Les malformations digestives neonatales vues au service de reanimation chirurgicale du chu d’antananarivo

GENERALITES

Les malformations congénitales constituent un groupe de troubles variés d’origine prénatale qui peuvent être causés par des anomalies d’un seul gène, des troubles chromosomiques, de multiples facteurs héréditaires, des agents tératogènes dans l’environnement, et des carences en micronutriments. (1)
Certaines maladies infectieuses maternelles, comme la syphilis ou la rubéole, sont une cause importante de malformations congénitales dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Des maladies de la mère, comme le diabète sucré, certains états pathologiques, comme les carences en iode ou en acide folique, et l’exposition à des médicaments et à des drogues récréatives, dont l’alcool et le tabac, à certains produits chimiques dans l’environnement et à des radiations à forte dose sont d’autres facteurs pouvant être à l’origine de malformations congénitales.

EMBRYOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF

La formation du tube digestif chez l’embryon humain commence à la fin de la 3 ème semaine de la vie embryonnaire. Le tube digestif et ses dérivés sont d’origine entoblastique pour le revêtementépithélial et mésoblastique pour les tuniques musculeuses et séreuses. Il va de la membranepharyngienne à la membrane cloacale et se divise en intestin antérieur, moyen et postérieur. Chaque partie se développeraensuite pour donner un segment du tube digestif et de ses dérivés. Lesappareilsrespiratoire et génito-urinaire sont également formés à partir de ce tube.
L’intestin antérieur donne naissance à l’œsophage, à la trachée, aux bronches, à
l’estomac, au duodénum situé en amont de l’abouchement des voies biliaires. Il donne également naissance au foie, au pancréas et aux voies biliaires.
L’intestin moyen forme l’anse intestinale primitive. Il donne naissance au segment du tube digestif compris entre l’abouchement des canaux biliaires et les deuxtiers gauches du côlon transverse. A son sommet, l’anse intestinale primitive demeure temporairement en communication avec la vésicule ombilicale par le canal vitellin.
A la 6ème semaine, l’anse se développe rapidement et fait hernie dans le cordon ombilical, c’est la hernie ombilicale physiologique (cf figure 1). Vers la 10ème semaine, elle réintègre la cavité abdominale. Parallèlement l’anse intestinale fait une rotation de 270 degrés dans le sens antihoraire (cf figure 2).
L’intestin postérieur donne naissance au reste du tube digestif, du 3ème tiers transverse, à la partie supérieure du canal anal. La partie distale du canal anal provient de la fossette anale ectoblastique.
Dans sa portion terminale, l’intestin postérieur est divisé par un septum (le septum uro-rectal) ainsi le rectum le canal anal se trouvent en arrière, la vessie et l’urètre en avant.

RAPPELS SUR LES DIFFERENTES MALFORMATIONS DIGESTIVES CONGENITALES

Atrésie de l’œsophage

L’atrésie de l’œsophage est une interruption de la continuité de l’œsophage avec ou sans fistule trachéo-œsophagienne (6)

Etiologies 

La cause précise de l’atrésie de l’œsophage n’est pas connue. La seule certitudeest qu’il s’agit d’une anomalie précoce entre le 24ème et le 36ème jour après la fécondation. La malformation a été constatée chez l’embryon avant la 5ème semaine après la fécondation.
D’autres théories suggèrent le rôle déterminant de la croissance différentielle oesotrachéale et les crêtes latérales œsophagiennes sans préciser toutefois les causes précises de la perturbation initiale.
Des facteurs génétiques pourraient jouer un rôle mais de manière très inconstante. Les enfants avec un antécédent familial d’atrésie de l’œsophage ont beaucoup plus de chance de faire une atrésie de l’œsophage.

