Les manuscrits de l’Institut de Civilisation Indienne à Paris 

LES SOURCES

L’ensemble des sources collectées et destinées à mener ce projet regroupe ici celles qui alimentent notre édition critique, et d’autres qui n’ont pas été incluses dans ce corpus. Elles ont toutefois un intérêt certain. Devant le quasi-anonymat de ce texte, toute information nous renseignant sur la présence du VSS en un endroit, une époque, est précieuse et participe à la compréhension de son histoire et ses aléas. Ces données font donc l’objet d’une note dans notre exposé, aux côtés des sources retenues pour le travail éditorial. La description de ces dernières porte sur leurs caractéristiques physiques, leurs contenus, ainsi que certaines considérations contextuelles lorsque cela nous est rendu possible. Nous les exposons successivement selon leur lieu géographique de conservation, certaines ayant été regroupées au sein d’une entité plus large, par exemple les sources siamoises ou khmères : 1. les manuscrits en provenance de Paris, 2. les sources thaïes, 3. les manuscrits en provenance de Phrae (Nord de la Thaïlande), 4. les manuscrits en provenance de Yangon (Birmanie), 5. le manuscrit en provenance de Colombo (Sri Lanka), 6. le manuscrit en provenance de Luang Prabang (Laos), 7. les sources khmères.

Les manuscrits de l’Institut de Civilisation Indienne à Paris 

Les deux manuscrits à notre disposition pour établir les textes du VSS et de son commentaire proviennent du fonds pāli de l’Institut de Civilisation Indienne à Paris. Ils portent respectivement les cotes ICI PALI 2 et ICI PALI 5. Les textes sont sur ôles, en caractères dits « khom bali (ขอมบาลี) » (Skilling, 2014 : 349). En très bon état, ils semblent récents. Ces deux exemplaires ont été préservés dans une malle soigneusement décorée ayant appartenu à Louis Finot, seule information à notre disposition à ce jour. Une annotation de la main de ce dernier figure sur un morceau d’ôle adjoint aux manuscrits, « Vajirasāratthasaṅgaha par Siri Ratanapañña (1534 A. D.) ». Les sources 32 

Le VSS 

Le VSS est tracé sur des ôles de 54 sur 4, 8 centimètres, qui forment une seule ligature (phūk) de 31 feuillets dont 26 écrits, les autres servants de pages de garde. Le texte débute à la quatrième ôle, mais n’est paginé qu’à partir de la suivante (de ka à khaṃ). Chaque feuille contient 5 lignes, recto et verso15. Le premier feuillet, non numéroté, porte au recto le titre Pāli Vajjirasāra Kambujjaksara. L’écriture du copiste est fluide et les caractères sont clairement distincts. Des corrections et des additions de lettres à l’encre noire figurent de manière parsemées dans le texte. On note également quelques grattages de caractères, bien que le copiste prenne d’ordinaire soin d’indiquer ses erreurs par un point noir apposé sur ceux-ci. Hormis les fautes d’orthographe on peut distinguer de la part du copiste deux types d’erreurs dans la transcription du texte. A noter qu’on trouve ces mêmes singularités dans tous les manuscrits de notre corpus en caractères khom. Les premières sont dues à la proximité graphique de certains caractères, source de substitution et de confusion. C’est notamment le cas des consonnes suivantes : – ga et ta (K et t), – pa et ca (b et c), – pa et ma (b et m), – na et da (n et T), – sa et la ( s et l). Le second type d’erreurs est d’ordre phonétique, et nous donne des indications sur le parler du copiste : – des difficultés dans la transcription de la dentale sonore non-aspirée (da), que l’on peut trouver sous la forme dha, par exemple ādhi pour ādi ; – des flottements quant à la manière de figurer la consonne redoublée dda, retranscrites ddha, par exemple saddha pour sadda ; – la suppression de la dentale sonore non-aspirée da lorsqu’associée avec la sonore aspirée dha, comme dans vaḍhantu pour vaḍḍhantu ; 15 Les caractéristiques communes aux manuscrits copiés en caractères khom ont été étudiées et décrites dans “Notes on making of palm-leaf manuscripts in Siam” (Schuyler, 1908) puis “Reflections on the Pali Literature of Siam” (Skilling, 2014). 33 – l’anusvāra (aṃ) qui en fin de mot prend parfois la forme aṅ, par exemple Buddhaṅ pour Buddhaṃ. La VSS-ṭ Cette copie du commentaire est la première à laquelle nous ayons eu accès. Elle est donc le texte « support » à partir duquel les autres copies ont été translittérées. Le manuscrit de la VSS-ṭ est constitué de 98 ôles (dont 92 écrites) de 54,5 sur 4,5 centimètres, répartis en trois phūk distincts. Le texte est paginé de ka à cho, chaque feuillet comprend également cinq lignes, écrites au recto et au verso. Sur la première ôle non numérotée figure l’indication Ṭikā Vajirasāra Kambujjaka, ainsi qu’à sa gauche des caractères minuscules à l’encre noire dont le contenu est difficile à lire. On reconnaît aisément le travail de copie de deux individus, en raison des écritures qui se distinguent par la qualité de leurs tracés, et par la clarté de la transcription. Le premier semble être le même qui s’est attelé à la rédaction du texte précédent. Son travail s’étend à la copie des deux premiers phūk du commentaire. Les caractéristiques de sa « main » sont les mêmes que celles décrites précédemment. Le deuxième copiste, qui a donc travaillé sur le dernier phūk, semble beaucoup moins à l’aise dans cet exercice, et moins « expert », à en juger par les très nombreuses fautes d’orthographe qui touchent aux notions fondamentales de la doctrine du bouddhisme pāli. Son écriture est plus hésitante voire maladroite, les caractères sont parfois difficiles à déchiffrer. Par ailleurs certains endroits du texte sont inexploitables, notamment certaines lignes qui dérivent sur le bord de l’ôle, rendant impossible la lecture de certaines voyelles, consonnes ou voyelles souscrites. On trouve également de nombreux grattages, additions et corrections à l’encre noire qui participent à la difficulté de lire et translittérer ce texte. Ainsi, les difficultés de lecture sont du même ordre que pour le précédent copiste, mais dans des proportions bien plus importantes. D’une part, la confusion des caractères est récurrente en raison du manque de netteté des traits, conjugués à une proximité graphique qui induit souvent le copiste en erreur. Son absence de maîtrise calligraphique laisse à penser que celuici a peu d’expérience en la matière. C’est le cas pour les consonnes : – pa et ca (b et c), – thā et cā (f a et ca), – pa et ma (b et m), – cā et pā (ca et á), – na et da (n et T), – ha et cā (h et ca), 34 – sa et la (s et l), – ja et ṭa (C et d), – cha et dha (q et F). Le mauvais emploi de certaines consonnes souscrites favorise également les coquilles : – ñca V‡ au lieu de ña j, – dva VT au lieu de ddha T§, et inversement, – et ñca V‡ au lieu de bbā VBa. Enfin, on trouve les mêmes erreurs liées à la phonétique que dans le premier manuscrit: elles concernent la nasale palatale (ña) et la dentale sonore non-aspirée (da) lorsqu’elles sont géminées ; la dentale sonore non-aspirée (da) qui présente également d’autres variantes (dha, ḍha) ; s’ajoute parfois à cette liste la substitution de la nasale palatale (ña) par la semi-voyelle ya lorsqu’elle figure en première position d’un mot, fait clairement lié à la prononciation thaïe. 

