LES MATERIAUX DE RESTAURATION CORONAIRE DES MOLAIRES TEMPORAIRES.
La restauration coronaire de la dent temporaire est primordiale afin de lui rendre son intégrité anatomique. Cependant il n’existe pas de matériau idéal répondant à toutes les situations cliniques.
Idéalement, la mise en place d’un champ opératoire permet d’améliorer la siccité et par conséquent la qualité de la restauration en optimisant la rapidité d’exécution du soin.
Toutefois, si le comportement de l’enfant et/ou l’anatomie de la dent ne le permettent pas, il existe d’autres moyens pour travailler dans des conditions acceptables (aspiration hygoformic, écrans aspirants, travail à 4 mains). (19) De nombreux facteurs interviennent dans la prise de décision face à la restauration d’une dent temporaire atteinte d’anomalies et/ou de caries :
– Le facteur matériau : performances intrinsèques, proximité pulpaire, esthétique, coût.
– Le facteur patient : risque carieux individuel, coopération, temps résiduel de la dent sur arcade, condition d’isolation, sédation.
– Le facteur praticien : mode de pratique, habitudes de soins, aisance d’utilisation.
Cahier des charges des biomatériaux de restauration coronaire
Afin de sélectionner le matériau le mieux adapté à la situation clinique, il est important de connaître ses propriétés et ses avantages. Plus le matériau répondra à notre situation clinique, plus son utilisation sera adaptée.
Biocompatibilité
La notion de biocompatibilité définit la capacité des matériaux à ne pas interférer et à ne pas dégrader le milieu biologique dans lequel ils sont utilisés. Les matériaux biocompatibles sontappelés biomatériaux.
Les matériaux type « ciments verres ionomères » (CVI) présentent une très bonne biocompatibilité, tant au niveau dentaire que parodontal. Le relargage de fluorures (pendant et après la réaction de prise) et la recharge au contact du fluor ont un effet bénéfique sur le potentiel de défense pulpaire (Kuhn E et al. (20)).
Des matériaux comme l’or, les inlay, onlay et overlay en céramique sont biocompatibles pour des restaurations coronaires. Cependant, malgré leur excellente biocompatibilité, ils sont rarement utilisés sur des dents temporaires, notamment en raison de leur coût élevé.
Etanchéité marginale immédiate et différée
L’obtention d’une restauration étanche est un objectif en odontologie pédiatrique car celle-ci garantit la pérennité de la restauration en évitant non seulement les sensibilités postopératoires mais également les récidives carieuses.
Nous distinguons deux types d’étanchéité (13):
– L’étanchéité immédiate, qui dépend de l’adhésion du matériau, de sa rétraction de prise au niveau de l’interface et de la mise en œuvre proprement dite.
– L’étanchéité différée, qui varie en fonction de la résistance à l’usure, de la solubilité au long cours, et du coefficient de dilatation thermique.
Aucun matériau ne bénéficie d’une étanchéité immédiate ni différée optimales. Leurs conditions de mise en œuvre conditionnent l’étanchéité au long terme.
La perte d’étanchéité différée se traduit fréquemment par l’apparition d’une récidive de carie (aussi appelée carie secondaire).
Les ciments verres ionomères
Les ciments verres ionomères (CVI) sont des ciments composés d’acide polyacrylique (liquide) et de particules de fluoro-alumino-silicate (poudre).
Lors de la réaction de prise, il y a libération de Ca 2+ et Al 3+ qui se lient au COO-, permettant la formation de polyacrylates et la libération concomitante de fluorures. (32)
Il existe différents types de ciments verres ionomères: CVI conventionnels, CVI condensables, CVI modifiés par adjonction de résine (CVIMAR). Chaque matériau présentedes indications spécifiques.
En terme d’étanchéité différée, il n’existerait pas de différence significative entre un CVIMAR et un CVI conventionnel (Maha H et al., (33)).
Cependant, les ciments verres ionomères conventionnels sont fragiles, cassants et déconseillés chez l’adulte en tant que matériau de restauration coronaire dans les secteurs postérieurs où il existe des sollicitations occlusales importantes (34). Les CVIMAR sont des ciments verres ionomères auxquels a été ajoutée une partie résineusepermettant d’améliorer leurs propriétés mécaniques. Leur caractère hydrophile associé à leur résistance à l’hydrolyse les rend moins sensibles à la manipulation que les CVI conventionnels. Ils peuvent être utilisés avec de bons résultats dans des « situations critiques » (35).
Le protocole de mise en place des ciments verres ionomères semble moins strict que celui des résines composites (décrit ci-après).
Les CVI présentent de bons résultats en terme d’étanchéité. Cependant, quand la résine composite est mise en place dans des conditions optimales (coopération de l’enfant, digue,protocole de collage respecté, bonne hygiène), elle reste l’option thérapeutique la plus performante. (26) (27) (38) (39) (40)Les ciments verres ionomères pourront donc être utilisés en première intention chez des enfants peu coopérants où la réalisation des soins semble difficile et doit être effectuée rapidement. Ils sont aussi utilisés en temporisation chez des enfants polycariés.
D’après différentes études décrites lors de la revue de littérature, les coiffes pédodontiques préformées conservent de meilleurs résultats en termes d’étanchéité différée dans le cas de délabrements importants (27) (29) (41). Ceci se traduit par un minimum de récidive de caries, de sensibilité ou de perte de la restauration à long terme.
Les résines composites
Les résines composites sont composées d’une matrice de polymères et de charges.
