Conception et développement d’outils immunologiques pour suivre et caractériser les réponses immunitaires induites par les vaccins contre l’allergie
L’allergie
Quelques points de repères historiqueses
Les maladies allergiques sont connues depuis l’Antiquité et sont rapportées par bon nombre d’anecdotes historiques et littéraires comme le choc anaphylactique du Pharaon Ménès (2650 avant JC), l’allergie aux squames de chevaux de l’empereur romain Britannicus (41 après JC) ou l’allergie aux fraises du roi Richard III d’Angleterre (1483). Les mécanismes de la réaction allergique ont toutefois constitué une énigme pendant de nombreuses années et l’histoire scientifique de l’allergie est essentiellement une histoire du XXe siècle. Les prémices de la compréhension des mécanismes de l’allergie démarrent en 1819 avec la description par John Bostock du rôle joué par les graminées dans le « rhume des foins » (catarrus aestivus). C’est toutefois Charles Blackley qui, par l’utilisation du premier test cutané, reconnut en 1871 les grains de pollen comme agents étiologiques. Ce n’est qu’en 1902 que commence vraiment l’histoire scientifique de l’allergie avec la découverte du phénomène d’anaphylaxie par Charles Richet et Paul Portier. Peu de temps après, en 1906, le médecin autrichien Clemens Von Pirquet introduit le terme d’allergie, dérivé du grec « allos » (autre, différent) et « ergia » (réaction) [Von Pirquet ; 1906]. Ce terme désigne pour la première fois une réaction inhabituelle de l’organisme à un stimulus généralement inoffensif rencontré pour la deuxième fois au moins. Il ne préjugeait alors pas du type de réaction immunologique et est devenu ensuite synonyme d’hypersensibilité. Le terme « maladie allergique » a été utilisé pour la première fois en 1911 par Arthur Coca et Robert Cooke. La même année, John Freeman et Leonard Noon appliquent la désensibilisation au pollinose [Noon ; 1911]. Quelques années plus tard, en 1923, Coca et Cooke introduisent le terme « d’atopie » pour désigner l’ensemble des manifestations cliniques associées aux maladies allergiques (rhinite, asthme, eczéma, urticaire) à l’époque inclassables dans les pathologies connues. Depuis la première description de « l’autre façon de réagir » au début du XX ème siècle, la compréhension de mécanismes de l’allergie a donné lieu à de nombreuses découvertes majeures. Citons ainsi, la découverte des cellules impliquées dans l’allergie, les mastocytes par Paul Ehrlich (Prix Nobel 16 1908) ; la mise en évidence du rôle de l’histamine dans l’anaphylaxie par Théodore Schultz et Henry Dale (Prix Nobel 1936) ; la découverte des IgE en 1967 par Kimishige Ishizaka et Gunnar Johansson [Ishizaka ; 1966] [Johansson ; 1967] et enfin, l’identification parmi les médiateurs chimiques, de substances pro-inflammatoires, chimiotactiques et bronchoconstrictives plus puissantes que l’histamine par Paul Samuelson, Sune Bergstrøm et John Vane (prix Nobel 1982). Malgré toutes ces découvertes majeures, ce n’est cependant qu’au cours de ces trentes dernières années que des avancées considérables ont été effectuées sur la compréhension des mécanismes immunologiques impliqués dans la réaction allergique.