Formes anatomiques

Quatre types anatomiques définissent les atrésies de l’œsophage. La présence ou l’absence de la fistule oeso-trachéale et la localisation de la fistule lorsqu’elle existe, permettent de faire une classification anatomique (cf figure 3).
– Type I : atrésie de l’œsophage sans fistule oeso-trachéale, avec deux culs-de-sac.
Cette forme représente environ 8% des atrésies de l’œsophage. Elle pose les grands problèmes de reconstruction œsophagienne à cause de l’écart très important des deux culs-de-sac œsophagien. Le cul-de-sac supérieur siège au niveau de D3-D4 etle cul-de-sac inférieur ne remonte que de 1 ou 2 cm au-dessus de l’hiatus dans le médiastin inférieur.
– Type II : atrésie de l’œsophage avec fistule oeso-trachéale proximale sans fistule oeso-trachéale distale. Ce type est rare : 0,5% des cas.
Dans ces types I et II, l’estomac est généralement de petite taille car le liquide amniotique n’a jamais pu y circuler.
– Type III : atrésie de l’œsophage avec fistule oeso-trachéale distale sans fistuleproximale. Elle est plus fréquente : 86% des cas. Dans cette forme, l’œsophage proximal se termine en cul-de-sac au niveau des vertèbres D3-D4 ; alors que l’œsophage distal ou inférieur naît directement sur la facepostérieure de la trachée avec laquelle il communique par une fistule, soit au niveau de D3-D4 (typeIIIa), soit au niveau de la carène (type IIIb).
– Type IV : atrésie de l’œsophage avec double fistule oeso-trachéale proximale et distale. Elle représente 0,5% des cas. Dans cette forme chacun des deux extrémités œsophagiennescommunique avec la trachée.

Diagnostic radiologique

La radiographie thoraco-abdominale de face et de profil réalisée avec une sonde naso-gastrique radio-opaque en place permet de voir que l’extrémité inférieure de la sonde se trouve entre D2 et D4 correspondant au cul-de-sac œsophagien supérieur dilaté. La pneumatisation de l’abdomen oriente vers l’existence d’une fistule aérodigestive, l’absence d’air dans l’estomac évoque une atrésie de type I et II.
Le Transit Oeso-Gastro-Duodénal (TOGD) peut aider au diagnostic, mais l’introduction de produit radio-opaque est dangereux à cause du risque d’inondation pulmonaire.

La sténose hypertrophique du pylore (SHP)

Elle se définit comme un épaississement des couches musculaires pyloriques touchant surtout la couche circulaire interne entraînant une réduction de la lumière pylorique et un obstacle au passage du bol alimentaire de l’estomac vers le duodénum (10).
Elle est connue depuis le XVIIème siècle, mais la première description exacte a été faite par Hirschsprung en 1888. (11).

Etiopathogénie

Elle n’est pas connue, aucune des hypothèses soulevées jusqu’à maintenant n’a pu être confirmée : irritation de la muqueuse pylorique, hypergastrinémie, médicaments pendant la grossesse, anomalies de l’innervation intrinsèque.

Etude clinique 

Habituellement, l’affection se manifeste 3 à 4 semaines après la naissance par l’apparition de vomissements alimentaires, le plus souvent chez un garçon fréquemment premier-né, parfois prématuré. Ces vomissements sont caractérisés par :
– leur mécanisme : en jet, abondants et explosifs, survenant à distance de la tétée.
– leur nature : alimentaires faits de lait caillé et de liquide de stase, jamais bilieux, exceptionnellement sanglants.
Il faut noter aussi le caractère isolé de ces vomissements. Aux vomissements s’associentla constipation, l’oligurie, la cassure de la courbe pondérale.
L’examen clinique réalisé à distance de la tétée retrouve :
– une voussure épigastrique avec ondulations péristaltiques spontanées ou déclenchées, se déplaçant de gauche à droite et en relation avec les contractions de l’estomac luttant contre l’obstacle pylorique. A l’auscultation épigastrique, il y a unclapotage à jeun, signe de la stase gastrique ;
– un abdomen plat et indolore ;
– l’olive pylorique siégeant dans l’hypochondre droit, profondément situé contre le rachis, sous la forme d’une masse oblongue, de consistance très ferme et relativement mobile ;
– les signes de déshydratation et de dénutrition à type de dépression de la fontanelle, sécheresse de la bouche et persistance des plis cutanés.

