LES MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES CHEZ
LES PATIENTS DIALYSES
INTRODUCTION
L’insuffisance rénale chronique est la conséquence de la perte progressive et définitive des fonctions des reins. Elle est secondaire à des lésions irréversibles du parenchyme rénal [100]. Au Sénégal, en 2003, 20 à 30 000 sénégalais vivaient avec une insuffisance rénale chronique, parmi eux 2000 à 4000 étaient au stade terminal de la maladie [39]. Les principales causes de cette affection sont dominées, dans les pays développés par les néphropathies vasculaires et diabétiques, qui représentent respectivement en France 20% et 12% [120] et au Etats Unis 27,9% et 44% [65]. En Afrique, les étiologies différent selon les pays. Au Maroc les glomérulonéphrites représentent 25% et les néphropathies interstitielles 19% [20]. Au Sénégal, la néphroangiosclérose est la néphropathie causale la plus fréquente (25%) suivie par la néphropathie diabétique (20,69%) et les glomérulonéphrites primitives (15,76%) [38]. Durant les cinquante dernières années, des progrès ont été notés dans la prise en charge notamment par dialyse chronique. Cependant l’apparition de complications multiviscérales (cardiovasculaires, infectieuses, ostéo-articulaires, hématologiques, neurologiques, endocriniennes etc.…) altère la qualité de survie obtenue grâce à la dialyse. La peau n’est pas épargnée et son atteinte revêt des degrés de gravité variable, allant du simple inconfort à la complication sévère. L’association de lésions cutanées à l’insuffisance rénale chronique (IRC) a été notée depuis 1827 par Bright [22]. Depuis l’instauration de l’hémodialyse dans les années 1960, les manifestations cutanées sont de plus en plus étudiées. En fait, les manifestations cutanées chez les dialysés chroniques sont fréquentes et variées. Certaines sont peu spécifiques, comme le prurit, les troubles pigmentaires et phanèriens. D’autres sont plus spécifiques mais plus rares, 2 comme les troubles de la kératinisation et la pseudo-porphyrie cutanée tardive. Leur incidence varie de 50 à 100 % des cas selon les séries [14; 55]. En Iran, elle est de 94,1% en 2008 [59]. Au Liban elle est de 96% [41]. En Afrique, les études réalisées au Nigéria et au Maroc rapportent respectivement une fréquence de 89,1% [43] et de 100% . Au Sénégal, jusqu’à ce jour, aucune étude portant sur les manifestations cutanées chez les dialysés n’a été réalisée. Les objectifs de notre travail étaient : – d’évaluer la fréquence des dermatoses chez les dialysés, – de déterminer leurs aspects cliniques, leurs facteurs de risque de survenue et leurs aspects évolutifs. Pour atteindre ces objectifs nous avons réalisé une étude longitudinale et descriptive chez les patients en dialyse à l’hôpital Aristide Le Dantec, à la Clinique ABC, à l’Institut clinique de perfectionnement (ASSOFAL) et au Centre de diagnostic et d’exploration (AMERICARE)
Rappels sur l’insuffisance rénale chronique
Définition
L’IRC est définie par une diminution durable du débit de filtration Glomérulaire en rapport avec une réduction permanente et définitive du nombre des néphrons fonctionnels. Elle est dite chronique lorsqu’ elle est présente depuis au moins 3 mois
Epidémiologie
L’épidémiologie de l’IRC dans les pays développés est différente de ceux en voie de développement. – Dans les pays développés En France, d’après les données du registre REIN, qui couvre 20 régions françaises en 2008, soit 86% de la population du pays, l’IRCT touche 57875 personnes au 31/12/2008 [120]. Aux USA, environ 19 millions de personnes adultes sont atteintes d’IRC, et 80000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année [73]. – Dans les pays en voie de développement Au Mali, en 15 années la fréquence de l’IRC a été multipliée par 10 (1,9% en 1990, 20,1% en 2005), ce qui démontre la recrudescence de l’IRC [126]. En République Démocratique du Congo, la prévalence était de 12,4% .Au Sénégal, en 2003, les estimations étaient de 20 à 30 000 sénégalais qui vivaient avec une insuffisance rénale ; 2000 à 4000 d’entre eux étaient au stade terminal de la maladie
Diagnostic
Diagnostic positif Circonstances de découverte
Les circonstances de découverte d’une IRC sont diverses. Il peut s’agir d’une néphropathie connue et identifiée. C’est au cours de la surveillance biologique régulière que l’on constate une altération progressive de la fonction rénale. Dans d’autres cas, la néphropathie est inconnue. L’IRC peut être alors de découverte fortuite: – lors d’un examen systématique, – à la suite de signes suggérant d’emblée une néphropathie : protéinurie, hématurie, œdèmes, à l’occasion de manifestations de l’urémie chronique. Affirmer l’insuffisance rénale Sur le plan clinique : L’IR est évoquée devant le syndrome d’urémie chronique (asthénie, nausées, vomissements, haleine urémique, langue dépapillée prenant l’empreinte des dents). Sur le plan para clinique Le diagnostic précoce de l’IRC doit reposer sur la valeur du DFG qui est inférieur à 60 ml/min/1,73 m2. En pratique clinique courante, le DFG est estimé à partir du dosage de la créatininémie, en utilisant différentes équations. Chez l’adulte, les plus utilisées sont l’équation de Cockcroft et Gault [28], la formule MDRD (Modification of the Diet in Renal Disease) simplifiée [85] et la formule CKD-EPI .
