Prébétiques
Les Prébétiques affleurent uniquement dans la partie orientale de la chaîne jusqu’à la longitude de Jaen dans sa partie Nord (Fig. 13). Cette unité montre un passage graduel aux sédiments composants la couverture des massifs ibériques. La série sédimentaire des Prébétiques est constituée par des dépôts calcaires de plateforme proximale, interrompus par des intervalles de dépôts continentaux. On divise les Prébétiques en deux sous-domaines. Dans les Prébétiques externes, l’enregistrement sédimentaire est lacunaire pendant tout le Mésozoïque et le Cénozoïque, et en particulier depuis le Paléogène en raison de périodes d’érosion (Vera, 2000). La chaine plissée des Prébétiques est constituée par une imbrication complexe de plis et de chevauchements, dans laquelle les niveaux évaporitiques du Trias jouent le rôle de niveau de décollement. Dans la partie occidentale des Prébétiques, le sel triasique forme des diapirs qui impactent fortement la structure (Roca et al., 2006). Dans les Prébétiques internes, les séries sédimentaires mésozoïques sont plus complètes. Du Paléogène à l’Aquitano-Burdigalien, la sédimentation est caractérisée par des marno-calcaires blancs comprenant des niveaux de turbidites calcaires. La déformation dans ce domaine est accommodée par de grands plis et chevauchements associés (Fig. 16). Les Prébétiques forment la partie la plus proximale de la paléo-marge ibérique. Ce domaine enregistre des déformations à partir du Crétacé supérieur (Martín-Chivelet et Chacón, 2007), liées à la convergence entre l’Afrique et l’Europe, synchrones des premières déformations dans les Pyrénées et dans les bassins intra-ibériques.
Subbétiques
Les Subbétiques (Fig. 13) correspondent à un domaine plus distal de la marge ibérique. Ils se caractérisent par une sédimentation carbonatée en milieu plus profond. Les Subbétiques sont divisés comme les Prébétiques en plusieurs domaines paléogéographiques: les Subbétiques internes, médians et externes (Garcia Dueñas, 1967). Le domaine médian est marqué par une subsidence plus importante par rapport aux domaines externes et internes. Le domaine interne est caractérisé par une subsidence assez faible pendant le Jurassique moyen et supérieur. Le domaine intermédiaire (Foucault, 1962 ; Sanz de Galdeano, 1973 ; Ruiz Ortiz, 1980, Ruiz-Ortiz et al., 2006) est un sous-domaine de la marge ibérique, caractérisé par les taux de subsidence les plus élevés des Subbétiques et des épaisseurs de Jurassique et de Crétacé importantes. La configuration passée de ce bassin rappelle celle de l’actuel bassin de Valence ou du bassin d’Algarve. Tous les trois sont localisés sur la marge ibérique, orientés parallèlement à la marge et liés à l’extension Jurassique supérieur-Crétacé inférieur. Dans leur partie centrale, les Subbétiques sont déformés par de grandes nappes de chevauchement qui utilisent comme niveau de décollement les niveaux évaporitiques du Trias (Crespo-Blanc et Frizon de Lamotte, 2006) (Fig. 17).
Domaine des Flyschs
L’unité des Flyschs (Fig. 13) fera l’objet de la partie suivante et nous n’en feront donc ici qu’une brève description. Cette série s’étend du Crétacé inférieur au Miocène et se caractérise par deux décharges de matériel silicoclastique au Crétacé inférieur ainsi qu’au Miocène inférieur. Les séries de flyschs sont mieux conservées dans la partie rifaine de l’Arc de Gibraltar et en particulier les séries mésozoïques. Dans les Bétiques, les affleurements sont essentiellement formés par les séries Cénozoïque et restreints géographiquement à la terminaison ouest de la chaîne dans la région du Campo de Gibraltar. Les Flyschs sont considérés comme s’étant déposés dans un bassin profond, situé au Sud des unités d’AlKaPeCa (Fig.2) ou de la plaque méso-Méditerranéenne. L’hétérogénéité dans la répartition actuelle de cette unité est probablement en partie liée aux variations initiales de dépôts. Structuralement, l’unité des Flyschs est généralement décrite comme chevauchante sur les zones externes des Bétiques et du Rif et chevauchée par les zones internes (Crespo-Blanc and Frizon de Lamotte, 2006). Les flyschs sont dans certains cas retrouvés au-dessus des zones internes (Durand-Delga, 1972 ; Bourgois, 1978, Sanz de Galdeano et al., 1993 ; Hlila et al., 2008). Certains auteurs ont proposé que dans les Bétiques (Néonumidien) et dans le Rif (Jbel ZemZem) ces unités aient été mises en place par des processus de glissement gravitaire (Bourgois, 1978) ou par le biais d’un retro-chevauchement (Michard et al., 2011) lors de la formation du prisme d’accrétion des flyschs au front des zones internes au Miocène inférieur. Cette interprétation est communément admise mais en regard des travaux récents, une influence de la tectonique salifère (Flinch and Soto, 2017) est à considérer et pourrait être le sujet d’études ultérieures.
