LES MANIFESTATIONS DU SOLIDARISME CONTRACTUEL

LES MANIFESTATIONS DU SOLIDARISME CONTRACTUEL

L’influence solidariste du droit des sociétés sur le droit commun se manifeste par une approche renouvelée du contrat. Traditionnellement pensé en termes d’intérêts antagonistes, le contrat de droit commun renouvelle sa définition désormais articulée autour de la notion d’intérêt commun (Section 1). De cette conception plus fédératrice du contrat en résulte une appréhension renouvelée du comportement de parties tenues de coopérer pendant la durée de la relation contractuelle pour leur bien commun (Section 2).

UNE APPREHENSION DU CONTRAT RENOUVELEE PAR L’INTERET COMMUN 

Marginalisée dans la conception classique du contrat conçu comme une terre de conflits, la notion d’intérêt commun, qui caractérise et singularise le contrat de société depuis sa naissance (§1), tend aujourd’hui à se répandre et participe d’une rénovation de la définition du contrat de droit commun au profit d’une conception plus fraternelle (§2).

L’INTERET COMMUN : UNE NOTION TRADITIONNELLEMENT INHERENTE AU CONTRAT DE SOCIETE 

Si l’intérêt commun constitue une indéniable particularité de la société (A), la nature contractuelle de cette dernière a nourri d’importantes controverses (B).

L’INTERET COMMUN : UN CRITERE CONSTITUTIF DE LA SOCIETE

Une notion consubstantielle de la société. Loin de s’inscrire dans la conception classique du contrat qui se caractérise par un antagonisme d’intérêts, la société s’en différencie par la reconnaissance incontestée d’un intérêt commun aux associés1213 entendu comme« l’intérêt de chacun poursuivi par tous » 1214. Expressément visé par l’article 1833 du Code civil, l’intérêt commun constitue dès l’époque romaine un critère décisif du contrat de société1215. En droit romain, cette particularité se traduisait par le jus fraternitatis qui désignait à proprement parler la communauté d’intérêts. L’étymologie même de la société illustre le caractère indissociable des notions de société et d’intérêt commun.

La société provient du mot latin societas qui renvoie à une pluralité de personnes, une réunion, une communauté. Ce mot est luimême associé à celui de socio qui signifie faire partager, mettre en commun, allié, adjoint au mot socius qui renvoie au compagnon, à l’associé, à l’allié. On le voit, la notion d’intérêt commun est, dés l’origine, consubstantielle du contrat de société1216. Aussi apparaît-il regrettable que le législateur ne l’ait pas mentionné à l’article 1832 du Code civil1217. Cette lacune a contribué à se désintéresser de cette notion1218 qui confine à l’évidence1219 et fait l’objet d’un quasi consensus.

Une notion univoque en société

En effet, la notion d’intérêt commun n’appelle pas de difficulté. C’est « ce que les différents partenaires ont eu en vue lorsqu’ils ont décidé de créer une société, c’est-à-dire de développer une activité dans l’intérêt des uns et des autres »1220. Plus précisément, à l’aune de l’article 1832 du Code civil, l’intérêt commun consiste dans le partage des bénéfices ou la réalisation d’une économie : il est dans l’intérêt de chacun des associés, quelle que soit la forme sociale envisagée, de retirer un profit ou de réaliser une économie. Au-delà, tous entendent retirer de l’enrichissement collectif un enrichissement individuel1221 .

Si l’intérêt commun s’apparente en cela à l’objectif commun, il ne se confond pas pour autant avec lui. En effet, l’objectif commun s’identifie à la réalisation de l’entreprise commune, c’est-à-dire à la réalisation de l’objet social. Et alors que l’objet social désigne l’activité de la société et varie donc d’une société à l’autre, l’intérêt commun correspond à la cause objective du contrat de société qui ne varie pas selon la société envisagée.

Par conséquent, l’intérêt commun est « un concept à contenu strict » et s’oppose par là même également à l’intérêt social, « concept à contenu variable qui indique ce qui est bon pour la société »1222. De surcroît, si l’intérêt social concerne la relation entre l’associé et la personne morale, l’intérêt commun concerne la relation entre les associés1223. Mais le choix d’unir les notions d’intérêt commun et d’objet social n’est pas anodin. En effet, la réalisation de l’intérêt commun dépend de la réalisation de l’objet social, du succès de l’entreprise commune1224. Il n’est dés lors pas étonnant que les notions d’objectif commun et d’intérêt commun souffrent parfois d’un amalgame

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