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Les sources thaïes

 Le VSS est présent sur le sol thaïlandais en divers endroits : dans une édition publiée à Bangkok (car. thaïs), un manuscrit en provenance de Surat Thani district de Chaiya (sud du pays), et enfin à la National Library de Bangkok. Seules les deux premières sources nous ont servies à construire notre édition. 

L’édition de Bangkok 

Le texte qui nous a servi de base pour ce travail est celui publié par Yaem Praphatthong en 1969 à Bangkok, le Phra Khamphi Wachirasaratthasangkhaha (พระคัมภีร์ วชรสรัตถ ิ สงคหะ) ั (324 pages). Un contexte cérémoniel concernant le moine nommé Visuddhivaṃsa, a conduit à l’édition et au tirage en 1000 exemplaires de ce texte pāli en caractères thaïs. Il s’appuie sur un manuscrit noté en caractères khom qui était en possession d’un moine nommé Kitivuḍḍho, résidant du Wat Suthat à Bangkok. Plusieurs points sont à noter : tout d’abord la numérotation des strophes est erronée, la stance 231 est mentionnée deux fois, décalant de fait l’ensemble. Par ailleurs, cette édition ne constitue en rien une version critique du texte. Yaem Praphatthong s’appuie sur un manuscrit qu’il retranscrit fidèlement, le texte étant de fait parsemé d’oublis et d’erreurs qui dénature les 35 portions concernées. Un certain nombre de ces erreurs sont liées à la ressemblance graphique de certains des caractères de l’alphabet khom, à moins que ce ne soit des confusions liées à la lecture et la copie de ces énoncés. Elles sont sensiblement les mêmes qu’indiquées pour les manuscrits de l’Institut de Civilisation Indienne : – pa et ca (b et c ), – pa et ma (b et m), – na et da (n et T), – sa et la ( s et l), – etc. Praphatthong présente succinctement le texte et en détaille le contenu : le texte est structuré en dix-neuf chapitres, les strophes sont organisées selon des principes différents (double sens, prolégomènes, etc.). Ces enseignements traitent de thèmes divers, tels que l’étymologie, l’astrologie, les mathématiques, la rhétorique, la littérature, etc. et ont pour but la connaissance de principes moraux, de moyens mnémotechniques, de points de doctrines religieuses. Praphatthong fournit en outre une traduction thaïe du texte, ajoute un certain nombre d’observations qui lui sont propres, et certains extraits du commentaire du VSS (la VSS-ṭ) qu’il avait à sa disposition. De plus, certaines portions difficiles du texte sont alimentées par une glose en pāli autre que la VSS-ṭ, plus précisément certains passages qui traitent de l’Abhidhamma, sans que l’auteur en indique les références. L’introduction livre différents éléments qui concernent le VSS : elle précise que son auteur, Ratanapañña, est le même qui a rédigé le Jinakālamālῑ. Il a achevé le texte en 1535 alors qu’il résidait au Mahāvanārāma. Praphatthong donne également une indication utile : le Vajirasāratthasaṅgaha était alors considéré comme un texte de « protection » (paritta).

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