (MRAM)

En électronique, la charge électrique de l’électron a longtemps été la seule propriété fondamentale utilisée dans le traitement de l’information. Dans les années 1980, des découvertes sur les phénomènes de transport d’électrons dépendant du spin ont donné naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui la spintronique [2]. La spintronique est un nouveau paradigme pour le stockage d’informations et le traitement logique utilisant une autre propriété fondamentale de l’électron : le spin. L’information est portée à travers les spins de l’électron en lieu et place de sa charge électrique. L’information est contenue dans l’orientation magnétique relative des spins (« up » ou « down ») par rapport à une référence (par exemple l’orientation magnétique d’une couche ferromagnétique). La détection de l’orientation magnétique relative des spins se fait en utilisant les propriétés de transport d’électrons à travers ces matériaux semi-conducteurs ferromagnétiques. Comparés aux dispositifs à semi conducteurs classiques, les dispositifs de la spintronique sont potentiellement plus rapides, plus économes en énergie et plus denses en plus de leur non volatilité [3].

La MRAM est le fruit de recherches menées dans le domaine de la spintronique qui ont déjà abouti à de grandes avancées dans le domaine du stockage d’information. Une des plus importantes avancées est l’invention de la vanne de spin [4] utilisée dans les disques durs et qui a permis d’augmenter la densité et d’accroitre significativement la quantité d’information pouvant y être stockée.

La spintronique 

Le terme « spintronique » résulte de la contraction de deux mots « spin » et «électronique » faisant référence à l’électronique de spin. Le spin est une propriété quantique intrinsèque associée à une particule, qui est caractéristique de la nature de la particule au même titre que sa masse et sa charge électrique. Par analogie le spin peut être vu comme étant l’équivalent quantique du moment angulaire intrinsèque d’une particule élémentaire en physique classique [5].

Les électrons ont une charge et un spin mais, pendant longtemps, charge et spin ont été utilisés séparément. L’électronique classique ignore le spin et déplace les électrons en agissant seulement sur leur charge tandis que la spintronique ou l’électronique de spin, est une technique qui associe contrôle de courants de spins et de charges dans des nouveaux dispositifs intégrables aux circuits de la microélectronique. Le spin d’un électron peut avoir deux états : spin « up » ou spin « down ». Il est communément décrit comme étant la « rotation » de l’électron sur lui même : la rotation dans un sens correspond au spin up et dans l’autre sens au spin down.

Dans un matériau, c’est le spin des électrons qui est responsable de ses propriétés magnétiques. Ainsi, dans un matériau conducteur classique tel que le cuivre ou l’aluminium, les moments magnétiques sont désordonnés on dit que c’est un matériau paramagnétique . Par contre dans un matériau comme le fer ou le nickel, les moments magnétiques sont tous alignés dans la même direction et orientés dans le même sens, ce qui se traduit par une aimantation non nulle à l’échelle macroscopique au sein du matériau. Ce type de matériau est dit ferromagnétique . Enfin dans un matériau antiferromagnétique  tel que le chrome, les moments magnétiques sont parallèles entre eux mais avec des orientations opposées au voisinage. Ce qui se traduit par une aimantation nulle à l’échelle macroscopique.

Lorsqu’un courant électrique traverse une couche ferromagnétique, les électrons à travers leurs spins sont filtrés en fonction du sens de l’aimantation du matériau. En effet, les électrons qui ont leursspins orientés dans la même direction que ceux du matériau, traversent plus facilement la couche ferromagnétique que ceux qui ont leurs spins orientés dans la direction opposée. Ce phénomène a été mis en évidence par William Thomson en 1856 à travers la magnétorésistance anisotrope (AMR, anisotropic magnetoresistance) grâce à des expériences sur le fer et le nickel.

Le concept général de la spintronique est de placer des matériaux ferromagnétiques sur le trajet des électrons et d’utiliser l’influence du spin sur la mobilité des électrons dans ces matériaux. Cette influence, d’abord suggérée par Mott [8] en 1936, a été ensuite démontrée expérimentalement et décrite théoriquement à la fin des années 60 [9] [10].

Le développement de la spintronique a permis la découverte de la magnétorésistance géante (GMR, giant magnetoresistance) en 1988 par deux groupes de chercheurs dirigés respectivement par Albert Fert et Peter Grunberg, de façon indépendante, et qui leur a valu le prix Nobel de physique en 2007 [11] [12]. Le phénomène de la GMR intervient dans des structures qui alternent des couches ferromagnétiques (FM) et des couches non magnétiques (NM).

Le groupe de Albert Fert a étudié la magnétorésistance de trente à soixante structures composées de fer et de chrome (Fe / Cr) empilés et a observé un facteur de presque 2 entre les résistivités des structures sous champ magnétique externe nul et les résistivités des structures sous champ magnétique externe saturé  .