Selon le taux et la taille des charges, on parle de composites micro-hybrides, nano-hybrides ou micro-chargés. (42)
Les résines composites sont présentées sous différentes viscosités (ferme, condensable ou fluide). Les différents types de résines composites peuvent être utilisés sur dents temporairesmais ne présentent pas les mêmes indications. En raison de leur très faible résistance àl’usure, les composites fluides (injectables) ne sont pas indiqués dans le cas de délabrement de grande étendue des molaires temporaires (42). Leur utilisation se limite principalement à des atteintes amélaires et/ou cervicales de faible étendue.
De nos jours, le développement de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques de collage orientent notre pratique vers des soins moins mutilants et augmentent l’étanchéité marginale des restaurations collées (Lasfargues et al. (43)). Les cavités sont désormais réalisées « a minima » selon le principe d’économie tissulaire, contrairement aux cavités pour amalgame d’argent, bien plus mutilantes. De plus, grâce à leur important panel de teintes, les résines composites présentent l’avantage d’être très esthétiques.
Le protocole de collage nécessite de choisir un adhésif parmi les différentes familles existantes : en 1 étape (SAM 1), en 2 étapes (SAM 2, M&R 2) ou en 3 étapes (M&R 3).
En odontologie pédiatrique, il est intéressant de préférer pour les soins en denture temporaire un adhésif sans mordançage préalable (système automordançant à 1 ou 2 étapes : SAM 1 ou 2) afin d’éviter des étapes supplémentaires comme dans le cas des M&R3 (mordançage + primer + résine adhésive).
Toutefois ces systèmes de collage présentent de moins bons résultats d’étanchéité en raison de la persistance de la boue dentinaire au niveau des tubules dentinaire (44).
La mise en œuvre des résines composites demande plus de rigueur et de temps, et nécessite une isolation obligatoire, un protocole d’adhésion strict, une bonne hygiène et un suivi régulier.
A cela s’ajoute le fait que dans les grandes pertes de substance, l’atteinte est très souvent infra-gingivale, ce qui rend la mise en place d’un champ opératoire étanche difficile.
Le protocole de mise en place d’une résine composite est le suivant (45):
Mise en place de la digue en caoutchouc.
Eviction de la lésion et mise en forme cavitaire (la forme de la cavité dépend essentiellement de la localisation et de la sévérité de la lésion).
Rinçage et séchage.
Conditionnement de la surface par mordançage à l’acide orthophosphorique à 37%, rinçage soigneux (20 secondes), puis séchage bref.
Mise en place de l’adhésif, séchage, puis la photopolymérisation (ou mise en place en une étape d’un SAM).
Mise en place du composite par couches successives en préfigurant l’anatomie occlusale.
Photopolymérisation de chaque apport (20 secondes).
Contrôle de l’occlusion et correction occlusale si nécessaire à l’aide de fraises diamantées de faible granulométrie.
Polissage avec instruments appropriés.
Les coiffes pédiatriques
Les cavités multi-surfaces sont soumises à une importante force occlusale, ce qui conduit souvent à l’échec prématuré des restaurations, même adhésives.
Les coiffes pédodontiques préformées sont des éléments prothétiques unitaires fixés qui recouvrent l’intégralité des parois dentaires et protègent l’émail et la dentine (46).
Elles reconstruisent la forme et la fonction de la dent temporaire lorsque la restauration directe ne peut pas lui rendre son intégrité anatomique.
La facilité d’emploi, la rapidité d’exécution et le confort qu’elles procurent au jeune patient en font une thérapeutique de plus en plus courante.
Elles peuvent être en acier inoxydable (3M ESPE®) avec ou sans incrustation vestibulaire (Nu Smile®), en polycarbonate (EZ-Pedo®, Kinder Krown®, Nu Smile®) et en composite.
Les Coiffes Pédiatriques Préformées en alliage métallique (CPP)
Les coiffes pédiatriques offrent l’avantage de recouvrir la totalité des structures coronaires en reproduisant autant que possible l’anatomie de la dent temporaire originale.
Elles permettent de maintenir une occlusion fonctionnelle, des points de contact proximaux efficaces, d’assurer la continuité des arcades et peuvent servir de support de mainteneur d’espace. Elles préservent les dents des récidives de caries, notamment chez l’enfant à tendance polycarieuse.
Enfin, les coiffes pédiatriques présentent un avantage certain en terme de coût, en comparaison à des coiffes élaborées par des techniques conventionnelles de laboratoire que l’on peut retrouver sur dents permanentes (47).
Les coiffes pédiatriques préformées présentent cependant certains inconvénients :
– Caractère inesthétique
– Risque de sur-obturation
– Insuffisance d’adaptation
– Allergies au nickel-chrome
Leur utilisation s’avère intéressante dans les cas suivants (11) (45) (48):
– Restauration des dents atteintes de lésions carieuses sur plusieurs surfaces,
– Restauration des dents temporaires après une pulpotomie/ pulpectomie,
– Restauration des dents délabrées pour cause d’anomalies du développement,
– Restauration suite à une importante perte de substance d’origine traumatique,
– Soins sous anesthésie générale (protection par leur fonction de couverture complète),
– Soins chez un patient à haut risque carieux.
Les CPP esthétiques
Pour pallier le côté inesthétique des couronnes en acier inoxydable, les couronnes à incrustation vestibulaire on fait leur apparition, ainsi que les couronnes préformées en zircone ou en résine composite.
Si elles sont plus esthétiques, quoique disponibles en une seule teinte très blanche, elles présentent des fractures fréquentes de la céramique et nécessitent une réduction tissulaire plusimportante du fait de l’épaisseur de la céramique (Clark L et al.). (51)