Critères de chronicité
Les arguments paracliniques permettent de faire le diagnostic de certitude de la chronicité. Sur le plan biologique : – à la numération formule sanguine : une anémie normochrome normocytaire arégénérative. – un bilan phosphocalcique perturbé : avec une hypocalcémie, et hyperphosphorémie. Sur le plan morphologique : 8 Le diagnostic est essentiellement posé à l’échographie rénale objectivant une diminution de la taille rénale et une mauvaise différentiation cortico-médullaire.
Diagnostic différentiel
Devant une altération de la fonction rénale, une IRA doit être éliminée par l’absence d’antécédents de MRC. Les explorations paracliniques objectivent un taux d’hémoglobine souvent normal, une calcémie normale et une phosphorémie normale et à l’échographie, des reins de tailles normales avec une bonne différentiation cortico médullaire .
Diagnostic étiologique
Toutes les néphropathies chroniques peuvent se compliquer d’IRC. Le diagnostic étiologique est de difficulté variable; il est guidé par l’atteinte lésionnelle (glomérulaire, tubulo-intertitielle, ou vasculaire). Néphropathies glomérulaires Elles représentent la troisième cause d’IRC terminale. – Les atteintes glomérulaires primitives: une hyalinose segmentaire et focale(HSF), une néphropathie membrano-proliférative (GNMP) et diffuse, une glomérulonéphrite extra-membraneuse (GEM), une amylose, une néphropathie à dépôts mésangiaux d’IgA (maladie de Berger, cirrhose), ou une glomérulonéphrite extra-corpusculaire (GEC). – Les atteintes glomérulaires secondaires : Le diabète (Kimmelstiel-Wilson), la toxicomanie, l’infection par le VIH, les infections chroniques et la maladie périodique pour l’amylose, les maladies de système (lupus érythémateux disséminé, angéites nécrosantes, le purpura rhumatoïde), les néoplasies profondes, les hémopathies malignes, les parasitoses chroniques (Plasmodium malaria, schistosomiase urinaire, filariose à Loa-Loa) et certains médicaments (sels d’or, D-pénicillamine) Néphropathies tubulo-interstitielles -Les uropathies malformatives (reflux) et acquises (tuberculose, bilharziose, lithiases, obstacles prostatique, fibrose rétro-péritonéale) ; – les troubles métaboliques chroniques (hypercalcémie, hyperuricémie, hypokaliémie) ; -les médicaments néphrotoxiques (diurétiques, laxatifs, aminosides, colimycine, euphorisants, AINS, sels de lithium, cisplatine et produits de contraste iodés) ; -des maladies comme le myélome multiple, certaines maladies du système (sarco dose, Goujerot Sjog ren) ou des intoxications par les métaux lourds. Néphropathies vasculaires -L’HTA essentielle ou secondaire -Ischémiques : sténose de l’artère rénale, néphroangiosclérose bénigne ou maligne, embols des critaux de cholestérol -Vascularites : microvascularites à ANCA, périartrite noueuse -Thrombotiques : microangiopathies thrombotiques, syndrome d’antiphospholipides Les néphropathies héréditaires Les maladies héréditaires rénales s’observent le plus souvent au cours de l’enfance et de l’âge adulte. Il n’est pas habituel d’en faire le diagnostic après 60 ans. Les maladies rénales héréditaires sont représentées par la grande entité des maladies kystiques, particulièrement la polykystose autosomique dominante (PKAD), par la maladie d’Alport et des cas isolés d’autres maladies héréditaires.
Diagnostic de retentissement
Il s’agit de manifestations du syndrome urémique chronique. Il associe une constellation croissante de signes cliniques; chaque malade ayant un tableau qui lui est propre. Signes généraux et syndrome anémique : fatigabilité, asthénie permanente, diminution de la qualité de vie favorisée par l’anémie. la maladie devient peu à peu invalidante. 10 Signes digestifs : inappétence, dégoût électif pour les viandes, odeur urémique de l’haleine, nausées. La surcharge azotée favorise également les hémorragies digestives. Signes cardio-vasculaires : HTA (hypertension artérielle) permanente, nécessitant d’être traitée, œdème et dyspnée ne s’observent qu’en cas de surcharge sodée manifeste, péricardite urémique. L’anémie contribue avec l’HTA à l’apparition d’une hypertrophie ventriculaire gauche et peut favoriser un angor. Signes neuromusculaires : crampes nocturnes des membres inférieurs, syndrome des jambes sans repos. Les crampes sont favorisées par l’hypocalcémie. On note parfois des sensations de brûlure, une diminution de la sensibilité profonde, une hyporéflexie. Signes ostéoarticulaires : crises de goutte (par hyperuricémie secondaire à la rétention de l’acide urique), douleurs osseuses (hyperparathyro die). Signes oculaires : conjonctivite urémique par dépôt calcique. Signes endocriniens : aménorrhée, diminution de la libido, impuissance Anomalies glucidiques : diminution de la tolérance aux hydrates de carbone, due à une diminution de l’activité périphérique de l’insuline. Elle est de peu d’importance en pratique. Anomalies lipidiques : l’hypertriglycéridémie avec sérum lactescent est fréquente, rôle favorisant de l’hyperinsulinisme et du régime alimentaire restrictif en protides, donc à prédominance glucolipidique.
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