Les zones internes
Nous aborderons dans cette partie, les caractéristiques stratigraphiques des zones internes, en particulier des unités non métamorphiques qui préservent une couverture mésozoïque comme les Malaguides et la Dorsale Calcaire. Pour les unités Alpujarrides et Névado-Filabrides, aux généralités sur la stratigraphie s’ajoute un descriptif des grands événements métamorphiques qu’ont subies ces unités. Des informations complémentaires à celles présentées ici peuvent être retrouvées dans le chapitre 4.
L’unité Névado-Filabrides: stratigraphie et évolution P-T-t
L’unité des Nevado-Filabrides (Fig. 19) n’affleure que dans l’Est des Bétiques. C’est aussi la seule unité des zones internes qui ne possède pas d’équivalent dans le Rif. Cette unité est l’unité la plus profonde de l’empilement de nappes des zones internes.
Figure 19: Répartition géographique des affleurements appartenant au Nevado-Filabrides.
On divise les Névado-Filabrides en trois unités structurales, l’unité de Ragua (Veleta), de Calar Alto (Mulhacén) et de Bédar Macael (Puga, 1871 ; Martinez-Martinez et al., 2002). Ces subdivisions sont fondées sur les variations des conditions métamorphiques observées dans ces différentes unités.
La succession stratigraphique est similaire d’une unité à l’autre (Gomez Pugnaire et al., 2012 ; Booth-Rea et al., 2015 ; Sanz de Galdeano et al., 2016). Elle se compose d’une série de schistes graphiteux sombres contenant des niveaux de quartzites et de carbonates, datés du Carbonifère moyen (Rodríguez-Cañero et al., 2017), suivi d’une série Permo-Triasique constituée de schistes clairs et de métapélites. Cette série est surmontée par des marbres et des méta-évaporites Triasiques s’élevant potentiellement jusqu’au Crétacé. Les Névado-Filabrides sont aussi caractérisées par la présence de métabasites dont le protolithe est daté du Jurassique (Tendero et al., 1993 ; Puga et al., 2011). Ce magmatisme jurassique est associé à l’ouverture d’un domaine océanique ou transitionnel lors de l’ouverture de la Téthys Alpine (Bodinier et al., 1987). Les différentes unités des Névado-Filabrides ont été affectées par un métamorphisme HP-BT (1.4-2GPa, 600-690°C) dont l’âge reste incertain. Les études géochronologiques existantes ont en effet produit des âges qui s’étendent de 60 à 17Ma (Monié et al., 1991; Puga et al., 2002; Augier et al., 2005a; Platt et al., 2006; Sánchez-Vizcaíno et al., 2001; Gómez-Pugnaire et al., 2012; Kirchner et al., 2016) indiquant potentiellement plusieurs événements de subduction. Suite au pic de pression ces unités ont subi une rétro-morphose dans des conditions de BP-BT (0.6-0.3GPa, 600-300°C) (Gomez Pugnaire et al., 2012 ; Augier et al., 2005a). D’après les données de thermochronologie basses températures existantes, ces unités sont ensuite exhumées rapidement entre 16.5 et 8-6 Ma puis plus lentement pour atteindre des conditions de surface autour de 3-5 Ma (Vázquez et al., 2011).