Les examens complémentaires 

La radiographie de l’abdomen sans préparation en position debout, incidence de face, réalisée à distance de la tétée montre un estomac distendu malgré les vomissements, souligné par les gaz du colon transverse avec liquide de stase et poche à air gastrique volumineuse, une aéroiléie et une aérocolie faibles, surprenantes à cet âge.
L’échographie abdominale est l’examen clé du diagnostic de la SHP. Elle est pratiquée en première intention et suffit le plus souvent pour confirmer le diagnostic.
Elle doit être réalisée à estomac plein, en décubitus latéral droit pour remplir l’antre. Lescritères en faveur du diagnostic de la SHP sont :
– en coupe transversale : un aspect en cocarde de l’olive avec une couronne hypoéchogène correspondant à l’épaississement de la couche musculaire et un centre hyperéchogène correspondant à la muqueuse ; une épaisseur du muscle au moins égale à 4 mm et un diamètre de l’olive supérieur à 14 mm ;
– en coupe longitudinale : une longueur du pylore classiquement supérieure à 19 mm aujourd’hui. Le canal pylorique est arciforme et rétréci.
Le Transit Oeso-Gastro-Duodénal (TOGD) est l’examen classique dansl’enquête diagnostique. Il sera pratiqué devant des signes échographiques limites, malgré une clinique évocatrice. Il ressort les signes directs de sténose par la présence d’un canal pylorique filiforme et allongé (plus de 20 mm).

Atrésie et sténose duodénale

L’atrésie duodénale est caractérisée par une interruption de la lumière duodénale. L’obstacle plus ou moins complet siège presque toujours sur le deuxième duodénum, le plus souvent en aval de l’abouchement des canaux biliopancréatiques.
Elle serait due à une reperméabilisation imparfaite de la lumière digestive ou à une compression congénitale extrinsèque du duodénum par un pancréas annulaire ou encorepar une malrotation mésentérique.
Le diagnostic peut être évoqué en prénatal à l’échographie fœtale devant l’existence d’une dilatation gastroduodénale sous forme d’une image en double bulle souvent associée à un hydramnios.
En postnatal, l’atrésie duodénale entraînera rapidement la survenue de vomissements bilieux dans 90% des cas. L’abdomen est généralement plat avec parfois une voussure épigastrique. Il y a absence d’élimination méconiale le plus souvent.
La radiographie de l’abdomen sans préparation est l’examen de choix. Le cliché réalisé debout, en incidence de face, montre une image en double bulle gastroduodénale avec des niveaux hydro-aériques. L’absence d’aération digestive d’aval témoigne du caractère complet de l’atrésie.
En cas de doute diagnostique, le TOGD montrera le siège de l’occlusion.
L’échographie montre une image de stase gastrique et une dilation du segment d’amont tandis que le segment d’aval est aminci.

Les atrésies du grêle

L’atrésie du grêle est une interruption complète ou incomplète de la lumière de l’intestin grêle. Elle peut être plus ou moins étendue. Elle peut siéger à un niveau quelconque du grêle, voire être multiple siégeant à différents niveaux.
Une forme particulière est l’atrésie en « colimaçon » où l’intestin en aval de l’atrésie est complètement dépourvu de mésentère très court et comme enroulé autour de son artère nourricière.
Alors que l’hypothèse d’un trouble de la reperméabilisation de l’intestin expliquerait la constitution d’atrésie du grêle septale étagée. Le mécanisme probable del’atrésie du grêle dans ses formes localisées serait une ischémie localisée. Uneéventuelle perforation consécutive à cette nécrose aseptique explique l’associationpossible de l’atrésie du grêle à la péritonite méconiale.
Le diagnostic prénatal est souvent évoqué par l’échographie fœtale, mais plustardivement que celui des atrésies duodénales. Cette échographie montre la dilatationdes anses intestinales en amont de l’obstacle. Un hydramnios peut être associé. En postnatal, elle se révèle par des vomissements bilieux associés à un météorismeabdominal et l’absence d’émission de méconium.
La radiographie de l’abdomen sans préparation en incidence de face montre une dilatation du grêle avec présence de niveaux hydro-aériques centraux, sans aération colique. Les calcifications dans la cavité abdominale témoignent d’une péritonite méconiale liée à la perforation d’une anse.
L’échographie montre des anses intestinales dilatées en amont de l’obstacle et amincies en aval. La présence de gaz ou de liquide dans la cavité péritonéale témoigne la perforation digestive.