Définition et prévalence de l’allergie
Les maladies allergiques se définissent par des manifestations cliniques médiées par un mécanisme immunologique excessif et inadapté, spécifique de l’agent de provocation : l’allergène [Godeau ; 1996]. Ces maladies sont dorénavant classées au 4ème rang mondial par ordre de fréquence selon l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S). Elles constituent pour le patient un handicap souvent important et posent un véritable « problème de santé publique » en terme de qualité de vie, de coût médicamenteux, voire de mortalité. La prévalence des maladies allergiques a considérablement augmenté au sein de la population ces dernières décennies. Elle atteint des niveaux records dans les pays occidentaux, où l’on estime qu’environ une personne sur quatre présente des symptômes cliniques d’allergie [Floistrup ; 2006](Figure I). L’étude ISAAC (International Study of Asthma and Allergies in Childhood) estime alors, qu’à l’horizon 2020, la moitié de la population mondiale sera allergique.A ce jour, les raisons de l’augmentation de la prévalence des maladies allergiques ne sont pas claires. Certains individus, étant donné leur prédisposition héréditaire, seraient plus susceptibles de développer une réponse allergique [Ring ; 2001]. D’autres facteurs comme le changement de style de vie (régime alimentaire, augmentation des voyages, augmentation des animaux domestiques) et 18 d’environnement (pollution de l’air, urbanisation croissante, tabagisme actif ou passif) sont incriminés [Umetsu ; 2002] [Kogevinas ; 2007] [D’amato ; 2008]. Il a ainsi été démontré que la pollution atmosphérique favorise la production de cytokines pro-allergiques (GM-CSF, CCL2) par les épithéliums mucosaux [Riedl ; 2008]. Notons aussi que le degré d’exposition aux allergènes eux-mêmes est proportionnel à la probabilité d’être sensibilisé (Figure II).
La «marche allergique»
Les allergies commencent dans la plupart des cas chez les jeunes enfants de 4 à 5ans. Les symptômes évoluent avec l’âge. Ainsi, l’histoire naturelle des maladies atopiques débute chez le nourisson par des symptômes d’allergie alimentaire qui vont ensuite avoir tendance à diminuer voire à disparaître. Les allergie aux acariens, aux poils de chien, de chat et d’autres allergènes de l’environnement domestique se développent ultérieurement, et apparaîssent ainsi plus fréquemment à l’âge préscolaire et scolaire. La rhinite allergique saisonnière et la sensibilisation aux allergènes polliniques s’installent à ce moment-là. Il existe ainsi un continuum dans les manifestations atopiques [Boguniewicz ; 2003]. Cette progression est souvent mentionnée sous le terme de « marche allergique » montrant que les manifestations se succèdent dans le temps et peuvent éventuellement évoluer vers des formes plus graves (Figure IV).
Les principales sources d’allergènes
Les allergènes sont des composants naturels de l’environnement capables de provoquer une réaction allergique [Vervloet ; 2003]. Le plus souvent, les allergènes sont des proteines de 10 à 50 kDa douées pour certaines de propriétés enzymatiques favorisant leur pénétration à travers les parois mucosales [Musu ; 1997]. Une étude récente a d’ailleurs démontré que l’activité protéasique de l’allergène peut directement activer les basophiles qui produisent alors de l’IL-4 et du TSLP nécessaires à l’induction d’une réaction allergique [Sokol ; 2008]. En eux-mêmes, les allergènes ne constituent pas un danger pour l’organisme, à la différence des virus et bactéries, mais le système immunitaire de certains individus dit atopiques les considère à tort comme tel, déclenchant alors une réaction de défense vis-àvis de ceux-ci à l’origine de la symptomatologie clinique. Au sens large, le terme « allergène » se confond avec la source d’allergène. Donnons ainsi comme exemple le pollen de dactyle, qui est en fait composé de nombreux allergènes, certains dits majeurs d’autres mineurs. On définit un allergène majeur comme étant, un allergène vis-à-vis duquel plus de 50% des sujets allergiques réagissent. L’identification des sources d’allergènes responsables des symptômes est un préalable indispensable pour initier des conseils et traitements spécifiques. Globalement, selon leur mode de pénétration dans l’organisme, la distinction est faite entre trois familles d’allergènes (Tableau II) : ̇ Les pneumallergènes ou allergènes aéroportés : acariens, pollens, phanères, moisissures. ̇ Les trophallergènes ou allergènes alimentaires : œuf, arachide, lait de vache, crustacés … ̇ Les allergènes injectés : venins d’hyménoptères et de serpents..
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