L’unité des Alpujarrides: stratigraphie et métamorphisme
Les Alpujarrides sont formées de plusieurs nappes constituées de sédiments Paléozoïques à Trias marquées par une histoire métamorphique complexe pendant les orogénèses hercynienne et alpine. La stratigraphie Paléozoïque des Alpujarrides est assez similaire à celle des Névado-Filabrides. Elle est représentée par une série épaisse (1000m ou plus) de schistes graphiteux probablement paléozoïques dans lesquels on retrouve quelques niveaux gréseux (Lafuste et Pavillon 1976). Les séries paléozoïques sont suivies par des niveaux de schistes clairs ou phyllites et de quartzites du Permo-Trias puis par d’épaisses séries de dolomies et de marbres du Trias moyen et supérieur (Kozur et al., 1974) bien exprimées dans la Sierra de las Nieves dans la région de Yunquera.
Les nappes Alpujarrides sont caractérisées par la présence de plusieurs massifs péridotitiques. On retrouve ces péridotites dans la partie ouest des Bétiques et dans le Rif dont les plus gros affleurements sont les massifs de Ronda et de Beni-Bousera. L’emplacement du matériel mantellique dans la croûte reste mal expliqué. Les modèles récents s’accordent sur une mise en place pendant le Miocène, résultant soit de l’extrusion d’un coin mantellique pendant la transpression (Tubía et al., 2004, 2013; Mazzoli and Martín-Algarra, 2011), de l’extension post orogénique ayant affectée les unités d’Alboran ou encore, en compression pendant l’inversion du bassin arrière arc pendant la fin de l’Oligocène et le Miocène inférieur (Booth-Rea et al 2005; Garrido et al., 2011 ; Précigout et al., 2013). Les péridotites et les unités Alpujarrides environnantes sont intrudées par des dykes granitiques datés entre 22.3±0.7 et 18.9±3.0 Ma, permettant de dater la dernière mise en place à chaud de ces unités (Esteban et al., 2011a; Sánchez-Rodríguez and Gebauer, 2000). La péridotite de Ronda est aussi intrudée par des dykes de pyroxénites liés à l’ouverture de la Téthys Alpine (Sánchez-Rodríguez and Gebauer, 2000 ; Marchesi et al., 2012 ; Précigout et al., 2013) .
Figure 20: (A): Ages du pic de température associé à l’événement métamorphique de haute température, déterminé à partir de datations U-Pb sur zircons ou par modélisation thermique (site 4). Les localités correspondent à celles de (B). (B): âges radiométriques disponibles sur les unités de haut grade des zones internes des Bétiques et du Rif (Platt et al., 2003c).
L’histoire métamorphique des nappes Alpujarrides commence par un épisode de HP-BT (0.7-1.1 GPa, 400-580°C) suivi par un épisode de HT-BP. L’épisode de HP-BT est caractérisé par des assemblages minéralogiques propres au faciès schiste bleu (Azañón and Crespo-Blanc, 2000). Cet événement de HP-BT est daté autour de l’Eocène mais son âge exact est mal défini (Augier, 2005 ; Platt, 2013). Ce premier épisode métamorphique est suivi par une exhumation rapide à faible profondeur de ces unités au Miocène inférieur. Associé à cette exhumation rapide, les unités Alpujarrides (comme les Névado-Filabrides) ont subi un événement de HP-BT qui a causé la réouverture de nombreux systèmes géochronologiques qui fournissent des âges de refroidissement autour de 20 Ma (Fig. 20). L’exhumation, jusqu’à des conditions de surface, des unités Alpujarrides se fait ensuite très rapidement, et est achevée autour de 16-17Ma (Monié et al., 1994 ; Platt et al., 2003b, 2005 ; Esteban et al., 2004, 2005 ; Janowsky et al., 2017). La mise à l’affleurement des Alpujarrides est même potentiellement plus ancienne, l’âge des dépôts du groupe Vinuela, contenants des éléments métamorphiques propres aux Alpujarrides, étant daté du Burdigalien inférieur (Serrano et al.,2006 2007).