Les atrésies du côlon 

Les atrésies du côlon complètes ou incomplètes sont également liées à un accident de la croissance intestinale fœtale. Elles sont rares et réalisent un tableau d’occlusion néonatale basse.
On retrouve de part et d’autre de l’atrésie, la même différence de diamètre des deux extrémités, aux dépens de bout d’aval, parfois très marquée. En règle, le reste del’intestin en amont est normal, d’où un pronostic dans l’ensemble meilleur que celui des atrésies du grêle. L’atrésie du côlon peut exister seule ou être associée à une maladie de Hirschsprung. Le mécanisme probable est un accident vasculaire fœtal puisque la mêmelésion a pu être reproduite in vitro.
Le diagnostic anténatal est possible à l’échographie fœtale devant des anses intestinales dilatées surtout le grêle. En post natal, elle se révèle par un syndrome occlusif néonatal.
La radiographie de l’abdomen sans préparation prise debout, en incidence de face, montre de nombreux niveaux hydro-aériques. Le lavement aux hydrosolubles confirme le diagnostic et montre le siège de l’obstacle.

L’omphalocèle et le laparoschisis 

Ce sont des défects congénitaux de la paroi abdominale antérieure entraînant une éviscération.
Dans l’omphalocèle, le défect est large, médians et les viscères sont recouverts et protégés par une fine membrane amniotique translucide. Le cordon ombilical s’implante sur cette membrane, au sommet de la masse éviscérée (cf figure 4). Les malformations associées sont très fréquentes, en particulier des anomalies du caryotype.
La fréquence est de 1 pour 2 000 fœtus.
Le diagnostic est le plus souvent anténatal. Il importe de rechercher attentivement les malformations associées et de réaliser un caryotype. Une interruption médicale de grossesse est proposée en cas d’anomalies associées graves. En l’absence de telles anomalies, le pronostic est bon, la grossesse est menée à son terme normal, avec une probabilité de survie de 90%.
Dans le laparoschisis, le défect est étroit, latéralisé à droite de l’implantation du cordon qui est normale. Les viscères sont directement au contact du liquide amniotique (cf figure 5). Il peut y avoir des lésions intestinales liées à la macération amniotique ou à des conflits mécaniques au niveau de l’orifice pariétal. Lesmalformations associées sont exceptionnelles. La fréquence est de 1 pour 10 000 fœtus.
Le diagnostic est, là aussi, le plus souvent anténatal. Le pronostic est bon, le taux de survie est de 90%.

Etiopathogénie

L’arrêt de la migration et l’absence de maturation des neuroblastes en cellules ganglionnaires seraient responsables du défaut d’innervation de l’intestin terminal.

Diagnostic

L’examen est normal à la naissance. Plus ou moins rapidement, vont apparaître un ballonnement abdominal, puis rejets et vomissements. Dans 2/3 des cas,l’élimination de méconium est retardée au-delà de la 24ème heure de vie. Le toucher rectal ou la montée prudente d’une sonde rectale sont très évocatrices quand ils entraînent l’élimination explosive de méconium et de gaz permettant le déballonnement du nouveau-né.
La radiographie de l’abdomen sans préparation, le lavement opaque et la manométrie ano-rectale peuvent contribuer au diagnostic. La radiographie de l’abdomen sans préparation montre les anses digestives dilatées. Le lavement aux hydrosolubles estévocateur par :
– une disparité de calibre entre le segment aganglionnaire et le segment d’amont ;
– l’absence d’haustrations coliques sur le segment aganglionnaire ;
– et un aspect « en pile d’assiettes » sur le segment distendu.
Le diagnostic de la maladie de Hirscsprung est histologique par la biopsie trans-anale immédiatement au-dessus de la ligne anopectinée. L’histologie recherchera les zones aganglionnaires.

L’imperforation anale 

Il s’agit d’une malformation due aux anomalies de la régression caudale survenant précocement au cours de la vie intra utérine (6ème à la 10ème semaine). Lafréquence moyenne est de 2 à 3 cas pour 10 000 naissances vivantes. Elle s’observe le plus souvent chez le garçon que chez la fille.
Les signes cliniques sont dominés par le ballonnement abdominal qui peut être néonatal précoce ou dans les 24 à 48 premières heures de vie, les vomissements alimentaires ou bilieux, l’absence d’émission de méconium dans les 24 premières heures chez un nouveau-né à terme ou dans les 48 heures chez le prématuré. L’émission de méconium par les organes génitaux. Le diagnostic peut être posé lors de l’examen cliniqueminutieux du nouveau-né en salle de naissance.
La radiographie de l’abdomen sans préparation en incidence de face et de profil confirme le diagnostic en montrant le cul-de-sac rectal et permet de connaître la variété anatomique. La fistulographie montre le trajet de la fistule.

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