L’immunité innée pendant la grossesse revue de la littérature et réflexions autour de la recherche maïeutique en Biologie
Depuis la loi Hôpital Patient Santé et Territoire du 21 juillet 2009, la formation initiale des sages-femmes peut être organisée au sein des universités ; ceci a conduit à renforcer l’universitarisation des études, avec la mise en place du cursus LMD Maïeutique à la rentrée 2010. Dans le référentiel métier des sages-femmes (Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes, 2010), il est précisé : le développement de « son esprit de recherche, dans son domaine professionnel ou en interdisciplinarité », et l’exercice de la « recherche de données conformes à la science » font partie intégrante des compétences transversales de la sage-femme. Elle y possède, de plus, aptitude à développer son « savoir-faire en méthodologie de recherche clinique » (Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes, 2010). Ainsi, elle peut être amenée à collaborer avec des équipes issues de différents grands domaines de recherche clinique, comme la périnatalité, la santé publique, ou translationnelle, comme différents secteurs de la Biologie, tels que l’immunologie.
La grossesse est ainsi un exemple unique de greffe semi-allogénique réussie (Association des Enseignants d’immunologie de langue française, 1989) : la moitié du patrimoine génétique foetal provenant du père, il existe un risque que les alloantigènes paternels exprimés par le foetus soient reconnus comme du Non-Soi par le système immunitaire maternel ; or, ceci est évité grâce au phénomène de tolérance immunitaire materno-foetal, mis en place dès le début de la période de gestation. Il s’agit d’un état de non-réponse contre des antigènes spécifiques (Roitt et al., 1985), qui va permettre au système immunitaire maternel de tolérer, et de protéger le foetus pendant les 9 mois de gestation, tout en continuant à défendre l’organisme de la mère contre les agressions. Ainsi, c’est un domaine au coeur de la pratique de la maïeutique, car il permet non seulement d’obtenir les clés de compréhension de la physiologie de la grossesse et de la tolérance materno-foetale, mais aussi d’apporter de nombreux éclairages sur les phénomènes et mécaniques à l’origine de pathologies rencontrées quotidiennement par les professionnels : on peut par exemple citer la pré-éclampsie, les infections per-partum comme la chorioamniotite, ou encore l’alloimmunisation anti- rhésus D.
Les objectifs de recherche de ce travail seront les suivants :
Pour rappel, le premier objectif de recherche de ce travail est : identifier les principaux mécanismes mis en jeu par les composants du système immunitaire inné maternel afin de tolérer et protéger la grossesse, en faisant un état des lieux des connaissances sur le sujet par une revue de la littérature. Une fois les documents collectés, deux étapes de tri ont été nécessaires afin de sélectionner les articles. Les grilles de lecture choisies sont celles de la Haute Aurorité de Santé (HAS) (Annexe I) d’une part, et deux grilles de lecture construites dans un second temps, respectivement spécifiques aux revues de synthèse (Annexe II) et aux articles originaux (Annexe III), d’autre part. Les documents restants à l’issue de cette première étape de tri, ont de nouveau été soumis à la suite de la grille dans un second temps : le résumé a été relu de façon plus approfondie, et ils ont par la suite été sélectionnés en fonction de leur nature. Les revues de synthèse ont été classées par ordre chronologique et par sujet (système immunitaire dans son ensemble, différents composants du système immunitaire inné), et la ou les plus récentes ont été sélectionnées dans chaque catégorie. Les articles originaux ont eux aussi été classés par ordre chronologique, une lecture des résultats a été faite, et seuls les plus récents, avec les résultats satisfaisants, ont été sélectionnés.
Limites et biais
Plusieurs biais peuvent être identifiés au sein de cette étude. Le premier est un biais de sélection. En effet, au vu du caractère large et peu discriminant de la question de recherche, il a fallu faire un choix au niveau des revues à sélectionner. Ceci a donc pu induir un biais dû au point de vue de l’auteur. De plus, l’accès payant de certains documents, ou l’éloignement géographiques de certains ouvrages (dans des bibliothèques universitaires hors Académie d’Aix-Marseille), ont été des facteurs discriminants dans le choix des documents pour ce travail, ce qui peut introduire un biais de sélection supplémentaire. La grossesse est un processus immunologique actif et hautement régulé : pendant 9 mois, l’organisme de la mère doit porter un foetus dont la moitié du capital génétique est celui de son père. C’est un état de greffe semi-allogénique. Il devrait donc être reconnu comme un corps étranger par le système immunitaire maternel, or il n’en n’est rien : de nombreux changements s’opèrent afin qu’il puisse tolérer le foetus, et que celui-ci soit protégé pendant les 9 mois de gestation.
Le placenta et le système immunitaire maternel sont étroitement liés, afin de mettre en place un environnement tolérant pour l’enfant à naître. Le pivot de tous ces changements est le trophoblaste*, qui est la principale cellule constituant le placenta. C’est le système immunitaire inné qui est en première ligne : les cellules Natural Killer (NK), les macrophages, et les cellules dendritiques. L’interface fœto-maternelle (IFM) est le site de contact entre la muqueuse utérine (appelée décidua pendant la grossesse) et les tissus extra-embryonnaires du complexe fœto-placentaire. Elle peut aussi être appelée l’interface materno-placentaire (IMP), selon les auteurs, comme par exemple Shawn L. Straszewski-Chavez et al., qui rappellent que ce sont les cellules placentaires, et non fœtales, qui intéragissent avec le système immunitaire maternel (Straszewski-Chavez et al, 2005).