D’autre part, le groupe de P. Grünberg a étudié la magnétorésistance d’une structure composée de Fe / Cr / Fe et a constaté qu’un alignement antiparallèle de l’aimantation des deux couches Fe augmente la résistivité électrique, bien plus que l’effet AMR.  Lorsque le spin des électrons est parallèle à la direction d’aimantation de la couche FM (Fe), les électrons sont faiblement dispersés (traversent facilement les couches FM) et la couche FM présente une faible résistance. D’autre part, lorsque le spin des électrons est antiparallèle à la direction d’aimantation de la couche FM, les électrons ont une forte diffusion et la couche FM présente une grande résistance.

En absence de champ magnétique externe, la structure FM / NM / FM présente un comportement antiferromagnétique c’est-à-dire que les aimantations des deux couches FM s’opposent. Dans une telle structure, les électrons de spin up et les électrons de spin down auront une forte diffusion car ils devront nécessairement traverser une couche avec une aimantation antiparallèle au spin. Alors la résistivité électrique de la structure est grande. Par contre lorsqu’un champ magnétique externe est appliqué de sorte à ce que les deux couches FM soient alignées dans la même direction, les électrons dont le spin est parallèle à l’aimantation des couches FM seront faiblement dispersés. Dans ce cas, la résistivité électrique est faible par rapport à la configuration antiparallèle de la structure.

Une conséquence de la découverte de la GMR a été l’invention de la vanne de spin. Dans ce cas, le dispositif est constitué de plusieurs couches minces. Le plus simple est 3 couches minces : deux couches ferromagnétiques séparées par une couche non ferromagnétique conductrice. Une des deux couches ferromagnétiques a une aimantation fixe. C’est la couche de référence. L’autre couche ferromagnétique a une aimantation libre, c’est la couche de stockage, on peut donc l’orienter dans les deux directions, parallèle ou antiparallèle à celle de la couche de référence, en appliquant un champ magnétique externe. On change donc l’orientation de la couche de stockage en fonction de la donnée à écrire. Pour lire l’information, il suffit de faire passer un courant à travers l’empilement et déterminer si l’on a une faible ou une forte résistance. Cette invention a permis d’accroitre fortement la densité des disques durs actuels et est la principale application industrielle de la spintronique. Ce pendant la différence de résistance que l’on peut obtenir avec un tel dispositif ne dépasse pas 20%. L’augmentation de cette différence de résistance a été possible avec la découverte de la magnétorésistance à effet tunnel (TMR, tunneling magnetoresistance).

Table des matières

Chapitre I Introduction Générale
1. Contexte
2. Objectif de la thèse
Chapitre II Les Mémoires magnétiques à accès aléatoire (MRAM)
1. Introduction
2. La spintronique
2.1. La Magnétorésistance à effet tunnel (TMR)
2.2. La Jonction tunnel magnétique (JTM)
3. Les technologies MRAM
3.1. Mécanisme d’écriture FIMS: Field Induced Magnetic Switching
3.2. Mécanisme d’écriture Toggle
3.3. Mécanisme d’écriture TAS: Thermally Assisted Switching
3.4. Mécanisme d’écriture STT : Spin Transfert Torque
3.5. Mécanisme d’écriture VCMA : Voltage-Controlled Magnetic Anisotropy
3.6. Mécanisme d’écriture SOT : Spin Orbit Torque
4. Conclusion
Chapitre III Générateur de nombres véritablement aléatoires à base de STT-MRAM
1. Introduction
2. Les générateurs de nombres pseudo aléatoires (PRNG)
2.1. Principe et fonctionnement des PRNG
2.2. Conception de PRNG
3. Les générateurs de nombres véritablement aléatoires (TRNG)
3.1. Les sources d’aléa et les différentes techniques d’extraction d’aléa dans les circuits électroniques
3.2. Méthodes de post-traitement des TRNG
3.3. Evaluation des générateurs de nombre aléatoires
4. TRNG à base de STT-MRAM
4.1. La revue des travaux dans la littérature
4.2. Environnement de conception hybride CMOS/STT-MRAM
4.3. Les amplificateurs de lecture
4.4. Comparaison des différentes cellules de lecture
4.5. Le circuit d’écriture
4.6. Système complet basé sur le spin dice
4.7. Flot de conception du TRNG
4.8. Caractérisation et test du démonstrateur
5. Conclusion
Chapitre IV Générateur de nombre véritablement aléatoire à base de TAS-MRAM
1. Introduction
2. Principe de fonctionnement
3. Outils et méthodes d’extraction d’aléa dans les TAS-MTJ
4. Instrumentation et expérimentation
4.1. Caractérisation de l’écriture des jonctions TAS-MTJ
4.2. Exploration de TRNG sur une jonction TAS
4.3. Utilisation des procédures de post-traitement pour améliorer la probabilité de sortie
4.4. Amélioration du biais à travers une boucle de contre réaction
5. Evaluation statistique des nombres aléatoires générées
6. Conclusion
Conclusion

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